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16/10/2018 | FRANCE | N°18MA03063-18MA03064

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 16 octobre 2018, 18MA03063-18MA03064


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 23 mai 2018 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a ordonné son transfert aux autorités italiennes ainsi que l'arrêté du 23 mai 2018 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône l'a assigné à résidence administrative.

Par un jugement n° 1804083 du 31 mai 2018, le magistrat désigné du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête, enregi

strée le 26 juin 2018 sous le n° 18MA03063, M. B... A..., représenté par la SELARL Andreani-Humbert,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 23 mai 2018 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a ordonné son transfert aux autorités italiennes ainsi que l'arrêté du 23 mai 2018 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône l'a assigné à résidence administrative.

Par un jugement n° 1804083 du 31 mai 2018, le magistrat désigné du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête, enregistrée le 26 juin 2018 sous le n° 18MA03063, M. B... A..., représenté par la SELARL Andreani-Humbert, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 31 mai 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 23 mai 2018 du préfet des Bouches-du-Rhône portant transfert aux autorités italiennes et l'arrêté du 23 mai 2018 du préfet des Bouches-du-Rhône l'assignant à résidence administrative ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une attestation de demande d'asile ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la contribution versée par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 000 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté portant transfert aux autorités italiennes méconnaît les dispositions du 3 de l'article 26 du règlement (UE) du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- l'arrêté de transfert est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur son état de santé au regard de l'application de la clause discrétionnaire de l'article 17 du règlement UE du 26 juin 2013 en méconnaissance des stipulations de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'assignation à résidence enfreint l'article L. 742-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 août 2018, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens n'est fondé.

II. Par une requête, enregistrée le 26 juin 2018 sous le n° 18MA03064,

M. B... A..., représenté par la SELARL Andreani-Humbert, demande à la Cour :

1°) d'ordonner sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative le sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Marseille du 31 mai 2018 ;

2°) de l'admettre provisoirement à l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- les moyens invoqués à l'appui de sa requête au fond et réitérés sont sérieux et de nature à justifier sa demande ;

- les conséquences du jugement sont difficilement réparables.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 août 2018, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens n'est fondé.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 16 février 2017, C. K. e.a., C-578/16 PPU ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Jorda a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant guinéen né le 3 septembre 1994, demande, par la requête n° 18MA03063, l'annulation du jugement par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête dirigée contre les arrêtés du préfet des Bouches-du-Rhône en date du 23 mai 2018 ordonnant son transfert aux autorités italiennes considérées comme responsables de l'examen de sa demande d'asile et l'assignant à résidence administrative dans le département pour une durée de vingt-cinq jours ; par une seconde requête, enregistrée sous le n° 18MA03064, il demande de prononcer le sursis à exécution dudit jugement.

Sur la jonction :

2. Les requêtes n° 18MA03063 et n° l8MA03064, présentées pour M. A..., présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune. Par suite, il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un même arrêt.

Sur la requête 18MA03063 :

3. En premier lieu, le moyen soulevé par M. A... tiré de ce que l'arrêté de transfert aux autorités italiennes méconnaît les dispositions du 3 de l'article 26 du règlement (UE) du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, qui avait été précédemment soumis au juge de première instance, doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif de Marseille, respectivement aux points 4 et 5 du jugement.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) visé : " 1. Les Etats membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux (...). La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. (...). 2. " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. /Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable (...).". Aux termes de l'article 17 du règlement (UE) : " 1. Par dérogation à

l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ".

5. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ". Aux termes de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne intitulé " Interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants " : " Nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".

