Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C...a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner le ministre de l'agriculture et de l'alimentation ou tout autre administration concernée à lui verser la somme de 9 290,07 euros au titre de l'indemnité de fonctions particulières du personnel enseignant dans les classes préparatoires aux grandes écoles ( CPGE ) organisées dans les lycées relevant du ministre chargé de l'agriculture pour la période 2004-2013 avec intérêt au taux légal et capitalisation des intérêts ainsi qu'à une somme correspondant à 10 % de la somme due à titre de dommages et intérêts.
Par un jugement n° 1501004 du 9 décembre 2016, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, respectivement enregistrés les 8 et 9 février 2017 et le 29 mai 2018, M. C..., représenté par l'AARPI MB AVOCATS, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 9 décembre 2016 ;
2°) d'annuler la décision implicite de rejet du recteur de l'académie de Montpellier de sa demande du 28 janvier 2015 et, à titre subsidiaire, la décision du 30 mai 2013 ;
3°) de condamner le ministre de l'agriculture et de l'alimentation ou tout autre administration concernée à lui verser la somme de 9 290,07 euros au titre de l'indemnité de fonctions particulières du personnel enseignant dans les classes préparatoires aux grandes écoles organisées dans les lycées relevant du ministre chargé de l'agriculture pour la période 2004-2013, avec intérêts au taux légal à compter du 29 avril 2013 ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- contrairement à ce que le tribunal a jugé sa demande de première instance était recevable ;
- il remplissait les conditions pour percevoir l'indemnité de fonctions particulières du personnel enseignant dans les classes préparatoires aux grandes écoles organisées dans les lycées relevant du ministre chargé de l'agriculture instituée par le décret n° 2006-90 du 24 janvier 2006 pour la période 2004-2013 ;
- sa créance n'est pas partiellement prescrite.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 mai 2018, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les moyens ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions dirigées contre la décision du 30 mai 2013 et de la décision implicite portant rejet de la demande du 28 novembre 2014 au motif qu'elles sont présentées pour la première fois en appel.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- le décret n° 99-886 du 19 octobre 1999 ;
- le décret n° 2006-90 du 24 janvier 2006 ;
- le décret n° 2010-761 du 7 juillet 2010 ;
- l'arrêté du 24 janvier 2006 fixant le montant annuel de l'indemnité de fonctions particulières allouée aux personnels enseignants des classes préparatoires aux grandes écoles organisées dans les lycées relevant du ministre chargé de l'agriculture ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Simon,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., représentant M. C....
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., professeur agrégé en sciences physiques de l'éducation nationale, a été affecté dans le cadre d'une convention tripartite signée en 1995 par l'académie de Montpellier, la direction générale de l'agriculture et de la forêt et la région Languedoc Roussillon, du 1er septembre 1997 au 30 juin 2013 au lycée agricole Frédéric-Bazille-Agropolis de Montpellier et chargé de dispenser pendant cette période un enseignement de physique dans la classe préparatoire aux grandes écoles pour un horaire hebdomadaire de cinq heures en classe entière. Par un courrier du 24 avril 2013, réceptionné le 29 suivant et adressé en copie à la direction régionale de l'alimentation et de la forêt (DRAAF) de Languedoc Roussillon, M. C... a demandé au recteur de l'académie de Montpellier que lui soit versée l'indemnité de fonctions particulières du personnel enseignant dans les classes préparatoires aux grandes écoles organisées dans les lycées relevant du ministre chargé de l'agriculture instituée par le décret n° 2006-90 du 24 janvier 2006 (code de versement 201296) pour la période 2004-2013. Un agent du rectorat lui a indiqué par courriel le 30 mai 2013 qu'en réponse à son courrier du 7 mai 2013 concernant l'indemnité " CPGE (0597) ", il ne pouvait bénéficier de cette indemnité. Par lettre du 28 novembre 2014 réceptionnée au plus tard le 2 décembre suivant, l'intéressé a sollicité auprès du recteur le versement de la somme de 9 236,68 euros au titre de l'indemnité de fonctions particulières du personnel enseignant dans les classes préparatoires aux grandes écoles organisées dans les lycées relevant du ministre chargé de l'agriculture. Cette demande a été implicitement rejetée. M. C... fait appel du jugement du 9 décembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la condamnation du ministre de l'agriculture et de l'alimentation ou tout autre administration concernée à lui verser la somme de 9 290,07 euros au titre de l'indemnité de fonctions particulières du personnel enseignant dans les classes préparatoires aux grandes écoles organisées dans les lycées relevant du ministre chargé de l'agriculture pour la période 2004-2013 avec intérêt au taux légal et capitalisation des intérêts ainsi qu'une somme correspondant à 10 % de la somme due à titre de dommages et intérêts.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. Les conclusions dirigées contre la décision du 30 mai 2013 sont présentées pour la première fois en appel. Elles sont, par suite, irrecevables.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
3. Le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance. Cette règle, qui a pour seul objet de borner dans le temps les conséquences de la sanction attachée au défaut de mention des voies et délais de recours, ne porte pas atteinte à la substance du droit au recours, mais tend seulement à éviter que son exercice, au-delà d'un délai raisonnable, ne mette en péril la stabilité des situations juridiques et la bonne administration de la justice, en exposant les défendeurs potentiels à des recours excessivement tardifs. Il appartient dès lors au juge administratif d'en faire application au litige dont il est saisi, quelle que soit la date des faits qui lui ont donné naissance.
