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16/10/2018 | FRANCE | N°17MA00346

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 16 octobre 2018, 17MA00346


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D...a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le ministre de la défense sur la demande qu'il a adressée à la commission des recours des militaires le 16 avril 2014 et tendant à obtenir réparation du préjudice moral qu'il estime avoir subi, ensemble la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le ministre de la défense sur la demande qu'il lui a adressée le 5 février 2014 tendant à ob

tenir réparation du préjudice moral qu'il estime avoir subi et, d'autre part, d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D...a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le ministre de la défense sur la demande qu'il a adressée à la commission des recours des militaires le 16 avril 2014 et tendant à obtenir réparation du préjudice moral qu'il estime avoir subi, ensemble la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le ministre de la défense sur la demande qu'il lui a adressée le 5 février 2014 tendant à obtenir réparation du préjudice moral qu'il estime avoir subi et, d'autre part, de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 18 000 euros en réparation de ce préjudice moral.

Par un jugement n° 1405970 du 21 novembre 2016, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 20 janvier 2017, M. D..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille ;

2°) de condamner l'Etat au paiement de la somme de 18 000 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son profit de la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la mesure de réorientation fonctionnelle litigieuse n'a pas été prise dans le seul intérêt du service ;

- il a été globalement victime d'un harcèlement moral.

Un mémoire en défense de la ministre des armées a été enregistré le 27 septembre 2018, qui n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la défense ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Coutel,

- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,

- et les observations de Me Lê, substituant MeB..., représentant M. D....

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., militaire de carrière, a été affecté le 29 septembre 2010 à la base aérienne d'Istres. A compter du mois d'août 2012, il s'est vu confier la fonction de chef d'une unité commando. Le 20 mai 2013, sa hiérarchie a considéré qu'il n'assurerait plus le commandement de cette unité et l'a affecté à la cellule base de sécurité à compter du 2 décembre 2013. Il a alors formé une demande préalable d'indemnisation auprès du ministre de la défense le 5 février 2014 tendant à obtenir réparation du préjudice moral qu'il estime avoir subi en raison d'agissements de harcèlement moral dont il aurait été victime entre le 20 mai 2013 et le 2 décembre 2013. Il a ainsi a formé un recours administratif préalable devant la commission des recours des militaires le 16 avril 2014 à l'encontre de la décision implicite de rejet de sa demande préalable ; toutefois, par une décision du 3 novembre 2014 notifiée le 13 novembre 2014, le ministre de la défense a rejeté la demande indemnitaire de l'intéressé. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. L'intéressé interjette appel de ce jugement et demande la condamnation de l'Etat à hauteur de 18 000 euros en réparation de son préjudice ;

2. Aux termes de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 : "Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. / Les dispositions du présent article sont applicables aux agents non titulaires de droit public " ;

3. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement et la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

4. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral ; en revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui ; le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé ;

5. Aux termes de l'article L. 4121-5 du code de la défense: " Les militaires peuvent être appelés à servir en tout temps et en tout lieu " ; il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité militaire compétente d'apprécier l'intérêt du service pour prononcer la mutation des personnels et leur affectation et définir les missions à leur confier ;

6. Pour établir l'existence d'agissements constitutifs de harcèlement moral de la part de son employeur, M. D... soutient avoir fait l'objet d'une mesure vexatoire et prise dans un but étranger à l'intérêt du service en se voyant retirer la fonction de chef de commando, le 20 mai 2013 ; toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'autorité militaire a estimé que l'intéressé n'avait pas fait preuve des compétences suffisantes pour assurer l'encadrement d'un commando, composée de quatre vingt éléments ; compte tenu de la nature de ces fonctions et du caractère particulièrement exigeant de l'encadrement d'un commando, qui constituait une nouvelle fonction pour l'intéressé, il ne résulte pas de l'instruction, alors même que M. D... bénéficiait antérieurement d'excellentes notations, que l'autorité militaire aurait procédé à la réaffectation de ce militaire, sans déplacement géographique, dans un but étranger

à l'intérêt du service ; d'ailleurs, les mentions de la notation et la révision de celle-ci pour

l'année 2013 corroborent l'insuffisante capacité de M. D... à assurer une telle fonction ; les allégations de l'intéressé tenant à ce qu'une telle réaffectation ne serait en réalité que des représailles pour d'anciennes révélations ne sont donc pas établies ;

7. M. D... soutient également avoir fait l'objet de comportements de nature à porter atteinte à sa dignité et à sa santé de la part de sa hiérarchie en ne se voyant confier aucune réelle fonction entre le 20 mai 2013 et le 2 décembre 2013, date à laquelle il a été affecté à la cellule base sécurité de la base aérienne 125. Ainsi que l'ont relevé précisément les premiers juges, il résulte de l'instruction que le requérant a réalisé une mission au salon aéronautique du Bourget du 2 au 12 juin 2013 et du 24 au 27 juin 2013 ; qu'il a effectué des sauts en parachute du 25 au 30 septembre 2013, et les 30 et 31 octobre 2013 ; qu'il a obtenu des permissions pour les périodes allant du 30 mai au 2 juin 2013, du 12 au 24 juin 2013, du 8 août au 2 septembre 2013, du 17 au 19 septembre 2013 et du 5 au 12 novembre 2013 ; il est constant que durant la période en cause, à savoir entre le 20 mai 2013 et le 2 décembre suivant, l'intéressé n'a été effectivement présent dans son unité que 22 jours sur 139 jours ouvrés, compte tenu des missions extérieures, des permissions ainsi que de congés de maladie ; dans ces conditions, alors que, ainsi qu'il a été dit, l'autorité militaire a dû retirer son commandement à l'intéressé et, par suite, l'orienter vers de nouvelles fonctions, il ne résulte pas de l'instruction que l'administration ait soumis l'intéressé à des agissements excédant ce qu'autorisait l'intérêt du service tel que l'exigeait la sûreté des installations en cause ;

8. Il s'ensuit que M. D... n'est pas fondé à soutenir que la responsabilité du ministre de la défense serait engagée à raison d'agissements de harcèlement moral ; ses conclusions indemnitaires doivent, par suite, être rejetées.

9. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi ; il y a lieu par voie de conséquence de rejeter ses conclusions présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D...et à la ministre des armées.

Délibéré après l'audience du 2 octobre 2018, où siégeaient :

- M. Gonzales, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. Coutel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 octobre 2018.

2

N° 17MA00346


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA00346
Date de la décision : 16/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

08-01-01-08 Armées et défense. Personnels militaires et civils de la défense. Questions communes à l'ensemble des personnels militaires.


Composition du Tribunal
Président : M. GONZALES
Rapporteur ?: M. Marc COUTEL
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : SELARL ANDREANI-HUMBERT-COLLIN

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-10-16;17ma00346 ?
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