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23/10/2018 | FRANCE | N°17MA03539

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre - formation à 3, 23 octobre 2018, 17MA03539


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 23 mars 2017 par lequel le préfet de l'Aude a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours mentionnant le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1701977 du 6 juillet 2017, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par

une requête, enregistrée le 8 août 2017, M.B..., représenté par la SCP D'AVOCATS TARLIER - REC...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 23 mars 2017 par lequel le préfet de l'Aude a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours mentionnant le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1701977 du 6 juillet 2017, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 8 août 2017, M.B..., représenté par la SCP D'AVOCATS TARLIER - RECHE - GUILLE MEGHABBAR, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 6 juillet 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 23 mars 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Aude, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " et, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- l'arrêté est entaché d'un vice de procédure faute pour le préfet d'avoir saisi la commission du titre de séjour ;

- il est entaché d'une contrariété dans sa motivation ;

- le préfet a commis une erreur de droit en examinant son droit au séjour au titre de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en lui opposant une entrée récente sur le sol national ;

- il est fondé à se voir délivrer un titre de séjour en application de l'article L. 313-14 précité ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 septembre 2017, le préfet de l'Aude conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les moyens soulevés par M. B...ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Simon a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 23 mars 2017, le préfet de l'Aude a rejeté la demande de titre de séjour que lui avait présentée le 3 février précédent M.B..., ressortissant malien, sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours mentionnant le pays de destination de la mesure d'éloignement. M. B...fait appel du jugement du 6 juillet 2017 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à chaque argument de la demande de M.B..., se sont prononcés sur l'ensemble des moyens invoqués par l'intéressé à l'encontre de l'arrêté en litige et, notamment, sur les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celles de l'article 3-1 de la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant. Par suite, M. B...n'est pas fondé à contester la régularité du jugement.

Sur la légalité de l'arrêté de l'arrêté du 23 mars 2017 :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. (...) ".

4. En l'espèce, si M. B...a résidé sur le territoire national de 2004 à 2010, il est retourné au Mali après avoir fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français et n'est revenu sur le territoire national que le 17 décembre 2015. Dès lors, il ne résidait pas en France habituellement depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté en litige, comme l'a exactement relevé le préfet de l'Aude sans commettre de contradiction dans les motifs de son arrêté. Par suite, le préfet n'était pas tenu de soumettre pour avis à la commission du titre de séjour la demande d'admission exceptionnelle au séjour présentée par M.B....

5. En deuxième lieu, il appartient au préfet, dans l'application du premier alinéa de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte de séjour mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Contrairement à ce que soutient l'appelant, ces dispositions précitées ne font pas obstacle à ce que le préfet, dans le cadre de son appréciation, tienne notamment compte du caractère récent de l'entrée sur le territoire national de l'étranger. Par suite, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait commis une erreur de droit en retenant qu'il ne justifiait pas des motifs exceptionnels qu'il faisait valoir, notamment, du fait de son entrée récente sur le territoire national, le 17 décembre 2015.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Par ailleurs, il appartient au préfet, saisi d'une demande de titre de séjour par un étranger en vue de régulariser sa situation, de vérifier que la décision de refus qu'il envisage de prendre ne comporte pas de conséquences d'une gravité exceptionnelle sur la situation personnelle de l'intéressé et n'est pas ainsi entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

7. En l'espèce, M.B..., entré pour la dernière fois sur le sol national selon ses dires le 17 décembre 2015, réside chez son demi-frère à Carcassonne alors que la mère de son enfant, certes titulaire d'une carte de résident, vit à la Plaine Saint Denis. La seule attestation de celle-ci ne suffit pas à établir que l'appelant entretient une quelconque relation avec son enfant. Par ailleurs, cette attestation ainsi que l'unique certificat médical du 3 avril 2017 indiquant que M. B...a accompagné la mère de son enfant lors d'une consultation dans le cadre du suivi de sa seconde grossesse sont insuffisantes pour tenir acquis la stabilité de la relation entre les intéressés. Dans ses conditions, et alors même que la mère de l'appelant réside en France sous couvert d'un titre de séjour, qu'un de ses deux frères et son demi-frère sont de nationalité française et qu'il a vécu sur le sol national de 2005 à 2010 sous couvert de cartes de séjour temporaires portant la mention " étudiant ", au demeurant sans obtenir aucun diplôme, le préfet de l'Aude, en prenant l'arrêté en litige, n'a pas, eu égard à la durée et aux conditions de son séjour en France, porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale eu égard aux buts en vue desquels il a été pris, et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas entaché son refus d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.

8. En quatrième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : "Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale". Il résulte de ces dispositions, qui peuvent utilement être invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

9. D'une part, comme il a été dit précédemment, M. B...n'établit pas entretenir une quelconque relation avec son enfant né en 2011 et qui vit avec sa mère. D'autre part, les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ne pouvant être utilement invoquées dans le cas d'un enfant à naître, la circonstance qu'à la date de l'arrêté querellé, la mère du premier enfant de l'appelant attende un deuxième enfant est sans incidence sur la légalité de celui-ci.

10. En dernier lieu, à l'appui de son moyen tiré de la méconnaissance du 1er alinéa de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, M. B...se borne à reprendre les mêmes arguments qu'il a développés afin de démontrer le bien fondé de ceux tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Toutefois, ces éléments ne constituent pas des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels au sens de cet article.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.

Copie pour information en sera adressée au préfet de l'Aude.

Délibéré après l'audience du 9 octobre 2018, où siégeaient :

- Mme Buccafurri, présidente,

- Mme Simon, président-assesseur,

- MmeC..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 23 octobre 2018.

4

N° 17MA03539


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA03539
Date de la décision : 23/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme BUCCAFURRI
Rapporteur ?: Mme Frédérique SIMON
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : SCP D'AVOCATS TARLIER - RECHE - GUILLE MEGHABBAR

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-10-23;17ma03539 ?
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