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04/10/2018 | FRANCE | N°17MA00577

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 04 octobre 2018, 17MA00577


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner le centre hospitalier régional universitaire de Nice à lui verser une provision de 40 000 euros à valoir sur l'indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de sa prise en charge à l'hôpital L'Archet II et d'ordonner avant dire droit une expertise.

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Alpes-Maritimes a demandé au tribunal de condamner le centre hospitalier régional universitaire de Nice à lui verser

la somme de 55 570,19 euros au titre des débours.

Par un jugement n° 1402608 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner le centre hospitalier régional universitaire de Nice à lui verser une provision de 40 000 euros à valoir sur l'indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de sa prise en charge à l'hôpital L'Archet II et d'ordonner avant dire droit une expertise.

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Alpes-Maritimes a demandé au tribunal de condamner le centre hospitalier régional universitaire de Nice à lui verser la somme de 55 570,19 euros au titre des débours.

Par un jugement n° 1402608 du 2 novembre 2016, le tribunal administratif de Nice a rejeté ces demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 10 février 2017, MmeB..., représentée par la SCP Mary et Paulus, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 2 novembre 2016 ;

2°) de condamner le centre hospitalier régional universitaire de Nice à lui verser une provision de 40 000 euros à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices ;

3°) d'ordonner une expertise ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier régional universitaire de Nice la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- une faute a été commise dans la réalisation du geste chirurgical ;

- l'aléa thérapeutique est exclu en raison de l'erreur dans le choix du canal à sectionner ;

- le choix de reprise immédiate de la situation chirurgicale était erroné en l'absence de mise en place d'une endoprothèse biliaire ;

- le suivi post-opératoire inadéquat a conduit à de graves complications ;

- elle n'a pas été informée des risques que présentait l'opération ;

- une nouvelle expertise est utile du fait des insuffisances de celle qui a été effectuée.

Par un mémoire, enregistré le 29 mars 2017, la CPAM des Alpes-Maritimes, représentée par MeE..., demande à la Cour :

1°) de condamner le centre hospitalier régional universitaire de Nice à lui payer la somme de 55 570,19 euros, assortie des intérêts au taux légal et celle de 1 055 euros en application de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;

2°) de mettre à la charge du centre hospitalier régional universitaire de Nice la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle s'associe à la demande d'expertise présentée par Mme B...;

- elle a exposé des frais à la suite de l'intervention chirurgicale du 10 mai 2010.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 avril 2018, le centre hospitalier régional universitaire de Nice, représenté par MeC..., conclut au rejet de la requête et des conclusions de la CPAM des Alpes-Maritimes.

Il soutient que :

- aucune faute n'a été commise lors de l'acte chirurgical ;

- le suivi post-opératoire et la prise en charge de la lésion ont été conformes aux règles de l'art ;

- l'information de la patiente a été complète malgré l'absence de consentement écrit ;

- l'opération chirurgicale était impérative et il n'existait pas d'alternative à l'intervention ;

- la CPAM des Alpes-Maritimes ne justifie pas du bien-fondé de sa créance.

Par un mémoire, enregistré le 7 mai 2018, la CPAM du Var, agissant au nom et pour le compte de la CPAM des Alpes-Maritimes, représentée par MeE..., demande à la Cour :

1°) de condamner le centre hospitalier régional universitaire de Nice à lui payer la somme de 55 570,19 euros, assortie des intérêts au taux légal, et celle de 1 066 euros en application de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;

2°) de mettre à la charge du centre hospitalier régional universitaire de Nice la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a qualité pour agir au nom de la CPAM des Alpes-Maritimes ;

- elle reprend les observations de la CPAM des Alpes-Maritimes.

Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 mars 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bourjade-Mascarenhas,

- les conclusions de M. Argoud, rapporteur public,

- et les observations de MeD..., substituant MeE..., représentant la CPAM du Var.

Considérant ce qui suit :

Sur le bien fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne le défaut d'information :

1. Aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. (...) Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel. (...) En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen ".

2. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise ordonnée par une ordonnance du 22 août 2011 du juge des référés du tribunal administratif de Nice, que Mme B... présentait des calculs intra-vésiculaires entraînant une cholécystite. Une ablation de la vésicule biliaire a été pratiquée au centre hospitalier régional universitaire de Nice. L'intéressée allègue en appel n'avoir pas été informée des risques que présentait l'intervention alors qu'elle faisait valoir en première instance que le praticien hospitalier ne l'avait pas correctement informée des risques. Il ressort des observations formulées par l'expert le 19 mars 2012 que, si la patiente s'est estimée lors des opérations d'expertise n'avoir pas été suffisamment informée, le praticien avait porté à sa connaissance les risques de plaie de la voie biliaire au cours d'un entretien antérieur à l'opération. Ainsi, et alors même que son dossier médical ne comporte aucun document de recueil d'un consentement éclairé, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le centre hospitalier régional universitaire de Nice a méconnu son obligation d'information.

