Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... A...a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler, d'une part, la décision du 5 juin 2015 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, après avoir annulé la décision de l'inspectrice du travail du 15 décembre 2014, a rejeté la demande d'autorisation de le licencier présentée par la société Avignon Tourisme au motif que l'autorité administrative était incompétente pour y statuer, et d'autre part, la décision du 14 août 2015 par laquelle le même ministre a retiré sa précédente décision du 5 juin 2015 et a autorisé la société Avignon Tourisme à le licencier.
Par un jugement n° 1502101, 1503349 du 7 décembre 2017, le tribunal administratif de Nîmes a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions dirigées contre la décision du 5 juin 2015 et a annulé la décision du 14 août 2015.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 13 février 2018 et le 18 mai 2018, la société Avignon Tourisme, représentée par Me E..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 7 décembre 2017 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Nîmes ;
3°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle a satisfait à son obligation de recherche loyale et sérieuse d'un poste de reclassement pour le salarié qui a fait l'objet d'une déclaration d'inaptitude ;
- le lien entre la demande d'autorisation de licenciement et le mandat du salarié n'est en l'espèce nullement caractérisé.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 mars 2018, M. A..., représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Avignon Tourisme la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les moyens soulevés par la société Avignon Tourisme ne sont pas fondés ;
- la décision ministérielle du 14 août 2015 est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Guidal,
- et les conclusions de M. Chanon, rapporteur public.
1. Considérant que, par une décision du 15 décembre 2014, l'inspectrice du travail de la section 1-5 de l'unité de contrôle nord de l'unité de Vaucluse a refusé à la société Avignon Tourisme l'autorisation de licencier M. A..., salarié protégé, au motif notamment que l'employeur n'avait pas été en mesure de justifier d'une recherche sérieuse de postes de reclassement ; que, sur recours de l'employeur, le ministre chargé du travail a, par une première décision du 5 juin 2015, annulé la décision de l'inspectrice du travail et rejeté la demande d'autorisation de licencier M. A... au motif que l'autorité administrative était incompétente pour statuer sur cette demande ; que sur recours gracieux de M. A..., le ministre chargé du travail a, par une seconde décision du 14 août 2015, retiré sa précédente décision du 5 juin 2015 et autorisé la société Avignon Tourisme à le licencier ; que saisi par M. A..., le tribunal administratif de Nîmes a, par un jugement du 7 décembre 2017, prononcé par son article 1er un non-lieu à statuer sur les conclusions dirigées contre la décision du 5 juin 2015 et, par son article 2, annulé la décision du 14 août 2015 ; que la société Avignon Tourisme, qui relève appel de ce jugement, doit être regardée comme demandant l'annulation de son seul article 2 qui annule l'autorisation de licenciement qui lui avait été accordée et lui fait ainsi grief ;
Sur la légalité de la décision du 14 août 2015 du ministre chargé du travail :
2. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 1226-2 du code du travail dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision en litige : " Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. / Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. / L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail " ; qu'aux termes des dispositions de l'article R. 4624-31 du même code : " le médecin du travail ne peut constater l'inaptitude médicale du salarié à son poste de travail que s'il a réalisé : /1° Une étude de ce poste ; / 2° Une étude des conditions de travail dans l'entreprise ; /3° Deux examens médicaux de l'intéressé espacés de deux semaines, accompagnés, le cas échéant, des examens complémentaires. / Lorsque le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour sa santé ou sa sécurité ou celles des tiers ou lorsqu'un examen de préreprise a eu lieu dans un délai de trente jours au plus, l'avis d'inaptitude médicale peut être délivré en un seul examen ".
