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08/10/2018 | FRANCE | N°17MA03639

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 08 octobre 2018, 17MA03639


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Région Provence-Alpes-Côte d'Azur a demandé au tribunal administratif de Marseille, à titre principal, de condamner la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP) à lui verser la somme de 145 002,10 euros toutes taxes comprises, augmentée des intérêts moratoires et de la capitalisation des intérêts, en réparation des désordres affectant le gymnase du lycée Emile Zola à Aix-en-Provence, ainsi qu'une somme de 15 186,24 euros au titre des frais d'expertise ; à titre su

bsidiaire, de condamner in solidum la société Atelier de la rue Kléber, la socié...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Région Provence-Alpes-Côte d'Azur a demandé au tribunal administratif de Marseille, à titre principal, de condamner la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP) à lui verser la somme de 145 002,10 euros toutes taxes comprises, augmentée des intérêts moratoires et de la capitalisation des intérêts, en réparation des désordres affectant le gymnase du lycée Emile Zola à Aix-en-Provence, ainsi qu'une somme de 15 186,24 euros au titre des frais d'expertise ; à titre subsidiaire, de condamner in solidum la société Atelier de la rue Kléber, la société Construction Millet Bois et la société SGF Etanchéité à lui verser les mêmes sommes, sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs ou, à défaut, sur le fondement contractuel s'agissant des sociétés Atelier de la rue Kléber et de la société Construction Millet Bois, et sur le fondement quasi délictuel s'agissant de la société SGF Etanchéité.

Par un jugement n° 1304374 du 21 juin 2017, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande et a mis à sa charge les frais et honoraires de l'expertise ordonnée en référé.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 18 août 2017, la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur, représentée par MeC..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille ;

2°) à titre principal, de condamner la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics à lui verser, d'une part, la somme de 218 455,27 euros toutes taxes comprises, augmentée des intérêts moratoires calculés à compter de la date d'enregistrement de la requête introductive d'instance devant le tribunal et de la capitalisation de ces intérêts, d'autre part, une somme de 15 186,24 euros au titre des frais d'expertise et, enfin, à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à sa charge au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner in solidum la société Atelier de la rue Kléber, la société Construction Millet Bois et la société SGF Etanchéité à lui verser les mêmes sommes.

Elle soutient que :

- les désordres n'étaient pas apparents lors de la réception de l'ouvrage et relèvent de la garantie décennale des constructeurs ;

- le nombre important d'infiltrations d'eau n'était pas prévisible dans son évolution et son ampleur ;

- les dégradations constatées sur le revêtement du toit ne lui sont pas imputables ;

- elle a le droit d'opter pour la garantie post-contractuelle de son choix ;

- la société SGF Etanchéité a manqué aux règles de l'art et elle est fondée à invoquer sa responsabilité quasi-délictuelle ;

- elle est fondée à invoquer la responsabilité des trois sociétés au titre de la garantie décennale ;

- elle a droit à être intégralement indemnisée à raison des conséquences dommageables des désordres en cause.

Par un mémoire enregistré le 27 octobre 2017, la SMABTP, représenté par MeE..., conclut :

1°) à titre principal, au rejet de la requête et à ce que la Cour ordonne la restitution de la somme de 73 453,17 euros réglée à la région, à titre provisionnel, en exécution de l'ordonnance rendue le 19 février 2014 par le juge des référés du tribunal administratif de Marseille ;

2°) à titre subsidiaire, de condamner in solidum la société Atelier de la rue Kléber, la société Construction Millet Bois et la société SGF Etanchéité à lui verser cette somme de 73 453,17 euros et à ce que ces sociétés la relèvent et la garantissent de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre ;

3°) à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de tout succombant au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- l'action de la région est prescrite aux termes de l'article L. 114-1 du code des assurances ;

- les désordres étaient apparents et réservés lors de la réception, et étaient connus dans toute leur ampleur et leur gravité ;

- le dispositif d'étanchéité a été détérioré lors des opérations d'entretien, ce qui exclut la mise en jeu de l'assurance dommage-ouvrage ;

- le refus de garantie est valablement fondé sur le fait que l'entreprise titulaire du lot n'a pas été mise en demeure de reprendre les désordres ;

- les travaux réalisés par la région constituent une plus-value par rapport aux préconisations de l'expert ;

- elle bénéficie d'une action subrogatoire.

