Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 8 décembre 2017 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office à l'expiration de ce délai et, d'autre part, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour, sur le fondement des articles L. 911-1 et L. 911-2 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1800169 du 10 avril 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 10 mai 2018, M. B..., représenté par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 8 décembre 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, sur le fondement des articles L. 911-1 et L. 911-2 du code de justice administrative, de lui délivrer un titre de séjour ;
4°) de mettre les dépens de l'instance à la charge de l'Etat.
Il soutient que :
- en refusant de l'admettre au séjour, le préfet des Bouches-du-Rhône a fait une inexacte application de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a également méconnu les dispositions de l'article L. 314-11 et L. 314-12 du même code ;
- la décision contestée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette décision méconnaît la circulaire du 28 novembre 2012 du ministre de l'intérieur ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de la décision sur sa situation personnelle.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 20 juin 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. C... Grimaud, rapporteur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Entré pour la première fois en France le 10 décembre 2012 selon ses déclarations, M. B..., né le 25 juillet 1994 et de nationalité kosovare, a demandé, le 6 avril 2017 à bénéficier d'une carte de séjour temporaire au titre de l'admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 8 décembre 2017, le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté cette demande et ordonné l'éloignement de l'intéressé.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : / 1° Pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée, dans les conditions prévues à l'article L. 5221-2 du code du travail. Elle porte la mention " salarié ". (...) ". Aux termes de l'article L. 313-14 du même code : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 (...) peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. / Un décret en Conseil d'Etat définit les modalités d'application du présent article ". Enfin, selon l'article L. 5221-2 du code du travail : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : / 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; / 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail. ". L'article L. 5221-5 du même code dispose : " Un étranger autorisé à séjourner en France ne peut exercer une activité professionnelle salariée en France sans avoir obtenu au préalable l'autorisation de travail mentionnée au 2° de l'article L. 5221-2 ".
3. Ni l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni aucune autre disposition de ce code ne prévoient que la délivrance de la carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " dans le cadre de ce régime d'admission exceptionnelle au séjour autorise, en elle-même, l'exercice d'une activité professionnelle sans qu'ait été obtenue au préalable l'autorisation de travail mentionnée au 2° de l'article L. 5221-2 du code du travail. Le dispositif de régularisation ainsi institué à l'article L. 313-14 ne peut donc être regardé comme dispensant d'obtenir cette autorisation avant que ne soit exercée l'activité professionnelle considérée.
4. Pour autant, la demande présentée par un étranger sur le fondement de l'article L. 313-14 n'a pas à être instruite dans les règles fixées par le code du travail relativement à la délivrance de l'autorisation de travail mentionnée à son article L. 5221-2, la demande d'autorisation de travail pouvant être, en tout état de cause, présentée auprès de l'administration compétente lorsque l'étranger disposera d'un récépissé de demande de titre de séjour ou même de la carte sollicitée.
5. Il ressort des termes de l'arrêté du 8 décembre 2017, non contestés sur ce point, que M. B... a présenté sa demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et non sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-10 de ce code. Il ne peut dès lors utilement soutenir que cette dernière disposition aurait été méconnue.
6. Si M. B..., engagé en juillet 2013 comme boulanger par contrat à durée déterminée à temps partiel, a ensuite bénéficié d'un contrat à durée indéterminée à compter du 1er mai 2015, dont l'horaire de travail a été porté à trente-cinq heures hebdomadaires le 1er mai 2016, il n'était titulaire que d'un contrat à temps partiel assorti d'une durée de travail de soixante-dix-huit heures mensuelles à la date de la décision attaquée. Eu égard à la faiblesse de ce volume horaire de travail et à la nature de ses qualifications ainsi qu'au caractère limité de la durée de son exercice professionnel, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le préfet des Bouches-du-Rhône a commis une erreur manifeste d'appréciation en lui refusant l'admission au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. En deuxième lieu, M. B... ne peut utilement invoquer la circulaire ministérielle du 28 novembre 2012, dès lors, d'une part, que celle-ci ne revêt pas un caractère réglementaire et, d'autre part, que les critères de régularisation y figurant ne présentent pas le caractère de lignes directrices susceptibles d'être invoquées mais constituent de simples orientations pour l'exercice, par le préfet, de son pouvoir de régularisation. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance, par la décision contestée, des énonciations de cette circulaire ne peut qu'être écarté.
8. En troisième lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
9. Si M. B..., entré en France en octobre 2012, affirme y résider depuis cinq ans à la date de la décision attaquée, cette allégation, contestée par le préfet des Bouches-du-Rhône devant les premiers juges, n'est pas établie, les pièces produites par le requérant n'étant pas de nature à démontrer la continuité de sa présence en France. Il ressort en outre des pièces du dossier que l'insertion socioprofessionnelle de l'intéressé est, ainsi qu'il vient d'être dit, restée limitée à l'occupation d'un emploi exercé essentiellement à temps partiel. Par ailleurs, si le frère de M. B... réside en France, il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant, célibataire et sans enfant, dispose d'autres liens familiaux en France ou soit dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine. Dans ces conditions, l'arrêté attaqué ne peut être regardé comme portant au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de la décision sur la vie personnelle de l'intéressé doit être écarté.
10. En dernier lieu, les moyens tirés de la méconnaissance des articles L. 313-11, L. 314-11 et L. 314-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sont pas assortis de précisions suffisantes pour permettre à la Cour d'en apprécier le bien-fondé. Ils ne peuvent dès lors qu'être écartés.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 8 décembre 2017.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
12. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. B..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être également rejetées.
Sur les dépens :
13. En l'absence de dépens dans la présente instance, ces conclusions ne peuvent qu'être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 22 octobre 2018, où siégeaient :
- M. David Zupan, président,
- M. C... Grimaud, premier conseiller,
- M. Allan Gautron, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 novembre 2018.
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N° 18MA02142