La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/10/2018 | FRANCE | N°17MA03062

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre - formation à 3, 02 octobre 2018, 17MA03062


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Jasmine a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2008 et 2009 ainsi que de la retenue à la source qui lui a été réclamée pour l'année 2008.

Par un jugement n° 1500282 du 18 mai 2017, le tribunal administratif de Nice a réduit les bases imposables à l'impôt sur les sociétés auquel elle a été a

ssujettie au titre de l'exercice clos en 2009 d'une somme de 99 880 euros et a rejeté le surplu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Jasmine a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2008 et 2009 ainsi que de la retenue à la source qui lui a été réclamée pour l'année 2008.

Par un jugement n° 1500282 du 18 mai 2017, le tribunal administratif de Nice a réduit les bases imposables à l'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2009 d'une somme de 99 880 euros et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 17 juillet 2017, la SARL Jasmine, représentée par la SELARL Ramponneau et Associés, demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 3 de ce jugement du tribunal administratif de Nice du 18 mai 2017 par lequel le tribunal a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2008 et 2009 et de la retenue à la source qui lui a été réclamée pour l'année 2008 ;

2°) de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2009 et des pénalités correspondantes ;

3°) de prononcer la décharge de la retenue à la source qui lui a été réclamée pour l'année 2008 et des pénalités correspondantes ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- aucun élément n'établit que Mme B... et la société Ginco ont entendu abandonner les créances qu'elles détenaient au profit de ses associés ;

- elle a déposé le 31 juillet 2011 des déclarations rectificatives rétablissant les créances de Mme B... et de la société Ginco ;

- son associée, la société World Wide Investments Fund, aurait dû être exonérée de la retenue à la source en application de la convention franco-luxembourgeoise du 1er avril 1958, notamment de son article 18 ;

- son associée, la société Suprafin SAGL, aurait dû être exonérée de cette retenue en application de la convention franco-suisse du 9 septembre 1966, notamment de son article 11 ;

- ses associés, M. et Mme C..., auraient dû être exonérés de cette retenue en application de la convention franco-italienne du 5 octobre 1989, notamment de son article 10, ou bénéficier d'un taux de retenue moindre, en application du même article.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 février 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention signée le 1er avril 1958 entre la France et le Luxembourg ;

- la convention signée le 9 septembre 1966 entre la France et la Suisse ;

- la convention signée le 5 octobre 1989 entre la France et l'Italie ;

- le code civil ;

- le code général des impôts, ensemble le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Barthez,

- et les conclusions de Mme Boyer, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Jasmine fait appel du jugement du tribunal administratif de Nice du 18 mai 2017 et demande à la Cour de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés restant en litige au titre de l'exercice clos en 2009 et de la retenue à la source qui lui a été réclamée pour l'année 2008, ainsi que des pénalités correspondantes.

I. Sur les conclusions tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2009 :

2. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " (...) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises (...) / 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés (...) ".

3. En premier lieu, en l'absence de respect des formalités prévues à l'article 1690 du code civil en matière de cession de créances, une société n'apporte pas la preuve lui incombant, s'agissant d'écritures affectant les comptes de tiers, de la réalité d'une substitution de créanciers. L'administration réintègre alors à bon droit, sur le fondement du 2 de l'article 38 du code général des impôts, les sommes portées au crédit du compte courant de l'associé gérant de la société et correspondant au débit, d'une part, du compte courant d'un autre associé et, d'autre part, de comptes de tiers, au motif que ces écritures retracent l'abandon pur et simple des créances que détenaient ces personnes au profit de la société.

4. En l'espèce, la société de droit suisse Ginco, qui détenait jusqu'en 2007 99 % du capital de la SARL Jasmine, a cédé ses parts à la société de droit luxembourgeois World Wide Investments Fund, à la société de droit suisse Suprafin SAGL et à M. et Mme C..., domiciliés en Italie, M. A... continuant à détenir 1 % du capital. Le solde créditeur du compte de tiers d'un montant de 636 373 euros que la société Ginco détenait dans les écritures comptables de la SARL Jasmine a été soldé au cours de l'exercice clos le 31 mars 2009, les sommes de 212 124,50 euros, de 318 186,50 euros et de 106 062 euros ayant été portées au crédit des comptes courants d'associés ouverts respectivement aux noms de la société World Wide Investments Fund, de la société Suprafin SAGL et de M. et Mme C.... En outre, au cours du même exercice, le solde créditeur d'un montant de 73 595,11 euros du compte de tiers ouvert au nom de Mme B... a été également soldé, le compte courant d'associé de M. A... bénéficiant d'un crédit égal à ce montant.

5. La SARL Jasmine ne produit aucun élément de nature à établir que les cessions de créances alléguées au profit de ses associés auraient fait l'objet d'une signification aux débiteurs ou que les débiteurs les auraient acceptées par un acte authentique. Par suite, c'est à bon droit qu'elles ont été regardées comme des abandons de créances au profit de la société requérante.

6. En second lieu, il ne résulte pas de l'instruction que les opérations précédemment effectuées au cours de l'exercice clos le 1er avril 2008 constitueraient des erreurs comptables dont la SARL Jasmine pourrait demander la correction. Par suite, les écritures symétriques dont font état les déclarations rectificatives du 31 juillet 2011, effectuées à la suite de la proposition de rectification du 12 juillet 2010 et consistant à rétablir les soldes créditeurs des comptes de tiers ouverts au nom de la société Ginco et de Mme B..., ne sont pas de nature à établir l'absence des abandons de créances.