Par un mémoire enregistré le 15 novembre 2017, la société SGF Etanchéité, représentée par la société d'avocats Rousse et Associés, conclut :

1°) à titre principal, au rejet de la requête ;

2°) à titre subsidiaire, au rejet de toutes conclusions formées à son encontre et à ce que les sociétés CMB et Atelier de la rue Kléber la relèvent et la garantissent de toute condamnation prononcée à son encontre ;

3°) à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de tout succombant au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi qu'aux entiers dépens.

Elle soutient que :

- sa responsabilité contractuelle ne peut être recherchée dès lors qu'aucun contrat ne la lie à la région ;

- elle n'est pas débitrice de la garantie décennale des constructeurs au profit de la région ;

- sa responsabilité délictuelle, en qualité de sous-traitant, ne peut être recherchée qu'à défaut de mise en jeu de la responsabilité de la société Construction Millet Bois ;

- elle n'a commis aucun manquement aux règles de l'art ;

- les désordres étaient apparents lors de la réception de l'ouvrage et de la levée des réserves ;

- certains désordres relèvent d'une cause étrangère à l'opération de construction ;

- aucun élément ne permet d'établir que les ouvrages en cause ont été réalisés par elle en tant que sous-traitant et que les parties d'ouvrage réalisées sont à l'origine des désordres ;

- le montant des travaux réalisés est supérieur à l'estimation de l'expert ;

- les demandes de la SMABTP à son encontre sont irrecevables et mal fondées ;

- les appels en garantie formés à son encontre sont infondés.

Par une ordonnance du 25 avril 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 8 juin 2018.

Un mémoire présenté pour la société SGF, enregistré le 23 avril 2018, n'a pas été communiqué.

Un mémoire présenté pour la Région Provence-Alpes Côte d'Azur, enregistré le 8 juin 2018, n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code des assurances ;

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme G...Steinmetz-Schies, président-assesseur ;

- les conclusions de M. B...Thiele, rapporteur public ;

- les observations de MeA..., substituant MeC..., représentant la Région Provence-Alpes-Côte-D'azur, de MeH..., substituant MeE..., représentant la SMABTP, et de MeF..., substituant MeD..., représentant la société SGF Etanchéité.

Considérant ce qui suit :

1. La Région Provence-Alpes-Côte d'Azur a décidé de construire un gymnase dans l'enceinte du lycée Emile Zola à Aix-en-Provence. L'Agence régionale d'équipement et d'aménagement (AREA) est intervenue dans cette opération en tant que maitre d'ouvrage délégué et la société Atelier de la rue Kléber en qualité de maître d'oeuvre. Par acte d'engagement du 3 mars 2005, la société Construction Millet Bois s'est vu confier le lot n° 2 " charpente et ossature bois, étanchéité, façade bois " pour un montant de 980 143,44 euros toutes taxes comprises, et la société Dumas étanchéité, aux droits de laquelle vient désormais la société SGF Etanchéité, a réalisé, en qualité de sous-traitante, l'étanchéité du gymnase. La réception des ouvrages a été prononcée le 23 octobre 2006 avec réserves et effet au 5 juillet 2006. Certaines des réserves ont été levées le 5 mai 2007. Le 8 septembre 2009, la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur a déclaré à la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), son assureur dommage-ouvrage, un sinistre portant sur des infiltrations d'eau dans le gymnase. Après refus de son assureur de prendre en charge les dommages, la région a demandé au tribunal administratif la désignation d'un expert, qui a déposé son rapport le 18 décembre 2012. Par une ordonnance de référé du 19 février 2014, la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur a obtenu l'allocation d'une somme provisionnelle de 73 453,17 euros hors taxes à la charge de la SMABTP.

Sur la fin de non recevoir soulevée par la société SARL Atelier de la rue Kléber :

2. Le président de la Région Provence-Alpes Côte d'Azur a été habilité, par une délibération du conseil régional du 18 décembre 2015, " pendant la durée du mandat, d'intenter au nom de la région , les actions en justice ou défendre la Région dans les actions intentées contre elle devant les juridictions administratives, civiles, pénales et prud'homales tant en premier ressort, appel qu'en cassation, en référé qu'au fond ". Cette habilitation a régularisé l'ensemble des écritures antérieurement déposées devant le tribunal. Par suite, la fin de non recevoir opposée en première instance par la société SARL Atelier de la rue Kléber, tirée du défaut de qualité du président de la région pour intenter la présente action, doit être écartée.

