Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Earth Conseil Aménagement Stratégie Exploitation, dite " Earthcase ", a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler, d'une part, la décision du 28 août 2013 par laquelle le département du Var a rejeté son recours préalable du 29 juin 2013 tendant notamment à l'annulation de la décision du 3 juin 2013 portant rejet de son offre, d'autre part, le contrat conclu le 21 juin 2013 avec le groupement formé par les sociétés Ingerop Conseil et Sur Mauvenu relatif à la réalisation d'une étude concernant l'opportunité et la faisabilité de la mise en place d'un transport public interurbain maritime régulier dans le golfe de Saint-Tropez et enfin, de condamner le département du Var à lui verser une indemnité de 50 000 euros en réparation des conséquences dommageable de son éviction de cette procédure de marché.
Par un jugement n° 1303006 du 4 mars 2016, le tribunal administratif de Toulon a rejeté ses demandes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 1er mai 2016 et 17 avril 2017, la société Earthcase, représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon ;
2°) d'annuler la décision du 28 août 2013, ensemble le contrat conclu le 21 juin 2013 avec le groupement composé des sociétés Ingerop Conseil et Sur Mauvenu ;
3°) de condamner le département du Var à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation de ses préjudices ;
4°) de mettre à la charge du département du Var la somme de 1 000 euros hors taxes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.
Elle soutient que :
- sa requête est recevable ;
- le jugement attaqué est entaché d'une contradiction entre ses motifs et son dispositif ;
- le département a manqué à ses obligations de mise en concurrence et méconnu l'article 10 du code des marchés publics dès lors que le marché devait faire l'objet d'un allotissement ;
- l'article 46 et l'annexe VII D 6° de la directive 2004/18/CE du 31 mars 2004 ont été méconnus ;
- le critère de la valeur technique était trop imprécis ;
- elle ne s'est pas abstenue de proposer une clause de compensation financière ;
- le motif de rejet de son offre tenant à son prétendu manque de lisibilité est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- les premiers juges n'ont pas tiré toutes les conséquences de l'irrégularité constatée quant à la composition de l'équipe ;
- le marché peut être résilié alors même qu'il est achevé ;
- elle a perdu une chance de remporter le marché et doit être indemnisée de ses préjudices.
Par un mémoire en défense enregistré le 10 janvier 2017, le département du Var, représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la société Earthcase au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la société requérante n'est pas représentée par un avocat inscrit au barreau français et sa requête n'est pas recevable ;
- cette requête ne satisfait pas aux exigences de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;
- aucun des moyens invoqués n'est fondé en fait ou en droit.
Par un mémoire enregistré le 18 avril 2017, la société Sur Mauvenu, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête ;
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable ;
- les conclusions dirigées contre la décision du 3 juin 2015 ne sont pas recevables ;
- la requête est dépourvue de tout fondement, comme l'ont déjà démontré les écritures du département du Var, auxquelles elle s'associe.
Par un courrier du 20 juillet 2017, le département du Var a informé la Cour de ce que sa compétence en matière de transports a été transférée à compter du 1er septembre 2017 à la région Provence-Alpes-Côte d'Azur.
La procédure a été communiquée le 4 avril 2018 à la région Provence-Alpes-Côte d'Azur qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Par ordonnance du 28 mai 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 12 juin 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive n° 2004/18/CE du 31 mars 2004 ;
- la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifiée ;
- le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ;
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E... Steinmetz-Schies, président-assesseur ;
- et les conclusions de M. D... Thiele, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par un avis publié le 26 janvier 2013 au journal officiel de l'Union européenne, le département du Var a lancé une procédure d'appel d'offre ouvert en vue de l'attribution d'un marché public portant sur la réalisation d'une étude relative à la faisabilité de la mise en place d'un service de transport public interurbain maritime régulier dans le golfe de Saint-Tropez. Le 3 juin 2013, l'offre de la société Earth Conseil Aménagement Stratégie Exploitation, dite " Earthcase ", a été rejetée, et le marché a été conclu le 21 juin 2013 avec le groupement formé des sociétés Ingerop Conseil et Sur Mauvenu. Le département du Var a rejeté, par un courrier du 28 août 2013, le recours préalable de la société Earthcase, formé le 29 juin 2013 et qui tendait, d'une part, à l'annulation de la décision du 3 juin 2013 portant rejet de son offre, d'autre part, à l'annulation du marché et, enfin, au versement d'une indemnité de 50 000 euros.