4. Comme il a été dit au point 1, M. C... a demandé le 24 avril 2013 le bénéfice de l'indemnité de fonctions particulières allouée aux personnels enseignants des classes préparatoires aux grandes écoles organisées dans les lycées relevant du ministre chargé de l'agriculture. Cependant, le courriel du 30 mai 2013 vise, d'une part, un courrier du 7 mai précédent et, d'autre part, le code de versement de l'indemnité de fonctions particulières allouée aux personnels enseignants des classes préparatoires aux grandes écoles organisées dans les lycées relevant des ministres chargés de l'éducation et de la défense instituée par le décret du 19 octobre 1999. Dès lors, il ne peut pas constituer, pour ces motifs, le rejet de la demande formulée le 24 avril 2013. Cette demande à laquelle aucune réponse expresse n'a été apportée a donc été implicitement rejetée. Or, le principe rappelé au point 3 ne s'applique qu'aux décisions expresses. Aucun délai n'ayant par suite pu commencer à courir en l'espèce, c'est à tort que le tribunal a estimé que la demande de M. C... était tardive. Celui-ci est dès lors fondé à demander l'annulation du jugement du 9 décembre 2016 qui est entaché d'irrégularité.
5. Il y a lieu en conséquence d'évoquer et, par là, de statuer en qualité de juge de première instance.
Sur l'exception de prescription quadriennale :
6. D'une part, aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat (...), toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. " et l'article 2 de la même loi dispose que : " la prescription est interrompue par toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance (...) " et " qu'un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption " Quant à l'article 3, il prévoit que " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir (...), ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance (...). ".
7. D'autre part, l'article 1er du décret du 24 janvier 2006 précité prévoit : " Une indemnité de fonctions particulières, non soumise à retenue pour pension, est allouée aux personnels enseignants qui dispensent hebdomadairement dans les classes préparatoires aux grandes écoles établies dans un lycée relevant du ministre chargé de l'agriculture (...) au moins quatre heures d'enseignement devant une même division ; toutefois, les heures accomplies, le cas échéant, devant des groupes d'élèves issus d'une même division ne sont décomptées qu'une fois lorsqu'elles portent sur des programmes d'enseignement identiques. ". Selon la note de service du 20 juillet 2010 du ministère de l'agriculture, cette indemnité est versée chaque année au mois d'août.
8. Le fait générateur des créances dont se prévaut M. C... est constitué par le service fait par lui à compter de l'année scolaire 2004/2005. Les droits sur lesquels ces créances sont fondées ont ainsi été acquis au cours de l'année 2005 et les années suivantes. En application des dispositions rappelées ci-dessus de la loi du 31 décembre 1968, les délais de prescription ont, pour les créances nées au cours de chacune de ces années, commencé à courir le 1er janvier de l'année suivante et ont, s'ils n'étaient pas expirés, été interrompus par la demande de paiement du 24 avril 2013. Par suite, et dans la mesure où cette indemnité étant prévue par un texte réglementaire publié au Journal officiel, M. C... ne peut être regardé comme ignorant légitimement l'existence de sa créance au sens des dispositions précitées de la loi du 31 décembre 1968, sont prescrites les sommes dont il a demandé le versement pour la période allant de 2004 à 2008.
Sur les droits à l'indemnité de fonctions particulières instituée par le décret n° 2006-90 du 24 janvier 2006 :
9. Il est constant que M. C... a dispensé pendant la période allant de 2009 à 2013 hebdomadairement dans une classe préparatoire aux grandes écoles établies dans un lycée relevant du ministre chargé de l'agriculture cinq heures d'enseignement devant une même division lesquelles ouvrent droit, aux termes des dispositions citées au point 7 qui n'en limitent pas le bénéfice aux seuls enseignants relevant de l'enseignement agricole contrairement à ce que le ministre soutient en défense, au versement d'une indemnité de fonctions particulières.
