Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... A...a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision du 16 septembre 2013 par laquelle la vice-présidente du centre communal d'action sociale (C.C.A.S.) de La-Seyne-sur-Mer l'a affectée à des fonctions d'agent " chargé de mission projets ", ainsi que la décision du 10 février 2014 par laquelle le président du C.C.A.S. a rejeté son recours gracieux, et de condamner le C.C.A.S. de La-Seyne-sur-Mer à lui verser la somme totale de 15 941,50 euros en réparation des préjudices subis.
Par un jugement n° 1400855 du 28 octobre 2016, le tribunal administratif de Toulon a annulé ces décisions du 16 septembre 2013 et du 10 février 2014, enjoint au président du C.C.A.S. de La-Seyne-sur-Mer de procéder au réexamen de la situation de Mme A... et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés le 16 décembre 2016, le 15 septembre 2017 et le 1er décembre 2017, Mme A..., représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 28 octobre 2016 en tant qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires ;
2°) de condamner le C.C.A.S. de La-Seyne-sur-Mer à lui verser la somme totale de 17 677 euros en réparation des préjudices subis, avec intérêts au taux légal à compter du 3 janvier 2014 et capitalisation ;
3°) de rejeter le recours incident du C.C.A.S. de La-Seyne-sur-Mer ;
4°) de mettre à la charge du C.C.A.S. de La-Seyne-sur-Mer la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal administratif a méconnu son office en s'abstenant de demander la production des documents utiles à la résolution du litige ;
- le jugement est insuffisamment motivé dans sa réponse au moyen tiré de ce que la décision attaquée n'était pas justifiée par l'intérêt du service ;
- le tribunal s'est mépris dans l'analyse du moyen tiré de ce que les préjudices subis résultaient des illégalités externes ou internes affectant la décision du 16 septembre 2013 ;
- le tribunal a estimé à tort qu'elle ne contestait ni la réalité, ni l'utilité de ses nouvelles fonctions ;
- le tribunal a omis de statuer sur les conclusions à fin d'injonction ;
- la décision du 16 septembre 2013 a entraîné pour elle une diminution sensible des responsabilités exercées ainsi que la perte d'un avantage financier ;
- cette décision n'est pas justifiée par l'intérêt du service et il ne lui appartient pas de démontrer qu'elle n'était pas justifiée au fond ;
- cette décision constitue une sanction déguisée ;
- le déclassement dont elle a fait l'objet s'inscrit dans un contexte de harcèlement moral ;
- le préjudice matériel résultant de la perte de chance de percevoir la NBI entre le 1er octobre 2013 et le 1er juin 2015 et les primes d'astreinte d'octobre à décembre 2013 s'élève à 2 677 euros ;
- son préjudice physique et son préjudice moral et psychique doivent être réparés à hauteur respectivement de 3 000 euros et de 12 000 euros.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 29 août 2017, le 28 novembre 2017, le 18 janvier 2018 et le 11 septembre 2018, le C.C.A.S. de La-Seyne-sur-Mer, représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) par la voie de l'appel incident :
- d'annuler les articles 1er et 2 du jugement du 28 octobre 2016 par lesquels le tribunal administratif de Toulon a annulé les décisions du 16 septembre 2013 et du 10 février 2014 et a enjoint au président du C.C.A.S. de La-Seyne-sur-Mer de procéder au réexamen de la situation de Mme A... ;
- de rejeter les conclusions de la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif tendant à l'annulation de ces décisions ;
3°) de mettre à la charge de Mme A... la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les conclusions de la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif tendant à l'annulation des décisions du 16 septembre 2013 et du 10 février 2014 étaient irrecevables en ce que ces décisions ne faisaient pas grief ;
- les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 22 janvier 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 8 février 2018 à 12 heures.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions de l'appel incident du C.C.A.S. de La-Seyne-sur-Mer dirigées contre les article 1er et 2 du jugement du tribunal administratif accueillant les conclusions d'excès de pouvoir et en injonction de Mme A... dès lors qu'elles soulèvent un litige différent de celui qui résulte de l'appel principal dirigé contre l'article 4 de ce jugement rejetant les conclusions indemnitaires de Mme A....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. d'Izarn de Villefort,
- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., représentant MmeA....
Considérant ce qui suit :
Sur le recours incident :
1. Le tribunal administratif de Toulon a, par les articles 1er et 2 du jugement attaqué, annulé la décision du 16 septembre 2013 par laquelle la vice-présidente du centre communal d'action sociale (C.C.A.S.) de La-Seyne-sur-Mer a affecté Mme A... à des fonctions d'agent " chargé de mission projets ", ainsi que la décision du 10 février 2014 rejetant le recours gracieux formé par cette dernière et a enjoint au président du C.C.A.S. de La-Seyne-sur-Mer de procéder au réexamen de la situation de Mme A.... Par l'article 4 de jugement, le tribunal administratif a rejeté notamment les conclusions en indemnité de Mme A.... Celle-ci demande l'annulation de ce jugement en tant qu'il a rejeté ces conclusions. Les conclusions de l'appel incident du C.C.A.S. de La-Seyne-sur-Mer contre l'article 1er du jugement du tribunal administratif soulèvent un litige différent de celui qui résulte de l'appel principal. Dès lors, elles ne sont pas recevables.