Sur les conclusions principales dirigées contre la SMABTP :

3. Aux termes des dispositions de l'article L. 242-1 du code des assurances : " Toute personne physique ou morale qui, agissant en qualité de propriétaire de l'ouvrage, de vendeur ou de mandataire du propriétaire de l'ouvrage, fait réaliser des travaux de construction, doit souscrire avant l'ouverture du chantier, pour son compte ou pour celui des propriétaires successifs, une assurance garantissant, en dehors de toute recherche des responsabilités, le paiement de la totalité des travaux de réparation des dommages de la nature de ceux dont sont responsables les constructeurs au sens de l'article 1792-1, les fabricants et importateurs ou le contrôleur technique sur le fondement de l'article 1792 du code civil ". L'annexe II de l'article A. 243-1 du même code définissant les clauses-types applicables aux contrats d'assurance de dommages ouvrage, dispose : " Nature de la garantie : Le contrat a pour objet de garantir, en dehors de toute recherche de responsabilité, le paiement des travaux de réparation des dommages à l'ouvrage réalisé ainsi qu'aux ouvrages existants, totalement incorporés dans l'ouvrage neuf et qui en deviennent techniquement indivisibles, au sens du II de l'article L. 243-1-1 du présent code. / La garantie couvre les dommages, même résultant d'un vice du sol, de la nature de ceux dont sont responsables les constructeurs, au sens de l'article 1792-1 du code civil, les fabricants et les importateurs ou le contrôleur technique, et qui : / - compromettent la solidité des ouvrages constitutifs de l'opération de construction ; / - affectent les ouvrages dans l'un de leurs éléments constitutifs ou l'un de leurs éléments d'équipement, les rendant impropres à leur destination ; / - affectent la solidité de l'un des éléments d'équipement indissociables des ouvrages de viabilité, de fondation, d'ossature, de clos et de couvert, au sens de l'article 1792-2 du code civil ". Il résulte de ces dispositions que l'action engagée par le maître de l'ouvrage à l'encontre de son assureur, au titre de l'exécution du contrat d'assurance dommage-ouvrage, repose sur les mêmes fondements juridiques et les mêmes éléments d'appréciation que les garanties post-contractuelles des constructeurs.

4. Il résulte des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil, régissant la garantie décennale des constructeurs, que des dommages apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent la responsabilité des constructeurs au titre de cette garantie, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans, et sous réserve qu'ils affectent des travaux, ouvrages ou partie d'ouvrage ayant fait l'objet d'une réception sans réserve. La responsabilité décennale des constructeurs, néanmoins, ne peut être engagée si les désordres étaient apparents lors de la réception.

5. En l'espèce, la réception du gymnase a été prononcée le 23 octobre 2006 avec effet au 5 juillet 2006, les réserves formulées à propos du lot n° 2, attribué à la société Construction Millet Bois et comprenant le dispositif d'étanchéité, n'ayant toutefois été levées que le 4 mai 2007.

6. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que les plafonds des différentes salles -musculation, danse, ping-pong et omnisports- présentent, au niveau des faux-plafonds en bois, des tâches et auréoles infiltrantes auprès, principalement, des gaines et caissons de ventilation, des potelets d'ancrage de ligne de vie, des poteaux, de la structure métallique de la centrale de traitement d'air et des couvertines périphériques. Ainsi, les désordres affectant la salle de musculation résultent de la défectuosité de la soudure de lés de la membrane et d'un défaut des points d'ancrage situés à côté de la gaine de ventilation mécanique contrôlée. Les désordres affectant la salle de danse ont pour origine des amenées d'eau au niveau des différents poteaux soutenant la centrale de traitement de l'air et la défectuosité de la soudure d'un joint de lés de la membrane, les opérateurs de maintenance étant en outre contraints de circuler sur la membrane d'étanchéité ce qui, compte tenu des poinçonnements et perforations occasionnés, entraîne des amenées d'eau au niveau du complexe d'étanchéité. Les désordres affectant la salle de ping-pong résultent quant à eux de nombreuses perforations de la membrane d'étanchéité par les fixations des panneaux isolants et de la présence d'une gaine de ventilation et d'un point d'ancrage situé dans l'épicentre de la diffusion de l'humidité. Les infiltrations relevées dans la salle omnisports, pour leur part, résultent également de la présence de multiples poinçonnements ou perforations de la membrane par les fixations des panneaux isolants, de plusieurs coupures de la membrane, de la défectuosité du dispositif d'étanchéité au droit d'une zone de rétention et de la liaison entre le bois et la couvertine, enfin de l'affaissement d'un solin sous couvertine, la soudure de lés n'étant pas jointive en plusieurs points. Selon l'expert, les désordres affectant les faux-plafonds des différentes parties du gymnase résultent ainsi principalement des défauts des points d'ancrage, qui ne comportent pas en outre de protections des relevés. Ces infiltrations d'eau constatées sont de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage et affectent les performances de l'isolation thermique du bâtiment ainsi que l'expert le relève.