Sur les fins de non recevoir opposées par le département du Var :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 431-2 du code de justice administrative, auquel renvoie, s'agissant de l'appel, l'article R. 811-7 du même code : " Les requêtes et les mémoires doivent, à peine d'irrecevabilité, être présentés (...) par un avocat (...) lorsque les conclusions de la demande tendent (...) à la solution d'un litige né d'un contrat " et que " la signature des requêtes et mémoires par l'un de ces mandataires vaut constitution et élection de domicile chez lui ". Aux termes de l'article 201 du décret du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat : " (...) sont reconnus en France comme avocats les ressortissants des Etats membres de la Communauté européenne (...) qui exercent leurs activités professionnelles dans l'un de ces Etats membres (...) autres que la France (...) sous l'un des titres professionnels suivants : (...) en Espagne : abogado, (...) ". L'article 202-1 du même décret prévoit que lorsqu'un avocat ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne établi à titre permanent dans un Etat membre autre que la France " assure la représentation ou la défense d'un client en justice ou devant les autorités publiques, il exerce ses fonctions dans les mêmes conditions qu'un avocat inscrit à un barreau français. (...) " .
3. Il est constant que la société Legal Consultant et Partners SLP, qui a son siège à Barcelone, est inscrite au registre des sociétés professionnelles de l'ordre des avocats de cette ville et que Me B..., membre de cette société et signataire du mémoire d'appel, a la qualité d'abogado. Par suite, le département du Var n'est pas fondé à soutenir que cet avocat n'aurait pas qualité pour représenter la société requérante.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours ".
5. La requête de la société Earthcase, qui critique tant la régularité que le bien-fondé du jugement attaqué, est suffisamment motivée et ne constitue pas la reprise littérale de ses écritures de première instance. Par suite, la fin de non recevoir opposée par le département du Var et tirée de la méconnaissance de l'article R. 411-1 du code de justice administrative doit être écartée.
6. En troisième lieu, la société requérante n'est pas recevable à demander l'annulation de la décision du 28 août 2013 en tant qu'elle rejette sa demande préalable d'annulation de la décision du 3 juin 2013 rejetant son offre, qui constitue un acte préalable détachable du contrat.
Sur la régularité du jugement :
7. Les premiers juges, après avoir constaté que " l'offre de la société requérante n'aurait pas été retenue, quand bien même le département du Var n'aurait pas commis l'irrégularité constatée au point 16 " car, " même en attribuant fictivement la note maximale de 5/5 pour le sous-critère technique relatif aux moyens proposés pour la mise en oeuvre de la demande du département, l'offre de la société Earthcase continue de présenter une qualité moindre, au regard des critères de sélection retenus, que celle présentée par l'attributaire du marché ", ont ensuite estimé qu'il n'était pas établi que cette irrégularité " aurait affecté le consentement de la personne publique et qui n'affecte pas non plus le bien-fondé du contrat ", et n'était pas de nature à justifier que soit prononcée l'annulation ou la résiliation du marché. Le tribunal a ensuite rejeté les conclusions de la société Earthcase qui, " dépourvue de toute chance de remporter le contrat ", ne pouvait " prétendre à l'indemnisation d'aucun préjudice ". En jugeant ainsi que l'erreur de fait commise par le département du Var, quoique constitutive d'une irrégularité, n'avait pas influencé le choix de l'attributaire et ne pouvait conduire à faire droit à l'action en contestation de validité du contrat, le tribunal n'a nullement entaché sa décision, comme il est prétendu, de contradictions entre ses motifs et son dispositif. Le moyen tiré d'une telle irrégularité doit dès lors être écarté.
Sur la validité du marché :
8. Indépendamment des actions dont les parties au contrat disposent devant le juge du contrat, tout concurrent évincé de la conclusion d'un contrat administratif est recevable à former devant ce même juge un recours de pleine juridiction contestant la validité de ce contrat ou de certaines de ses clauses, qui en sont divisibles, assorti, le cas échéant, de demandes indemnitaires. Ce recours doit être exercé, y compris si le contrat contesté est relatif à des travaux publics, dans un délai de deux mois à compter de l'accomplissement des mesures de publicité appropriées, notamment au moyen d'un avis mentionnant à la fois la conclusion du contrat et les modalités de sa consultation dans le respect des secrets protégés par la loi.