3. Considérant, d'une part, qu'en vertu du code du travail, les salariés protégés bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par l'inaptitude physique, il appartient à l'administration de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que l'employeur a, conformément aux dispositions citées ci-dessus de l'article L. 1226-2 du code du travail, cherché à reclasser le salarié sur d'autres postes appropriés à ses capacités, le cas échéant par la mise en oeuvre, dans l'entreprise, de mesures telles que mutations ou transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail ; que le licenciement ne peut être autorisé que dans le cas où l'employeur n'a pu reclasser le salarié dans un emploi approprié à ses capacités au terme d'une recherche sérieuse, menée tant au sein de l'entreprise que dans les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel ;
4. Considérant, d'autre part, que la circonstance que l'avis du médecin du travail, auquel il incombe de se prononcer sur l'aptitude du salarié à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment ou à exercer d'autres tâches existantes, déclare le salarié protégé " inapte à tout emploi dans l'entreprise " ne dispense pas l'employeur qui connaît les possibilités d'aménagement de l'entreprise de rechercher toute possibilité de reclassement dans les conditions mentionnées au point 3 ;
5. Considérant que, par un avis du 15 septembre 2014, le médecin du travail a déclaré M. A..., salarié de la société Avignon Tourisme, exerçant les fonctions de responsable de " l'espace vin " du Palais des papes d'Avignon, et ayant par ailleurs la qualité de représentant de section syndicale et de candidat aux élections professionnelles, " inapte à son poste et à tout poste dans l'entreprise, en procédure d'urgence (article R. 4624-31 du code du travail) " en raison d'un danger immédiat pour la santé et la sécurité de l'intéressé ou celle de tiers ; que pour autoriser le licenciement de M. A..., le ministre chargé du travail s'est fondé sur la circonstance que l'employeur avait identifié au sein de l'entreprise un poste d'agent d'exploitation, l'avait soumis pour avis au médecin du travail qui l'avait jugé incompatible avec l'état de santé du salarié et que ce faisant et au regard des effectifs de l'entreprise qui n'appartient pas un groupe, l'employeur avait satisfait à son obligation de recherche de reclassement ;
6. Considérant que la société Avignon Tourisme est une société d'économie mixte, employant environ 180 salariés, dont le capital social est détenu majoritairement par la commune d'Avignon ; qu'à la date de la décision en litige la société avait pour seule activité la gestion, par délégation de service public, des parkings des Halles et du Palais des Papes, des halles centrales, ainsi que l'exploitation du Palais des Papes, du pont Saint-Bénezet, de l'espace Jeanne Laurent, de l'Office de tourisme et, par convention d'exploitation liée à un bail administratif emphytéotique, du parc des expositions de la ville d'Avignon ; que son activité de gestion est d'une nature différente de celle exercée par la commune et il ne ressort pas des pièces du dossier qu'existeraient des possibilités de permutation du personnel telles que mentionnées au point 3 entre la société et ses différents actionnaires, notamment la commune d'Avignon ; que la société Avignon Tourisme ne peut être regardée, dans ces conditions, comme appartenant à un groupe au sein duquel elle aurait dû conduire des recherches de reclassement ; que, par suite, elle est fondée à soutenir que l'absence ou l'insuffisance de recherche de reclassement auprès de ses actionnaires est sans incidence sur l'appréciation à porter sur le sérieux de sa recherche d'un poste de reclassement pour M. A... ;
7. Mais considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision en litige aucun poste de reclassement n'avait été proposé à M. A... au sein de l'entreprise, celui retenu par la société, correspondant en outre à un emploi de niveau très inférieur à celui occupé auparavant par l'intéressé, ayant été jugé incompatible avec l'état de santé du salarié par le médecin du travail ; qu'à la suite de cet avis du médecin du travail, la société s'est abstenue de toute nouvelle recherche au sein de l'entreprise d'un emploi compatible avec l'aptitude de M. A..., après avoir procédé au besoin à un réaménagement de certains postes de travail ; que, par ailleurs, il ne résulte d'aucune de ces mêmes pièces que les effectifs de l'entreprise, qui employait comme mentionné au point 6 environ 180 salariés, aurait rendu impossible tout reclassement ; qu'en revanche, il ressort de l'enquête conduite par l'inspectrice du travail que le directeur de la société a estimé que la perte de confiance de l'employeur consécutive à la demande de résiliation du contrat de travail formée par le salarié devant le conseil des prud'hommes rendait impossible, selon lui, la réintégration du salarié dans l'entreprise ; qu'il résulte de ce qui précède que la société Avignon Tourisme ne s'est pas livrée à une recherche sérieuse de reclassement de l'intéressé ; que, par suite, le ministre chargé du travail n'a pu légalement se fonder sur ce que l'employeur n'avait pas méconnu l'obligation qui lui incombait pour autoriser le licenciement de M. A... ;
8. Considérant, dès lors, que le licenciement ne pouvait être légalement autorisé, le moyen soulevé par la société Avignon Tourisme, tiré de l'absence de lien avec le mandat est inopérant, un tel lien n'ayant d'ailleurs été retenu ni par le ministre ni par le tribunal administratif ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Avignon Tourisme n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué du 7 décembre 2017, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande ;
Sur les frais liés au litige :
10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que la société Avignon Tourisme demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens soit mise à la charge de M. A... qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance ; qu'il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la société Avignon Tourisme au profit de M. A... une somme de 2 000 euros au titre de ces mêmes dispositions ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société Avignon Tourisme est rejetée.
Article 2 : La société Avignon Tourisme versera à M. A... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Avignon Tourisme et à M. D...A....
Copie en sera adressée à la ministre du travail.
Délibéré après l'audience du 28 septembre 2018 où siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- M. Guidal, président-assesseur,
- Mme B..., première conseillère,
Lu en audience publique, le 12 octobre 2018.
2
N° 18MA00594
bb