Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... C...a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 13 février 2018 par lequel le préfet de Vaucluse a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être renvoyée d'office.
Par un jugement n° 1800682 du 3 avril 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 2 mai 2018, Mme C..., représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de Vaucluse du 13 février 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet de Vaucluse, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, subsidiairement, d'ordonner le réexamen de sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à son conseil, lequel renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, sur le fondement des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de la méconnaissance, par la décision fixant le pays de destination, de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'arrêté contesté méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant.
Mme C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 juillet 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D... Steinmetz-Schies, président-rapporteur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. MmeC..., née le 13 avril 1977, de nationalité albanaise, est entrée en France avec son époux et ses deux enfants mineurs en octobre 2016 et a sollicité le bénéfice de l'asile. Cette demande a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 21 février 2017, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 26 juin 2017. Par un arrêté du 13 février 2018 le préfet de Vaucluse a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être renvoyée d'office.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Mme C... soutient que les premiers juges ont entaché leur jugement d'irrégularité en omettant de répondre au moyen tiré de la méconnaissance, par la décision fixant le pays de destination, de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il ressort cependant des termes mêmes dudit jugement, par ailleurs suffisamment motivé, que ce moyen a été expressément écarté en son point 9. Par suite, le premier juge n'a commis aucune irrégularité.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
4. Mme C... fait valoir qu'elle est entrée en France en octobre 2016 avec toute sa famille, qu'elle est hébergée par l'association des Cités du secours catholique à Avignon, qu'elle suit des cours assidus de français, que son fils est scolarisé en classe de cinquième et sa fille en cours élémentaire deuxième année et qu'elle n'a plus de contacts avec sa famille depuis 2003, en raison de son mariage avec un homme de confession musulmane. Toutefois, la requérante a vécu au moins jusqu'à l'âge de trente-neuf ans dans son pays d'origine et ne justifie pas, par les pièces versées aux débats, d'une particulière insertion dans la société française. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, le préfet de Vaucluse, en lui refusant un titre de séjour et en l'obligeant à quitter le territoire français, aurait porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ce refus a été pris. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant susvisée : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
6. Eu égard aux circonstances de l'espèce, et notamment en l'absence de toute circonstance mettant Mme C... dans l'impossibilité d'emmener avec elle ses enfants mineurs, lesquels ont vécu jusqu'en 2016 en Albanie, et dont il n'est pas démontré qu'ils ne pourraient pas y poursuivre leur scolarité ou qu'ils y encoureraient des risques particuliers pour leur sécurité, l'arrêté contesté n'a pas méconnu les stipulations précitées du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". L'autorité administrative chargée de prendre la décision fixant le pays de renvoi d'un étranger a l'obligation de s'assurer, au vu du dossier dont elle dispose et sous le contrôle du juge, que les mesures qu'elle prend n'exposent pas l'étranger à des risques sérieux pour sa liberté ou son intégrité physique, non plus qu'à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
8. Mme C... soutient qu'elle est menacée dans son pays d'origine pour avoir épousé un compatriote de confession musulmane. Toutefois, la requérante, dont la demande d'asile a d'ailleurs été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile, n'appuie ses allégations que sur son propre récit produit devant ces institutions, sans apporter d'éléments de nature à établir qu'elle serait effectivement soumise à des risques de traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine. En admettant même, d'ailleurs, l'existence de tensions familiales liées à son mariage, il n'est pas justifié de l'incapacité des autorités albanaises, s'agissant d'un litige d'ordre privé, à assurer la protection de l'intéressée et de ses enfants. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué aurait été pris en méconnaissance des stipulations précitées ne peut qu'être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 13 février 2018.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
10. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme C..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 s'opposent à ce que la somme réclamée par Mme C... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...C..., à Me A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Vaucluse.
Délibéré après l'audience du 8 octobre 2018, où siégeaient :
- M. David Zupan, président,
- Mme D... Steinmetz-Schies, président-assesseur,
- M. Philippe Grimaud, premier conseiller.
Lu en audience publique le 22 octobre 2018.
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N° 18MA02017