9. Ainsi, saisi de telles conclusions par un concurrent évincé, il appartient au juge, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat, d'en apprécier les conséquences. Il lui revient, après avoir pris en considération la nature de l'illégalité éventuellement commise, soit de prononcer la résiliation du contrat ou de modifier certaines de ses clauses, soit de décider de la poursuite de son exécution, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation par la collectivité contractante, soit d'accorder des indemnisations en réparation des droits lésés, soit enfin, après avoir vérifié si l'annulation du contrat ne porterait pas une atteinte excessive à l'intérêt général ou aux droits des cocontractants, d'annuler, totalement ou partiellement, le cas échéant avec un effet différé, le contrat.
En ce qui concerne l'obligation d'allotissement :
10. Aux termes de l'article 10 du code des marchés publics alors en vigueur : " Afin de susciter la plus large concurrence, et sauf si l'objet du marché ne permet pas l'identification de prestations distinctes, le pouvoir adjudicateur passe le marché en lots séparés (...). Le pouvoir adjudicateur peut toutefois passer un marché global, avec ou sans identification de prestations distinctes, s'il estime que la dévolution en lots séparés est de nature, dans le cas particulier, à restreindre la concurrence, ou qu'elle risque de rendre techniquement difficile ou financièrement coûteuse l'exécution des prestations ou encore qu'il n'est pas en mesure d'assurer par lui-même les missions d'organisation, de pilotage ou de coordination ".
11. Saisi d'un moyen tiré de l'irrégularité de la décision de ne pas allotir un marché, il appartient au juge de déterminer si l'analyse à laquelle le pouvoir adjudicateur a procédé et les justifications qu'il fournit sont, eu égard à la marge d'appréciation dont il dispose pour décider de ne pas allotir lorsque la dévolution en lots séparés présente l'un des inconvénients que les dispositions précitées mentionnent, entachées d'appréciations erronées.
12. Le marché de prestation intellectuelle en litige a pour objet la réalisation d'une étude portant sur l'opportunité et la faisabilité de la mise en place d'un service de transport public interurbain maritime régulier dans le golfe de Saint-Tropez. Le règlement de consultation prévoit que cette étude se décompose en six parties techniques : 1° état des lieux, 2° conditions techniques, 3° les conditions d'harmonisation de la gestion des ouvrages d'accostage, 4° la consistance des services à assurer, analyse financière et juridique du projet, 5° rédaction de clauses techniques d'un projet de contrat (y compris clauses environnementales), 6° présentation de l'étude. Le département, d'une part, dans une note justificative jointe au dossier de consultation des entreprises, insistait, en particulier, sur la nécessité de " maintenir la cohérence des prestations ", lesquelles, étroitement liées les unes aux autres, se rattachaient toutes au besoin de disposer d'une étude globale et synthétique, d'autre part, soutient qu'un allotissement risquait également de l'amener à réaliser lui-même un travail de synthèse (financier, technique, gestion, logistique ...) de l'ensemble des données recueillies par les différents prestataires, alors qu'il souhaitait assurer la cohérence de ces prestations techniques, et que les entreprises pouvaient également se grouper et recourir à la sous-traitance. Ces considérations, auxquelles la société Earthcase n'apporte aucun contredit sérieux, et qui font apparaître que l'allotissement était techniquement difficile, dès lors que les analyses juridiques et technico-économique étaient interdépendantes, étaient de nature à justifier le recours à un marché global, sans qu'il en résulte une atteinte excessive à la concurrence. En conséquence, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 10 du code des marchés publics et d'une attente à la concurrence doit être écarté.
