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01/10/2018 | FRANCE | N°17MA03334

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 01 octobre 2018, 17MA03334


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C...a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 22 décembre 2016 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande d'admission au séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de son pays d'origine.

Par un jugement n° 1700888 du 27 juin 2017, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 26 juillet 2017, M. C..., repr

ésenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de N...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C...a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 22 décembre 2016 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande d'admission au séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de son pays d'origine.

Par un jugement n° 1700888 du 27 juin 2017, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 26 juillet 2017, M. C..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 27 juin 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 22 décembre 2016 du préfet des Alpes-Maritimes ;

3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes à titre principal de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, à titre subsidiaire de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour et une autorisation de travail ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la commission du titre de séjour aurait dû être saisie ;

- l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 313-11 7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- il méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- dépourvue de base légale, la décision portant obligation de quitter le territoire français encourt l'annulation ;

- cette décision méconnaît l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit de mémoire.

M. C... a présenté une demande d'aide juridictionnelle qui a été rejetée par décision du bureau d'aide juridictionnelle du 28 mars 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Duran-Gottschalk a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311 7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".

2. Si M. C... soutient être arrivé en France en 2004 et ne plus avoir quitté ce pays depuis, il ne démontre pas sa présence habituelle tout au long de la période alléguée, notamment en ce qui concerne les années 2008, 2011 et 2015, comme l'a retenu à bon droit le tribunal administratif. Il a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français le 4 décembre 2015 qu'il n'a pas exécutée. S'il vit chez son frère titulaire d'une carte de résident de dix ans, il ne démontre pas entretenir en France d'autres liens familiaux ou personnels anciens, stables et intenses. Célibataire et sans enfant, il ne justifie pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine. Dans ces conditions, le préfet des Alpes-Maritimes, en refusant de lui délivrer un titre de séjour et en l'obligeant à quitter le territoire français, n'a pas porté à son droit au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but poursuivi, et n'a pas par suite méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 313-11-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes raisons, l'arrêté n'est pas plus entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur la situation personnelle de M. C..., quand bien même ce dernier serait titulaire d'une promesse d'embauche pour un emploi de carreleur.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3. ". Selon l'article L. 313-14 du même code : " (...) L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. ".

4. L'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 n'a pas entendu écarter l'application des dispositions de procédure qui s'appliquent à tous les étrangers en ce qui concerne la délivrance, le renouvellement ou le refus de titres de séjour. Au nombre de ces dispositions figurent notamment les dispositions de l'article L. 312-1 et L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet est tenu de saisir la commission du titre de séjour du cas des seuls ressortissants tunisiens qui remplissent effectivement les conditions prévues aux articles L. 313-11, L. 314-11, L. 314-12 et L. 431-3 ou par les stipulations équivalentes de l'accord franco-tunisien et non de tous ceux qui se prévalent de ces dispositions.

5. Ainsi qu'il a été exposé au point 2, M. C... ne justifie pas d'une durée de présence habituelle en France d'une durée de dix ans. Il ne remplit pas non plus les conditions posées par l'article L. 313-11-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour obtenir un titre de séjour au titre de la vie privée et familiale. Le préfet n'avait donc pas à saisir la commission du titre de séjour de son cas.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11, ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. ".

7. Les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers et aux conditions de délivrance de ces titres s'appliquent, ainsi que le rappelle l'article L. 111-2 du même code " sous réserve des conventions internationales. ". S'agissant des ressortissants tunisiens, l'article 11 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 en matière de séjour et de travail stipule : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord. / Chaque Etat délivre notamment aux ressortissants de l'autre Etat tous titres de séjour autres que ceux visés au présent Accord, dans les conditions prévues par sa législation " et aux termes de l'article 3 de cet accord : " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent Accord, reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention "salarié" ".

8. Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaires prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 précité n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-tunisien prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant tunisien souhaitant obtenir un titre de séjour en qualité de salarié ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'appui d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-tunisien, au sens de l'article 11 de cet accord. Toutefois, si cet accord ne prévoit pas de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un titre de séjour à un ressortissant tunisien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.

9. Compte tenu de ce qui a été exposé au point 2, M. C... ne justifie pas de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels de nature à justifier une mesure de régularisation. C'est donc sans erreur manifeste d'appréciation que le préfet a refusé de lui délivrer un titre sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. En quatrième lieu, la décision de refus de séjour n'étant pas entachée des illégalités invoquées, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas dépourvue de base légale.

11. En cinquième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 4° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans, sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention " étudiant " ". M. C... n'ayant pas résidé en France de manière régulière depuis plus de dix ans, il n'est pas fondé à invoquer une méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 511-4.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, le présent arrêt n'appelle aucune mesure d'exécution. Les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées.

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que la somme réclamée par M. C... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 17 septembre 2018, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Marcovici, président assesseur,

- Mme Duran-Gottschalk, première conseillère.

Lu en audience publique, le 1er octobre 2018.

2

N° 17MA03334


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA03334
Date de la décision : 01/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: Mme Karine DURAN-GOTTSCHALK
Rapporteur public ?: M. REVERT
Avocat(s) : CHEBBI-TRIFI

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-10-01;17ma03334 ?
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