En ce qui concerne les fautes dans la prise en charge :

3. L'article L. 1142-1 du code de la santé publique dispose : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute ".

4. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que lors de l'ablation de la vésicule biliaire, Mme B...a été victime d'une plaie accidentelle du canal cholédoque du fait d'une variation particulière de la disposition anatomique des voies biliaires, disposition propice à une mise en danger de la voie biliaire principale qui se trouvait proche du canal cystique et qui a été blessée par le passage d'instruments. Mme B... ne produit aucune pièce médicale susceptible de remettre en cause les conclusions documentées de l'expert. Elle n'établit pas que cette plaie est consécutive à la section par erreur ou par maladresse du canal cholédoque au lieu du canal cystique. Par suite, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, aucune faute dans le geste opératoire ne peut être reprochée au centre hospitalier régional universitaire de Nice.

5. La réparation biliaire a nécessité la mise en place d'un drain tuteur qui a été retiré après trois semaines. En raison de la sténose cicatricielle, une endoprothèse biliaire a ensuite été posée. Il résulte de l'instruction que les soins prodigués pour le traitement de la plaie du canal cholédoque puis la sténose cicatricielle de ce dernier ont été consciencieux, attentifs, diligents et conformes aux règles de l'art et aux données acquises de la science. La pose d'un drain de Kher est indispensable en première intention. La pose ultérieure d'endoprothèses biliaires est conforme à l'évolution cicatricielle d'une plaie du cholédoque. Le retard dans la mise en place d'une endoprothèse n'est pas établi. Enfin, le transfert de la patiente vers un autre établissement de soins, qui résulte de l'absence, lors de la seconde hospitalisation de MmeB..., de praticien spécialisé dans la pose d'endoprothèse biliaire au centre hospitalier régional universitaire de Nice, ne constitue en tout état de cause pas une reconnaissance de responsabilité. Il suit de là que Mme B...n'est pas non plus fondée à rechercher la responsabilité du centre hospitalier régional universitaire de Nice en raison d'une faute dans le suivi post-opératoire et la prise en charge de la lésion de la voie biliaire principale.

Sur la demande d'expertise :

6. La prescription d'une mesure d'expertise est subordonnée au caractère utile de cette mesure. Il appartient au juge, saisi d'une demande d'expertise dans le cadre d'une action en réparation des conséquences dommageables d'un acte médical, d'apprécier son utilité au vu des pièces du dossier, notamment, le cas échéant, des rapports des expertises prescrites antérieurement s'ils existent, et au regard des motifs de droit et de fait qui justifient, selon le demandeur, la mesure sollicitée.

7. Ainsi qu'il a été indiqué aux points 4 et 5, aucune faute ne peut être retenue à l'encontre du centre hospitalier régional universitaire de Nice dans la prise en charge de

MmeB.... L'expert n'ayant relevé aucun manquement de l'établissement de soins, n'était ainsi pas tenu de répondre aux points de la mesure d'expertise portant sur l'évaluation des préjudices subis par la patiente. Par ailleurs, en l'absence de manquement de l'établissement public de santé lors des interventions chirurgicales ou des soins dispensés, l'expert n'avait pas à se prononcer sur le point de la mission relatif à l'existence d'une perte de chance sérieuse de guérison de la pathologie dont la requérante souffrait lors de son admission. Il suit de là que l'expertise demandée par Mme B...est dépourvue d'utilité.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions de la CPAM du Var tendant à la condamnation du centre hospitalier régional universitaire de Nice à lui verser une indemnité au titre des débours et l'indemnité forfaitaire de gestion doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge du centre hospitalier régional universitaire de Nice, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, les sommes que Mme B...et la CPAM du Var demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B...et les conclusions de la CPAM du Var sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B..., à la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes, à la caisse primaire d'assurance maladie du Var et au centre hospitalier régional universitaire de Nice.

Délibéré après l'audience du 20 septembre 2018 où siégeaient :

- M. Vanhullebus, président de chambre,

- Mme Jorda-Lecroq, présidente-assesseure,

- Mme Bourjade-Mascarenhas, première conseillère.

Lu en audience publique, le 4 octobre 2018.

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N° 17MA00577


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