Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. H...K..., M. I...K..., M. D...K..., Mme G...K...et M. E...K...ont demandé au tribunal administratif de Nice de condamner la commune de Mouans-Sartoux à leur payer la somme de 1 918 611 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis au titre d'une promesse du maire de la commune qui n'a pas été tenue.
Par un jugement n° 1104524 du 12 mai 2016, le tribunal administratif de Nice a condamné la commune à leur payer la somme de 283 000 euros.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 5 juillet 2016 et le 4 décembre 2017, la commune de Mouans-Sartoux, représentée par MeC..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 12 mai 2016 ;
2°) de rejeter la demande présentée par les consorts K...devant le tribunal administratif de Nice ;
3°) de mettre à la charge des consorts K...la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa responsabilité ne saurait être engagée au titre d'une promesse non tenue ;
- le comportement imprudent des consorts K...est à l'origine exclusive de la situation ;
- l'existence d'un préjudice matériel et moral n'est pas établie.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 novembre 2017, M. H...K..., M. I... K..., M. D...K..., Mme G...K...et M. E...K... :
1°) concluent au rejet de la requête ;
2°) demandent par la voie de l'appel incident :
- d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice en tant que l'indemnité que la commune de Mouans-Sartoux a été condamnée à leur verser a été limitée à la somme de 283 000 euros ;
- de porter à la somme de 647 000 euros le montant de l'indemnité due par la commune, la somme de 597 000 euros étant assortie des intérêts au taux légal à compter de la réception par la commune de la demande préalable ;
3°) demandent de mettre à la charge de la commune la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la responsabilité de la commune est engagée pour promesse non tenue ;
- ils n'ont commis aucune imprudence fautive de nature à exonérer même partiellement la commune de sa responsabilité ;
- les préjudices matériel et moral subis doivent être réparés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Duran-Gottschalk, rapporteure,
- les conclusions de M. Revert, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., substituant MeC..., représentant la commune de Mouans-Sartoux, et de MeF..., représentant les consortsK....
Considérant ce qui suit :
1. Par acte notarié du 26 septembre 1988, Mme J...K..., M. B...K...et M. E...K...ont cédé un château leur appartenant à la commune de Mouans-Sartoux pour la somme de 1 829 388,21 euros. Par acte notarié du 11 mars 1989, la commune a cédé une parcelle cadastrée F 1477 à MM. B...K...et E...K...au prix de 14 208,25 euros. La commune de Mouans-Sartoux relève appel du jugement du 12 mai 2016 par lequel le tribunal administratif de Nice l'a condamnée à payer aux trois fils de M. B...K..., à sa veuve, Mme G...K..., et à son frère, M. E...K..., la somme de 283 000 euros, en réparation de leur préjudice matériel né de la promesse non tenue du maire de la commune de rendre constructibles les terrains qui leur ont été vendus, en contrepartie de la vente du château à un prix inférieur à celui du marché.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Pour démontrer que la responsabilité de la commune de Mouans-Sartoux est engagée à leur égard au titre d'une promesse non tenue de son maire, les consorts K...se prévalent d'une lettre non datée mais nécessairement postérieure à la vente du château, par laquelle le maire indiquait à un notaire, conseil des héritiers K...lors de cette vente, que " pour faire suite aux accords passés concernant l'acquisition du Château par la commune ", il avait promis aux trois enfantsK..., qui lui avaient " fait part de leur désir de ne pas quitter la commune à laquelle ils sont familièrement attachés ", de " tout mettre en oeuvre pour leur procurer dans les conditions les plus raisonnables possibles trois terrains de 2 500 m² environ dans un quartier résidentiel pour leur permettre d'y édifier une villa ". Il ajoutait dans ce courrier : " Je prends cet engagement moral eu égard les liens d'amitié que j'ai toujours entretenus avec la famille K...depuis de très nombreuses années. Croyez que je mettrai tout en oeuvre pour respecter ce désir ". S'il ressort de ce courrier que le maire a pris un engagement moral de procurer