En ce qui concerne l'absence d'indication, dans l'avis d'appel public à la concurrence, de la réservation du marché à une profession particulière :
13. Aux termes de l'article 46 de la directive 2004/18/CE du 31 mars 2004, invoqué par la requérante dont les dispositions ont été transposées et reprises par l'article 40 du code des marchés publics : " Dans les procédures de passation des marchés publics de services, lorsque les candidats ou les soumissionnaires ont besoin d'une autorisation spécifique ou doivent être membres d'une organisation spécifique pour pouvoir fournir dans leur pays d'origine le service concerné, le pouvoir adjudicateur peut leur demander de prouver qu'ils possèdent cette autorisation ou qu'ils appartiennent à cette organisation ". L'annexe VII D de la même directive impose d'indiquer, le cas échéant " si la participation est réservée à une profession déterminée ". Aux termes, par ailleurs, de l'article 54 de la loi du 31 décembre 1971 susvisée portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques : " Nul ne peut, directement ou par personne interposée, à titre habituel et rémunéré, donner des consultations juridiques ou rédiger des actes sous seing privé, pour autrui : 1° S'il n'est titulaire d'une licence en droit ou s'il ne justifie, à défaut, d'une compétence juridique appropriée à la consultation et la rédaction d'actes en matière juridique qu'il est autorisé à pratiquer conformément aux articles 56 à 66 ".
14. L'article 4 du cahier des clauses techniques particulières imposait d'intégrer dans l'étude une consultation juridique au sens de l'article 54 précité, et exigeait qu'au sein de l'équipe présentée figure une " personne titulaire d'une licence en droit " ou " justifiant d'une compétence juridique appropriée ". Une telle mention, qui n'est d'ailleurs pas contraire à cette même disposition, ne saurait être entendue comme se rapportant nécessairement à une profession déterminée, et notamment au métier d'avocat. En conséquence, ni l'avis d'appel public à la concurrence, ni le règlement de consultation n'avaient à indiquer que la prestation faisant l'objet du marché était réservée à une profession particulière. Au surplus, l'annexe VII-D de la directive du 1er mars 2014 invoquée par la société requérante concerne exclusivement les procédures de concours.
S'agissant de l'imprécision du critère de la valeur technique :
15. Il ressort du règlement de la consultation du marché litigieux que le jugement des offres a été effectué à partir de deux critères pondérés, la valeur technique (60 %) et le prix (40 %). La valeur technique devait être jugée à partir du mémoire technique du candidat et se décomposait elle-même en deux sous-critères : d'une part, la description et la pertinence de la méthode de travail proposée, notée de 0 à 5 points avec un coefficient 6, soit un maximum de 30 points ; d'autre part, les moyens mis en oeuvre pour répondre spécifiquement à la demande de la collectivité et à l'objet du marché (personnes affectées à cette mission et chargées de l'exécution du marché, leur qualification), ce sous-critère étant également noté de 0 à 5 points avec un coefficient 6. Le règlement imposait, concernant la justification de ces moyens, d'indiquer pour chaque partie technique, en utilisant le tableau proposé dans le cadre du mémoire technique, le nombre de jours de travail prévu, sans compter le temps consacré aux réunions. L'annexe 2 du règlement de la consultation précisait en outre, contrairement à ce que soutient la société requérante, que les candidats devaient, à partir de la mission définie dans les pièces du marché, produire une description de la méthode de travail à mettre en place ainsi que les moyens mis en oeuvre (personnes affectées à la mission, qualification, temps de travail consacré à chacune des parties techniques). Compte tenu de ces éléments, suffisants pour permettre aux soumissionnaires de prendre la mesure de ce que recouvrait le critère de la valeur technique des offres, le moyen tiré du caractère imprécis de ce critère ne saurait être accueilli.
S'agissant des erreurs d'appréciation entachant l'offre de la société Earthcase :
16. En premier lieu, l'article 4 du cahier des clauses techniques particulières exigeait, dans la partie technique n° 4, concernant l'analyse économique et financière du projet, qu'en ce qui concerne le mode de gestion " le candidat propose la rédaction d'une clause de compensation financière forfaitaire dans l'hypothèse d'un contrat de délégation de service public et évalue le montant de la compensation financière forfaitaire résultant des obligations de service public que devra verser la collectivité territoriale au transporteur en cas de déficit ". Il ressort du mémoire technique de la société requérante qu'elle s'est engagée à produire " l'ensemble des clauses qui s'imposeront au délégataire de service public (...), notamment les clauses financières (...) incluant le calcul de la compensation financière ". La rédaction de telles clauses constituant l'une des prestations à exécuter en exécution du marché et non un élément de l'offre elle-même, la société Earthcase est fondée, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, à soutenir que le jugement de son offre est entaché d'une erreur de fait s'agissant du sous-critère de la méthodologie.