7. D'une part, l'expert souligne que si la membrane d'étanchéité comporte de très nombreuses zones défectueuses, constituant autant de point d'infiltration, ces dégradations ont été essentiellement occasionnées par la circulation du personnel de maintenance, contraint d'évoluer à même la membrane pour accéder notamment à l'édicule supportant la centrale de traitement de l'air. L'expert relève en outre, sans contredit, que nombre des perforations de la membrane ont été causées par des objets coupants tels que des lames de cutter. Ces défauts ne peuvent être regardées comme imputables aux travaux de construction du gymnase et relèvent donc d'une cause étrangère.

8. D'autre part, le procès-verbal de réception établi le 23 octobre 2006 comportait une réserve sur les points d'ancrage à étancher. Si la levée des réserves est intervenue le 4 mai 2007, un maître d'ouvrage normalement diligent ne pouvait ignorer que ces défauts d'étanchéité réapparaitraient ultérieurement et ne pourraient que s'amplifier. A cet égard, dès le 4 juillet 2007, l'AREA, maître d'ouvrage délégué, a adressé à la société Construction Millet Bois une mise en demeure de remédier aux anomalies figurant dans la liste des réserves en exigeant à cette occasion, " au vu de l'importance des désordres constatés ", de faire connaître les mesures qu'elle comptait prendre pour remédier à ces anomalies, les dysfonctionnements notés concernant " les crochets de sécurité à calfeutrer dans l'angle nord-ouest de la toiture, la reprise de la galvanisation des pieds du plancher technique de la CCTA en toiture nord, les raccords de couvertine en zinc à parfaire en toiture ". Ainsi, alors même que les dommages ont été réparés, au moins en partie, le maître de l'ouvrage, eu égard à la nature des premiers désordres constatés, dont il ne pouvait ignorer que l'origine résidait à titre principal dans les points d'ancrage, était en mesure de prévoir leur extension et leurs conséquences. Lesdits désordres étaient donc apparents, au sens des principes rappelés au point 4, lors de la réception définitive des travaux confiés à la société Construction Millet Bois et ne sont donc pas susceptibles d'engager la responsabilité des constructeurs sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1192 et 2270 du code civil.

9. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la prescription dont excipe la SMABTP que la Région Provence-Alpes-Côte-D'azur n'est pas fondée à demander que cette société assume, en exécution du contrat d'assurance dommage-ouvrage qui les lie, la réparation des conséquences dommageables des désordres constatés.

Sur les conclusions subsidiaires dirigées contre les constructeurs :

En ce qui concerne la responsabilité décennale :

10. Les conclusions dirigées sur ce fondement contre la société SGF Etanchéité, anciennement Dumas Etanchéité, sous-traitante de la société Construction Millet Bois, sont en tout état de cause irrecevables en l'absence de tout lien contractuel entre la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur et la société SGF Etanchéité.

11. Compte tenu, par ailleurs, de ce qui a été énoncé aux points qui précèdent, relevant le caractère apparent des désordres lors de la réception des travaux, les conclusions présentées sur le même fondement à l'encontre de la société Construction Millet Bois ont été à bon droit rejetées par le tribunal.

En ce qui concerne la responsabilité contractuelle :

12. En premier lieu, la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur ne peut rechercher la responsabilité contractuelle de la société SGF Etanchéité, aucun lien contractuel ne la liant à cette société.

13. En second lieu, la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserve et met fin aux rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs en ce qui concerne la réalisation de l'ouvrage. En l'absence de stipulations particulières prévues par les documents contractuels, lorsque la réception est prononcée avec réserves, les rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs ne se poursuivent qu'au titre des travaux ou des parties de l'ouvrage ayant fait l'objet des réserves jusqu'à ce que celles-ci aient été expressément levées, nonobstant l'expiration du délai de garantie de parfait achèvement.

14. D'une part, ainsi, qu'il a été dit, la réception des ouvrages réalisés par la société Construction Millet Bois a été prononcée au 5 juillet 2006, avec des réserves concernant, outre des détails d'exécution, les points d'ancrage à étancher, la reprise de la mise en oeuvre des collerettes sur potelets conformément au cahier des clauses techniques particulières et la reprise des points de fixation des crosses d'ancrage. Le 4 mai 2007, un procès-verbal de levée des réserves a été établi, mentionnant que les prestations ayant fait l'objet de réserves ont été exécutées et que les imperfections et malfaçons constatées ont été corrigées. Par suite, la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur ne peut plus rechercher la responsabilité contractuelle de la société Construction Millet Bois.