aux consorts K...trois terrains afin que puissent y être édifiées trois immeubles à usage d'habitation, les termes de ce courrier ne permettent pas, à eux seuls, d'établir que ces terrains auraient dû être acquis par ces derniers à titre gratuit ou, du moins, à vil prix en compensation d'une minoration effective du prix de vente de leur bien. Aucun des divers courriels échangés par la suite entre les parties, durant plus de quinze ans, ne témoigne d'une reconnaissance explicite de la part de la commune d'un tel pacte. Au demeurant, l'estimation en date du 20 juin 2011 produite par les consortsK..., selon laquelle la valeur vénale du bien leur appartenant, s'il avait été vendu sur le marché privé, se serait élevée à 2 429 427,54 euros, est insuffisante à démontrer que ce bien a été vendu à un prix inférieur à celui auquel ils auraient été effectivement en mesure de le céder à cette époque, alors qu'ils ne font état d'aucune proposition d'achat et qu'il résulte de l'instruction que la commune l'a acquis au prix de 1 829 388,21 euros, ne tenant pas compte de la réfaction de 20 % retenue par le service du domaine eu égard aux spécificités de ce bien atypique. Les requérants ne peuvent ainsi être regardés comme établissant, par les pièces qu'ils produisent, que l'engagement moral du maire de la commune de Mouans-Sartoux, ainsi défini, a été de nature à peser dans la décision de vendre le château ou dans la négociation de son prix d'acquisition par la commune.
3. Par ailleurs, les consorts K...ont acquis, le 11 mars 1989, un terrain de 17 700 mètres carrés, en toute connaissance de cause de son caractère inconstructible, l'acte notarié mentionnant, en particulier, explicitement son classement en zone naturelle, soumise à protection absolue en raison du caractère remarquable de son couvert végétal et grevé d'une servitude d'espace boisé. S'ils ont pu concevoir l'espoir d'une modification du document d'urbanisme de la commune, dès lors, en particulier, qu'une telle modification avait été opérée en faveur d'un autre terrain issu de la division parcellaire du même tènement, il ne résulte pas de l'instruction que le maire se serait engagé formellement à le rendre constructible, se contentant dans ses divers courriers adressés aux consorts K...ou à leur conseil de réaffirmer la volonté de la commune de faire examiner les modifications réglementaires permettant une évolution du zonage. Dans ces conditions, la commune ne saurait voir sa responsabilité engagée au titre d'une promesse suffisamment précise qui n'aurait pas été tenue s'agissant de cette modification.
4. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur l'existence d'une promesse non tenue pour engager la responsabilité de la commune de Mouans-Sartoux. La demande des consorts K...n'étant pas fondée sur un autre chef de responsabilité qui devrait être examinée par la voie de l'effet dévolutif, la commune de Mouans-Sartoux est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice l'a condamnée à verser aux consorts K...la somme de 283 000 euros. L'appel incident des consorts K...qui ne vise qu'à contester le montant de l'indemnité que le tribunal avait condamné la commune à leur verser doit, par voie de conséquence, être rejeté.
Sur les frais liés au litige :
5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Mouans-Sartoux, qui n'est pas la partie perdante au litige, la somme que demandent les consorts K...sur leur fondement. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la commune sur le même fondement.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 12 mai 2016 du tribunal administratif de Nice est annulé.
Article 2 : La demande présentée par les consorts K...devant le tribunal administratif de Nice est rejetée.
Article 3 : Les conclusions des consorts K...présentées par la voie de l'appel incident et celles qu'ils ont présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Les conclusions de la commune de Mouans-Sartoux présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Mouans-Sartoux, à M. H...K..., à M. I...K..., à M. D...K..., à Mme G...K...et à M. E... K....
Délibéré après l'audience du 1er octobre 2018, où siégeaient :
- Mme Helmlinger, présidente de la Cour,
- M. Marcovici, président assesseur,
- Mme Duran-Gottschalk, première conseillère.
Lu en audience publique, le 15 octobre 2018.
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N° 16MA02666