17. En deuxième lieu, si le département a reproché, à tort, à la société requérante de ne proposer qu'une équipe réduite de trois personnes affectée à l'étude en cause, alors qu'elle en avait présenté cinq dans son dossier, commettant ainsi une nouvelle erreur de fait, la commission d'appel d'offres a aussi estimé que les moyens mis en oeuvre, défini en nombre de jours de travail prévu pour chaque partie technique, était insuffisant dès lors qu'il n'était que de 78 jours, la moyenne étant, pour l'ensemble des soumissionnaires, de 94 jours. Dans ces circonstances, eu égard à l'ampleur, à la complexité et à la variété des prestations à fournir, la société requérante ne peut soutenir que le département du Var a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne lui octroyant qu'une note de 18 sur 30 pour le sous-critère " méthode de travail ".
18. En troisième lieu, si la société requérante soutient que son offre était lisible, contrairement à ce qu'a estimé le président du conseil général du Var dans son courrier du 28 août 2013, un tel moyen est inopérant dès lors que la critique ainsi formulée ne figure pas au nombre des motifs de rejet de l'offre de cette société.
Sur les conséquences des irrégularités dans la passation du contrat :
19. Il résulte de l'instruction, et en l'absence de toute contestation sur les qualités comparées des offres au regard des autres critères, que l'offre de la société requérante n'aurait pas été retenue, quand bien même le département du Var n'aurait pas commis les irrégularités relevées aux points 16 et 17, dès lors que, même en attribuant fictivement la note maximale de 5/5 pour le sous-critère technique relatif aux moyens proposés pour la mise en oeuvre de la demande du département et la note appropriée de 20/30 pour le second sous-critère relatif aux moyens mis en oeuvre, l'offre de la société Earthcase continue de présenter une qualité moindre, au regard des critères de sélection retenus, que celle présentée par l'attributaire du marché. Ainsi, ces irrégularités, dont il n'est pas établi qu'elles auraient affecté le consentement de la personne publique et qui n'affectent pas non plus le bien fondé du contrat, ne justifient pas, en l'absence par ailleurs de toutes circonstances particulières révélant notamment une volonté de la personne publique de favoriser un candidat, que soit prononcée l'annulation ou la résiliation, du marché.
Sur les conclusions indemnitaires :
20. Lorsqu'un candidat à l'attribution d'un contrat public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce contrat, il appartient au juge de vérifier d'abord si le candidat était ou non dépourvu de toute chance de remporter le contrat. Dans l'affirmative, il n'a droit à aucune indemnité. Dans la négative, il a droit en principe au remboursement des frais qu'il a engagés pour présenter son offre. Il convient, d'autre part, de rechercher si le candidat irrégulièrement évincé avait des chances sérieuses d'emporter le contrat conclu avec un autre candidat. Dans un tel cas, il a droit à être indemnisé de son manque à gagner, incluant nécessairement, puisqu'ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l'offre, lesquels n'ont donc pas à faire l'objet, sauf stipulation contraire du contrat, d'une indemnisation spécifique. En revanche, le candidat ne peut prétendre à une indemnisation de ce manque à gagner si la personne publique renonce à conclure le contrat pour un motif d'intérêt général.
21. Compte tenu de ce qui a été énoncé au point 19, la société requérante était dépourvue de toute chance de remporter le marché. Elle ne peut donc prétendre à l'indemnisation d'un quelconque préjudice.
22. Il résulte de tout ce qui précède que la société Earthcase n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande d'annulation du marché conclu le 21 juin 2013 entre le département du Var et les sociétés Ingerop Conseil et Sur Mauvenu ainsi que ses conclusions indemnitaires.
Sur les frais liés au litige :
23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que la somme réclamée par la société Earthcase au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens soit mise à la charge du département du Var, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance . Il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées sur le même fondement par le département du Var.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société Earthcase est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du département du Var tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Earth Conseil Aménagement Stratégie Exploitation, dite " Earthcase ", à la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, et au groupement formé par les sociétés Ingerop Conseil et Sur Mauvenu.
Délibéré après l'audience du 8 octobre 2018, où siégeaient :
- M. David Zupan, président,
- Mme E... Steinmetz-Schies, président-assesseur,
- M. Philippe Grimaud, premier conseiller.
Lu en audience publique le 22 octobre 2018.
N° 16MA01697 5