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02/10/2018 | FRANCE | N°17MA03336

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre - formation à 3, 02 octobre 2018, 17MA03336


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 3 octobre 2016 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit d'office.

Par un jugement n° 1700028 du 28 mars 2017, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregist

rée le 25 juillet 2017, M. B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jug...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 3 octobre 2016 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit d'office.

Par un jugement n° 1700028 du 28 mars 2017, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 25 juillet 2017, M. B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 28 mars 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 3 octobre 2016 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit d'office ;

3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du présent arrêt ;

4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de l'Hérault de réexaminer sa situation et de prendre une nouvelle décision dans le délai de deux mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil, en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'un vice de procédure tenant à la méconnaissance du deuxième alinéa de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- l'absence de visa de long séjour pour entrer en France ne peut faire obstacle à l'examen de sa demande de titre de séjour en qualité de salarié ;

- le préfet de l'Hérault n'a pas examiné sa demande de titre de séjour en qualité de salarié sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 8 de la même convention ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

La requête a été communiquée au préfet de l'Hérault qui n'a pas produit de mémoire.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 juin 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Barthez a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant tunisien né en 1976, fait appel du jugement du 28 mars 2017 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 octobre 2016 du préfet de l'Hérault.

Sur la légalité de l'arrêté du 3 octobre 2016 :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. / (...) ". Les pièces produites par M. B... n'établissent pas le caractère habituel de son séjour en France, notamment en 2006 et en 2010. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée est entachée d'un vice de procédure tenant au défaut de consultation de la commission du titre de séjour.

3. En deuxième lieu, le préfet de l'Hérault a indiqué, dans la motivation de la décision, que M. B... ne pouvait bénéficier d'un titre de séjour portant la mention " salarié " sur le fondement de l'article 3 de l'accord franco-tunisien dès lors qu'il était entré en France sans être titulaire d'un visa de long séjour. Cependant, cette mention superfétatoire ne suffit pas à établir que le préfet se serait mépris sur la nature de la demande de titre de séjour portant la mention " salarié ", fondée sur l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont il était saisi.

4. En outre, cet article fixe notamment les conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjour en France au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant tunisien souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-tunisien. Toutefois, bien que cet accord ne prévoie pas de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un titre de séjour à un ressortissant tunisien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit et il dispose à cette fin d'un pouvoir discrétionnaire pour apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.

5. Ainsi, M. B... ne pouvait utilement demander un titre de séjour portant la mention " salarié " sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En outre, il ressort des pièces du dossier, notamment de la motivation de l'arrêté du 3 octobre 2016, que le préfet de l'Hérault a examiné la possibilité de faire usage de son pouvoir discrétionnaire afin de régulariser la situation de M. B....

6. Ainsi, celui-ci n'est pas fondé à soutenir que le préfet de l'Hérault n'aurait pas procédé à un examen de sa demande de titre de séjour portant la mention " salarié ".

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 11 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord. / Chaque Etat délivre notamment aux ressortissants de l'autre Etat tous titres de séjour autres que ceux visés au présent accord, dans les conditions prévues par sa législation ". Aux termes de l'article 3 du même accord : " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " ". Aux termes des dispositions de l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur rédaction applicable au présent litige : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, l'octroi de la carte de séjour temporaire et celui de la carte de séjour " compétences et talents " sont subordonnés à la production par l'étranger d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois ".

8. Il résulte de ces dispositions que la délivrance aux ressortissants tunisiens d'un titre de séjour portant la mention " salarié " sur le fondement de l'article 3 de l'accord franco-tunisien est subordonnée, notamment, à la présentation d'un visa de long séjour. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le motif de la décision contestée mentionné au point 3 du présent arrêt serait entaché d'une erreur de droit.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".

10. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la vie commune entre M. B..., qui est célibataire et sans enfant, et une ressortissante marocaine titulaire d'une carte de résident valable jusqu'en 2024 et mère de trois enfants mineurs aurait commencé avant le début de l'année 2015. Par suite, eu égard à la faible ancienneté de cette relation et en l'absence d'intégration sociale et professionnelle de l'intéressé, la décision contestée n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Il n'est donc pas fondé à soutenir que les dispositions précédemment citées auraient été méconnues.

11. En cinquième lieu, pour les mêmes motifs, la décision portant refus de titre de séjour n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. B....

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

12. Il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que la décision portant refus de titre de séjour serait illégale. Par suite, le moyen tiré de l'illégalité de cette décision, invoquée par la voie de l'exception, à fin d'annulation de l'obligation de quitter le territoire français, doit être écarté.

13. Pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au point 10, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaîtrait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

14. En tout état de cause, pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au point 10, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'un retour en Tunisie méconnaîtrait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, le présent arrêt n'impliquant aucune mesure d'exécution, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, quelque somme que ce soit à verser au conseil de M. B... au titre des frais non compris dans les dépens qu'il aurait exposés s'il n'avait pas été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B..., à Me C...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 18 septembre 2018, où siégeaient :

- M. Antonetti, président,

- M. Barthez, président assesseur,

- M. Maury, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 2 octobre 2018.

6

N° 17MA03336

mtr


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA03336
Date de la décision : 02/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. ANTONETTI
Rapporteur ?: M. Alain BARTHEZ
Rapporteur public ?: Mme BOYER
Avocat(s) : RUFFEL

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-10-02;17ma03336 ?
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