10. Le montant de ladite indemnité étant, aux termes l'article 1er de l'arrêté du 24 janvier 2006, de 998 euros jusqu'au 30 juin 2010 puis de 1 051,93 euros en application du décret du 7 juillet 2010 portant majoration de la rémunération des personnels civils et militaires de l'Etat, des personnels des collectivités territoriales et des établissements publics d'hospitalisation, M. C... est fondé à demander la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 5 150, 17 euros à ce titre ainsi que, par voie de conséquence, l'annulation de la décision implicite par laquelle le recteur a rejeté sa demande tendant au bénéfice de ladite indemnité.
Sur les conclusions indemnitaires :
11. Il résulte de l'instruction qu'entre novembre 2013 et avril 2014, il a été donné à plusieurs reprises à M. C... l'assurance par le ministère de l'agriculture que ladite prime allait lui être versée. Il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en estimant à 500 euros l'indemnisation des troubles dans les conditions d'existence de l'intéressé résultant de l'absence de paiement fautif de cette prime à laquelle il avait droit.
Sur les intérêts :
12. Aux termes de l'article 1231-6 du code civil : " Les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure. (...) ". Lorsqu'ils ont été demandés, et quelle que soit la date de cette demande, les intérêts moratoires dus en application de l'article 1231-6 du code civil courent à compter du jour où la demande de paiement du principal est parvenue au débiteur ou, en l'absence d'une telle demande préalablement à la saisine du juge, à compter du jour de cette saisine.
13. M. C... a droit aux intérêts au taux légal correspondant à l'indemnité pour les années 2009 à 2012 ainsi qu'à la somme due au titre de son préjudice moral, soit au total 4 598,78 euros, à compter du 29 avril 2013, date de réception de sa demande concernant cette période par le recteur. Pour l'année 2013, les intérêts afférents à l'indemnité en question doivent courir à compter du 2 décembre 2014, date de réception de la demande du 28 novembre précédent la concernant.
Sur les intérêts des intérêts :
14. Aux termes de l'article 1343-2 du code civil : " Les intérêt échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise ". Pour l'application des dispositions précitées la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, y compris pour la première fois en appel. Cette demande prend toutefois effet au plus tôt à la date à laquelle elle est enregistrée et pourvu qu'à cette date il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière. Le cas échéant, la capitalisation s'accomplit à nouveau à l'expiration de chaque échéance annuelle ultérieure sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande. Lorsque la demande de capitalisation est présentée avant l'expiration du délai d'un an évoqué ci-dessus, celle-ci ne prend effet qu'au terme dudit délai.
15. En l'espèce, la capitalisation des intérêts a été demandée le 25 février 2015 dans le cadre de la requête introductive d'instance devant le tribunal. A cette date, il était dû au moins une année d'intérêts pour la somme de 4 598,78 euros visée au point 13. Dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil, il y a lieu de faire droit à la demande de capitalisation de M. C... à cette date ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date concernant cette somme. S'agissant de l'indemnité due au titre de l'année 2013, M. C... a droit à la capitalisation des intérêts au 2 décembre 2015, date à laquelle les intérêts étaient dus au moins pour une année entière, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
Sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
16. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".
17. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. C... et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 9 décembre 2016 est annulé.
Article 2 : La décision implicite portant rejet de la demande du 28 novembre 2014 de M. C... est annulée.
Article 3 : L'Etat (ministère de l'agriculture et de l'alimentation) est condamné à verser à M. C... la somme de 5 650, 17 euros avec intérêts au taux légal à compter du 29 avril 2013 pour la somme de 4 598,78 euros et à compter du 2 décembre 2014 pour la somme de 1 051,39 euros. Les intérêts échus à la date du 25 février 2015 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts concernant la somme de 4 598,78 euros. Les intérêts échus à la date du 2 décembre 2015 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts concernant la somme de 1 051,39 euros.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : L'Etat (ministère de l'agriculture et de l'alimentation) versera à M. C... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C...et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
Copie en sera adressée au recteur de l'académie de Montpellier.
Délibéré après l'audience du 25 septembre 2018, où siégeaient :
- Mme Buccafurri, présidente,
- Mme Simon, président-assesseur,
- Mme D..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 9 octobre 2018.
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N° 17MA00532