15. D'autre part, la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur n'invoque aucun manquement de la société Atelier de la rue Kléber à ses obligations contractuelles. Dans ces conditions, elle n'est pas fondée à rechercher sa responsabilité sur ce fondement.

En ce qui concerne la responsabilité quasi-délictuelle de la société SGF Etanchéité :

16. S'il appartient, en principe, au maître d'ouvrage qui entend obtenir la réparation des conséquences dommageables d'un vice imputable à la conception ou à l'exécution d'un ouvrage de diriger son action contre le ou les constructeurs avec lesquels il a conclu un contrat de louage d'ouvrage, il lui est toutefois loisible, dans le cas où la responsabilité du ou des cocontractants ne pourrait pas être utilement recherchée, de mettre en cause, sur le terrain quasi-délictuel, la responsabilité des participants à une opération de construction avec lesquels il n'a pas conclu de contrat de louage d'ouvrage, mais qui sont intervenus sur le fondement d'un contrat conclu avec l'un des constructeurs. Il peut, à ce titre, invoquer, notamment, la violation des règles de l'art ou la méconnaissance de dispositions législatives et réglementaires mais ne saurait se prévaloir de fautes résultant de la seule inexécution, par les personnes intéressées, de leurs propres obligations contractuelles. En outre, alors même qu'il entend se placer sur le terrain quasi-délictuel, le maître d'ouvrage ne saurait rechercher la responsabilité de participants à l'opération de construction pour des désordres apparus après la réception de l'ouvrage et qui ne sont pas de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination.

17. Il résulte de l'instruction que la société SGF Etanchéité, venant aux droits de la société Dumas, sous-traitante de la société Construction Millet Bois, n'a pas réalisé les points d'ancrage et les collerettes des potelets à reprendre, mais seulement les travaux de mise en place de la membrane d'étanchéité. Si la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur soutient que cette société a méconnu les règles de l'art quant à la pose de cette membrane, le rapport d'expertise note, sans contredit sérieux, que " les allées de circulation ne permettent pas l'accès à l'édicule supportant la centrale de traitement de l'air, alors que ces groupes froids nécessitent une maintenance régulière, et que le personnel de maintenance est contraint de circuler sur la membrane d'étanchéité ce qui augmente le risque de poinçonnement ". Par suite, les désordres de poinçonnement et les nombreux défauts de la membrane d'étanchéité relèvent d'une cause étrangère à la construction de l'ouvrage, donc à l'intervention de la société Dumas Etanchéité, alors, au surplus, qu'aucun élément ne permet d'établir, à l'encontre de cette entreprise, une méconnaissance des règles de l'art.

18. Il résulte de tout ce qui précède que la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande et a maintenu à sa charge les frais de l'expertise, liquidés et taxés à la somme de 15 186,24 euros par ordonnance du président du tribunal administratif de Marseille du 16 mai 2013.

Sur les conclusions reconventionnelles de la SMABTP :

19. Par une ordonnance de référé du 19 février 2014, la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur a obtenu l'allocation, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, d'une provision de 73 453,17 euros hors taxes, mise à la charge de la SMABTP. Il n'appartient qu'aux parties, dans le cadre de l'exécution du présent arrêt, qui statue sur le fond, de solder le compte de ce qui, durant l'instance, a été réglé à titre provisoire. Les conclusions de la SMABTP tendant au remboursement de cette provision, au demeurant nouvelles en appel, doivent dès lors être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce soit mise à la charge de la SMABTP, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que réclame la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées sur le même fondement par les autres parties à l'instance.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur est rejetée.

Article 2 : Les conclusions reconventionnelles de la SMABTP, ainsi que les conclusions de l'ensemble des parties tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur, à la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), à la société Atelier de la rue Kléber, à la société Construction Millet Bois, à la société SGF Etanchéité et à l'entreprise Publique locale Agence régionale d'équipement et d'aménagement Provence-Alpes-Côte d'Azur.

Délibéré après l'audience du 24 septembre 2018, où siégeaient :

- M. David Zupan, président,

- Mme G...Steinmetz-Schies, président-assesseur,

- M. Philippe Grimaud, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 8 octobre 2018.

3

N° 17MA03639


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA03639
Date de la décision : 08/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01 Marchés et contrats administratifs. Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage.


Composition du Tribunal
Président : M. ZUPAN
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre STEINMETZ-SCHIES
Rapporteur public ?: M. THIELÉ
Avocat(s) : SELARL PROVANSAL D'JOURNO GUILLET

Origine de la décision
Date de l'import : 16/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-10-08;17ma03639 ?
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