6. Dans son arrêt n° C-578/16 PPU du 16 février 2017 visé, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que " L'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne doit être interprété en ce sens que : (...) - dans des circonstances dans lesquelles le transfert d'un demandeur d'asile, présentant une affection mentale ou physique particulièrement grave, entraînerait le risque réel et avéré d'une détérioration significative et irrémédiable de l'état de santé de l'intéressé, ce transfert constituerait un traitement inhumain et dégradant, au sens dudit article ; - il incombe aux autorités de l'État membre devant procéder au transfert et, le cas échéant, à ses juridictions, d'éliminer tout doute sérieux concernant l'impact du transfert sur l'état de santé de l'intéressé, en prenant les précautions nécessaires pour que son transfert ait lieu dans des conditions permettant de sauvegarder de manière appropriée et suffisante l'état de santé de cette personne. (...) - le cas échéant, s'il s'apercevait que l'état de santé du demandeur d'asile concerné ne devrait pas s'améliorer à court terme, ou que la suspension pendant une longue durée de la procédure risquerait d'aggraver l'état de l'intéressé, l'État membre requérant pourrait choisir d'examiner lui-même la demande de celui-ci en faisant usage de la " clause discrétionnaire " prévue à l'article 17, paragraphe 1, du règlement n° 604/2013. ".

7. En l'espèce, M. A... a sollicité l'asile en France le 30 novembre 2017. A la suite de l'entretien individuel mené le 1er décembre 2017, l'intéressé a fait valoir ses observations. Le 2 janvier 2018, le préfet des Bouches-du-Rhône a sollicité des autorités italiennes la prise en charge de M. A..., qui avait été identifié sur le fichier EURODAC et fait l'objet des fiches établies par l'Italie le 7 mai 2017 et le 24 juin 2017. Le 24 janvier 2018, une décision implicite d'acceptation par l'Italie est née, sur la base de laquelle le préfet a adopté l'arrêté en litige du 23 mai 2018 portant transfert de l'intéressé aux autorités italiennes.

8. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., qui avait fait état d'une maladie dans ses observations, est porteur du virus de l'immunodéficience humaine et que son état de santé nécessite un suivi médical pluridisciplinaire. Toutefois, il ne ressort pas suffisamment des pièces du dossier que le requérant ne pourrait pas bénéficier de soins appropriés à son état de santé et à un suivi médical adapté en Italie, eu égard notamment à sa situation de demandeur d'asile. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que les soins dont bénéficie M. A... seraient interrompus lors de son transfert, ou que son état de santé ne lui permettrait pas de supporter le voyage vers l'Italie ou serait aggravé par voie de conséquence. Dès lors, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation en faisant le choix de le transférer vers l'Italie plutôt que de faire usage, pour des motifs humanitaires, de la clause discrétionnaire de compétence prévue par l'article 17 cité du règlement (UE) du 26 juin 2013.

9. En troisième et dernier lieu, le moyen soulevé par M. A... tiré de ce que l'arrêté l'assignant à résidence méconnaîtrait les dispositions de l'article L. 742-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui avait été soumis au juge de première instance, doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif de Marseille, respectivement aux points 9 et 10 du jugement.

10. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 23 mai 2018 par lesquels le préfet des Bouches-du-Rhône a ordonné son transfert aux autorités italiennes en vue de l'examen de sa demande d'asile et l'a assigné à résidence pour une durée de vingt-cinq jours. Par voie de conséquence, les conclusions qu'il a présentées à fin d'injonction doivent être rejetées.

Sur la requête 18MA03064 :

11. Dès lors que le présent arrêt statue sur la requête à fin d'annulation du jugement attaqué, les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement présentées par M. A... dans sa requête enregistrée sous le n° 18MA03064 sont devenues sans objet. Il n'y a, par suite, pas lieu de statuer sur ces dernières conclusions.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, en tout état de cause, de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A... demande au titre des frais liés au litige.

D É C I D E :

Article 1er : La requête n° 18MA03063 présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Marseille est rejetée.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. A... tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Marseille du 31 mai 2018.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 2 octobre 2018, où siégeaient :

- M. Gonzales, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. Jorda, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 octobre 2018.

2

N° 18MA03063 - 18MA03064


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18MA03063-18MA03064
Date de la décision : 16/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Communautés européennes et Union européenne - Règles applicables.

Étrangers - Réfugiés (voir : Asile) et apatrides.


Composition du Tribunal
Président : M. GONZALES
Rapporteur ?: M. Julien JORDA
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : SELARL ANDREANI-HUMBERT-COLLIN

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-10-16;18ma03063.18ma03064 ?
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