II. Sur la retenue à la source au titre de l'année 2008 :

II. 1. En ce qui concerne le droit interne :

7. Ainsi qu'il résulte des points précédents, la société World Wide Investments Fund, la société Suprafin SAGL et M. et Mme C... ont bénéficié d'abandons de créances de montants s'élevant respectivement à 212 124,50 euros, 318 186,50 euros et 106 062 euros. Pour les motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif aux points 8 à 10 de son jugement, l'administration fiscale est fondée, au regard de la seule loi fiscale nationale et sous réserve de l'application des conventions internationales, à appliquer une retenue à la source sur les revenus de capitaux mobiliers appréhendés, à la date du 1er avril 2008, par ces associés de la SARL Jasmine.

II. 2. En ce qui concerne l'application des conventions internationales :

II. 2. 1. Quant à la convention franco-luxembourgeoise :

8. Aux termes du 4 de l'article 2 de la convention entre la France et le Luxembourg tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune : " Le domicile fiscal ( ...) des personnes morales (...) est au lieu de leur centre effectif de direction, ou si cette direction effective ne se trouve ni dans l'un ni dans l'autre des Etats contractants, au lieu de leur siège (...) ". Aux termes de l'article 18 de la même convention : " Les revenus non mentionnés aux articles précédents ne sont imposables que dans l'Etat du domicile fiscal du bénéficiaire ".

9. La SARL Jasmine ne produit aucun élément de nature à établir que le centre effectif de direction de la société World Wide Investments Fund, dont le siège social est situé au Luxembourg, se trouverait dans cet Etat ou dans un Etat tiers. Par suite, le domicile fiscal de cette société n'est pas, pour l'application de cette convention signée le 1er avril 1958, situé au Luxembourg. La SARL Jasmine n'est donc pas fondée à se prévaloir de l'article 18 de la convention pour soutenir que les revenus réputés distribués ne pourraient être imposés que dans cet Etat.

II. 2. 2. Quant à la convention franco-suisse :

10. Aux termes du 1 de l'article 4 de la convention entre la France et la Suisse en vue d'éliminer les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune : " Au sens de la présente convention, l'expression " résident d'un Etat contractant " désigne toute personne qui, en vertu de la législation dudit Etat, est assujettie à l'impôt dans cet Etat en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue ". Aux termes du 1 de l'article 11 de la même convention : " les dividendes provenant d'un Etat contractant et payés à un résident de l'autre Etat contractant sont imposables dans cet autre Etat ".

11. La SARL Jasmine ne produit aucun élément de nature à établir que le siège de direction de la société Suprafin SAGL, dont le siège social est situé en Suisse, se trouverait dans cet Etat. Par suite, la société Suprafin SAGL ne peut être regardée, pour l'application de cette convention, comme un résident suisse. La SARL Jasmine n'est donc pas fondée à soutenir que l'article 11 de la convention ferait obstacle à la retenue à la source contestée.

II. 2. 3. Quant à la convention franco-italienne :

12. Aux termes du 1 de l'article 4 de la convention entre la France et l'Italie en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et la fortune et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales : " Au sens de la présente convention, l'expression " résident d'un Etat " désigne toute personne qui, en vertu de la législation de cet Etat, est assujettie à l'impôt dans cet Etat, en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout critère de nature analogue. Toutefois, cette expression ne comprend pas les personnes qui ne sont assujetties à l'impôt dans cet Etat que pour les revenus y ayant leur source ". Aux termes de l'article 10 de la même convention : " 1. Les dividendes payés par une société qui est résident d'un Etat à un résident de l'autre Etat sont imposables dans cet autre Etat. / 2. Toutefois, ces dividendes sont aussi imposables dans l'Etat dont la société qui paie les dividendes est un résident, et selon la législation de cet Etat, mais si la personne qui reçoit les dividendes est le bénéficiaire effectif, l'impôt ainsi établi ne peut excéder : / a) 5 % du montant brut des dividendes si le bénéficiaire effectif est une société passible de l'impôt sur les sociétés qui a détenu directement ou indirectement, pendant une période d'au moins douze mois précédant la date de la décision de distribution des dividendes, au moins 10 % du capital de la société qui paie les dividendes ; / b) 15 % du montant brut des dividendes dans tous les autres cas ".

13. La SARL Jasmine ne produit aucun élément de nature à établir que M. et Mme C..., qui sont domiciliés en Italie, seraient assujettis à l'impôt dans cet Etat, y compris pour les revenus n'y ayant pas leur source. Par suite, ils ne peuvent être regardés, pour l'application de cette convention, comme des résidents italiens. La SARL Jasmine n'est donc pas fondée à soutenir qu'en application du 1 de l'article 10 de la convention, aucune retenue à la source pour les revenus réputés distribués à M. et Mme C... ne pouvait être appliquée ou qu'en application du 2 du même article, le taux de la retenue ne pouvait excéder 15 % voire 5 %.

14. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Jasmine n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2009 et de la retenue à la source qui lui a été réclamée pour l'année 2008, ainsi que des pénalités correspondantes.

III. Sur les frais liés au litige :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, quelque somme que ce soit à verser à la SARL Jasmine au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL Jasmine est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Jasmine et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.

Délibéré après l'audience du 18 septembre 2018, où siégeaient :

- M. Antonetti, président,

- M. Barthez, président assesseur,

- M. Maury, premier conseiller.

Lu en audience publique le 2 octobre 2018.

6

N° 17MA03062

jm


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA03062
Date de la décision : 02/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur le revenu - Cotisations d`IR mises à la charge de personnes morales ou de tiers - Retenues à la source.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Évaluation de l'actif - Profits de toute nature.


Composition du Tribunal
Président : M. ANTONETTI
Rapporteur ?: M. Alain BARTHEZ
Rapporteur public ?: Mme BOYER
Avocat(s) : RAMPONNEAU SELARL

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-10-02;17ma03062 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award