Sur l'appel principal :
En ce qui concerne la responsabilité du C.C.A.S. de La-Seyne-sur-Mer :
2. Il résulte de l'instruction que Mme A..., alors rédactrice territoriale principale de 1ère classe au C.C.A.S. de La-Seyne-sur-Mer a été affectée de 2004 à 2013 en qualité de responsable du service maintien à domicile. A ce titre, elle assurait l'encadrement de près de cinquante agents chargés du portage des repas, de la téléalarme, de petits travaux, de l'aide à domicile et de transport. Par une décision du 16 septembre 2013, la vice-présidente de cet établissement l'a affectée d'office au poste de chargé de mission auprès d'elle. Par une décision du 19 septembre suivant, celle-ci a retiré à Mme A... le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire dès lors qu'elle n'exerçait plus effectivement les fonctions en justifiant l'attribution. S'il résulte des dispositions de l'article 3 du décret du 30 juillet 2012 portant statut particulier du cadre d'emplois des rédacteurs territoriaux que les rédacteurs territoriaux principaux de 1ère classe peuvent réaliser certaines tâches complexes de gestion administrative, budgétaire et comptable, être chargés de l'analyse, du suivi ou du contrôle de dispositifs ou assurer la coordination de projets, les seules circonstances invoquées en défense que la nouvelle affectation de la requérante était conforme à ces dispositions statutaires et que les aptitudes de cette dernière lui donnaient vocation à occuper ce poste ne démontrent pas à elles seules que ce changement était justifié par l'intérêt du service. L'existence, relevée dans la fiche de notation de l'intéressée pour l'année 2013, de heurts avec certains de ses collaborateurs, dont ni le nombre, ni la gravité n'ont été précisés sur ce document ou au cours de l'instruction, n'établit pas que l'intérêt du service justifiait le changement d'affectation litigieux alors que cette fiche mentionne que Mme A... donnait entière satisfaction dans ses fonctions de responsable du service maintien à domicile. En l'absence de tout autre élément, il ne résulte donc pas de l'instruction que la décision du 16 septembre 2013 annulée par le tribunal administratif de Toulon était légalement fondée. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A... pour établir l'illégalité interne de cette décision, la responsabilité du C.C.A.S. de La-Seyne-sur-Mer est engagée à l'égard de celle-ci pour réparer les préjudices résultant directement de cette illégalité fautive.
3. Il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'administration auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral.
4. Mme A... soutient que la perte de responsabilités et la perte financière résultant de la décision l'affectant à un poste de chargée de mission, la privation de l'accès au courrier et à l'intranet du service dont elle était responsable et les réticences de son employeur à lui exposer les motifs de ce changement d'affectation sont constitutifs de harcèlement moral de la part du C.C.A.S. de La-Seyne-sur-Mer dont elle aurait été victime. Dans les circonstances de l'espèce, ces faits ne sont cependant pas susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement.
En ce qui concerne la réparation :
5. En raison de l'illégalité de son changement d'affectation, Mme A... a perdu une chance sérieuse de continuer à percevoir la nouvelle bonification indiciaire de 25 points, soit 115,70 euros par mois, entre le 1er octobre 2013 et le 1er juin 2015, date à laquelle elle a été mutée au C.C.A.S. de La Valette-sur-Var. Il est constant par ailleurs qu'elle était soumise à un régime d'astreinte du fait de ses anciennes fonctions d'encadrement, ce qui ouvrait droit à la perception d'indemnités à hauteur de 121 euros par mois. Si elle a à nouveau perçu ce type d'indemnité à compter du mois de janvier 2014, elle a perdu une chance sérieuse d'en bénéficier entre le mois d'octobre 2013 et celui de décembre 2013. Ainsi, le préjudice résultant de la perte de chance de percevoir ces deux catégories d'indemnité doit être réparé par l'allocation d'une somme totale de 2 677 euros.
6. Il résulte de l'instruction que Mme A... a présenté à compter du mois d'octobre 2013 des troubles du sommeil et des lombalgies et a été atteinte de dépression. Elle a été placée en arrêt de travail du 4 novembre au 1er décembre 2013. Même si les nouvelles fonctions qui lui ont été confiées n'ont pas revêtu un caractère fictif et qu'elles correspondaient à son grade, elles ont constitué pour l'intéressée un déclassement. Il sera fait une juste appréciation des troubles dans les conditions d'existence et du préjudice moral subis par la requérante en lui allouant à ce titre une somme de 2 000 euros.
En ce qui concerne les intérêts et les intérêts des intérêts :
7. Mme A... a droit aux intérêts au taux légal correspondant à l'indemnité de 4 677 euros à compter du 3 janvier 2014, date de réception de sa demande par le C.C.A.S. de La-Seyne-sur-Mer. La capitalisation des intérêts ayant été demandée le 4 mars 2014, il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 3 janvier 2015, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
8. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué, Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 4 de ce jugement, le tribunal administratif de Toulon a rejeté ses conclusions indemnitaires.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que le C.C.A.S. de La-Seyne-sur-Mer demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du C.C.A.S. de La-Seyne-sur-Mer la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : L'article 4 du jugement du tribunal administratif de Toulon du 28 octobre 2016 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions indemnitaires de MmeA....
Article 2 : Le C.C.A.S. de La-Seyne-sur-Mer est condamné à verser à Mme A... la somme de 4 677 euros avec intérêts au taux légal à compter du 3 janvier 2014. Les intérêts échus à la date du 3 janvier 2015 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : Le C.C.A.S. de La-Seyne-sur-Mer versera à Mme A... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... et les conclusions du C.C.A.S. de La-Seyne-sur-Mer présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A...et au centre communal d'action sociale de La-Seyne-sur-Mer.
Délibéré après l'audience du 18 septembre 2018, où siégeaient :
- M. Gonzales, président,
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
- M. Jorda, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 2 octobre 2018.
N° 16MA04739 2