La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/09/2018 | FRANCE | N°18MA01529

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 24 septembre 2018, 18MA01529


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Saint-Jean-du-Gard a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nîmes de condamner la Société Lyonnaise des Eaux France (devenue la société Suez Eau France) à lui verser la somme provisionnelle de 162 969,78 euros au titre des pénalités financières dues pour le non-respect de ses engagements contractuels relatifs au rendement primaire du réseau pour les années 2009 à 2014, ainsi qu'une provision sur les intérêts de retard calculés au taux légal à compter du 2 févrie

r 2015.

Par une ordonnance n° 1501934 en date du 8 septembre 2016, le juge des réfé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Saint-Jean-du-Gard a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nîmes de condamner la Société Lyonnaise des Eaux France (devenue la société Suez Eau France) à lui verser la somme provisionnelle de 162 969,78 euros au titre des pénalités financières dues pour le non-respect de ses engagements contractuels relatifs au rendement primaire du réseau pour les années 2009 à 2014, ainsi qu'une provision sur les intérêts de retard calculés au taux légal à compter du 2 février 2015.

Par une ordonnance n° 1501934 en date du 8 septembre 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes a fait droit à la requête de la commune de Saint-Jean-du-Gard en condamnant la Société Suez Eau France au versement d'une provision de 162 969,78 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 15 juin 2015, date d'enregistrement de la requête de première instance, et a mis à la charge de la Société Suez Eau France la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une ordonnance n° 1603731 en date du 23 janvier 2017, le juge des référés de la cour administrative d'appel de Marseille a annulé l'ordonnance n° 1501934 du 8 septembre 2016 du juge des référés et a rejeté la requête de la commune de Saint-Jean-du-Gard.

Procédure devant la Cour :

Par une lettre enregistrée le 22 mars 2018, la société Suez Eau France, représentée par Me D... a saisi la cour administrative d'appel de Marseille d'une demande tendant à obtenir l'exécution de l'arrêt n° 16MA03731 du 23 janvier 2017.

Par une ordonnance du 12 avril 2018, la présidente de la Cour a ordonné l'ouverture d'une procédure juridictionnelle en vue de prescrire les mesures d'exécution de l'arrêt n° 16MA03731 du 23 janvier 2017.

Par un mémoire enregistré le 31 mai 2018, la commune de Saint-Jean-du-Gard, représentée par la société d'avocats CGCB, conclut au rejet de la requête et à ce que la société Suez Eau France lui verse une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le juge des référés n'a pas annulé le titre de recettes n° 4 du 14 septembre 2016 ;

- les dettes réciproques des parties se sont éteintes par le seul effet de la compensation légale des créances ;

- elle a émis un titre de recette n° 8 qui lui a permis d'exécuter l'ordonnance du juge des référés ;

- l'article L. 911-4 du code de justice administrative est inapplicable.

Par un mémoire enregistré le 6 juin 2018, la société Suez Eau France, représentée par Me D..., conclut aux mêmes fins que sa demande d'exécution et demande en outre à la Cour de prononcer une astreinte d'un montant de 500 euros par jour de retard, à l'issue d'un délai de huit jours courant à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, aussi longtemps que la commune ne lui aura pas versé la somme de 162 969,78 euros avec intérêts au taux légal à compter du 27 février 2017, et de mettre à la charge de la commune de Saint-Jean-du-Gard une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le titre de recettes du 14 septembre 2016 ne constitue pas le fondement du règlement intervenu de 162 969,78 euros ;

- l'ordonnance du 23 janvier 2017 n'a pu être exécutée par compensation d'une créance de la commune à son égard, dès lors que tous les titres de recettes émis par la commune ont été contestés ;

- l'ordonnance du 23 janvier 2017 n'a pu être exécutée par l'émission de titres de recettes ;

- l'article L. 911-4 du code de justice administrative s'applique.

Par une ordonnance du 28 mai 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 juin 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 80-539 du 16 juillet 1980 ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné Mme C... Steinmetz-Schies, président assesseur, pour présider les formations de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Zupan, président de la 6ème chambre en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C... Steinmetz-Schies, président-assesseur ;

- les conclusions de M. A... Thiele, rapporteur public ;

- et les observations de Me D..., représentant la société Suez Eau France, et Me B..., représentant la commune de Saint-Jean-du-Gard.

Une note en délibéré présentée par la commune de Saint-Jean-du-Gard a été enregistrée le 10 septembre 2018.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Saint-Jean-du-Gard a confié, par un contrat en date du 17 décembre 2004, la gestion du service public de la distribution d'eau potable à la Société de distribution d'eau intercommunale. La société Lyonnaise des Eaux France, devenue société Suez Eau France, s'est substituée à cette dernière à partir de l'année 2010. L'article 12.5.1 du contrat de délégation prévoyait l'engagement du délégataire à atteindre, à partir de l'année 2009, un objectif de rendement primaire du réseau supérieur ou égal à 70 %. Aux termes de l'article 13.2 dudit contrat, cet objectif est sanctionné par une pénalité. Lors d'une réunion le 28 avril 2014, le maire de la commune de Saint-Jean-du-Gard a demandé à la société délégataire de lui fournir des explications sur les performances atteintes en matière de rendement primaire du réseau. Après la fourniture des éléments requis le 3 juin 2014, une nouvelle réunion a été organisée le 19 juin 2014 au cours de laquelle le maire a demandé à la Société Suez Eau France de verser les pénalités afférentes au non-respect de ses engagements relatifs au rendement primaire de réseau pour les années 2009 à 2013. En raison du refus opposé par le délégataire par courrier du 26 juin 2014, la commune de Saint-Jean-du-Gard a, par courrier du 29 janvier 2015, mis en demeure l'exploitant de lui verser dans un délai d'un mois les pénalités dues au titre du non-respect du rendement primaire du réseau pour un montant de 132 408 euros. Suite à la demande de dégrèvement de ces pénalités formulée par le délégataire par une lettre du 9 juin 2015, la commune de Saint-Jean-du-Gard a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nîmes de condamner la Société Suez Eau France à lui verser une provision d'un montant de 162 969,78 euros au titre des pénalités financières dues pour le non-respect du rendement primaire du réseau pour les années 2009 à 2014. Le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes a fait droit à la requête de la commune de Saint-Jean-du-Gard en condamnant la Société Suez Eau France à verser la somme de 162 969,78 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 15 juin 2015, date de l'enregistrement de la requête. Le 16 septembre 2016, le maire de la commune émettait deux titres de recettes pour le recouvrement d'une part de la somme de 162 969,78 euros, d'autre part de la somme de 1 500 euros. Toutefois, par une ordonnance du 23 janvier 2017, le juge des référés de la cour administrative d'appel a annulé cette ordonnance. La société Suez Eau France s'est tournée vers la cour administrative d'appel afin d'obtenir l'exécution de l'ordonnance de la Cour du 23 janvier 2017. Par une ordonnance du 12 avril 2018, la présidente de la Cour a ordonné l'ouverture d'une procédure juridictionnelle.

2. Aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la cour administrative d'appel qui a rendu la décision d'en assurer l'exécution. Toutefois, en cas d'inexécution d'un jugement frappé d'appel, la demande d'exécution est adressée à la juridiction d'appel. Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte. Le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel peut renvoyer la demande d'exécution au Conseil d'Etat. ".

3. Aux termes de l'article 1er de la loi n° 80-539 du 16 juillet 1980 relative aux astreintes prononcées en matière administrative et à l'exécution des jugements par les personnes morales de droit public : " (...) II. Lorsqu'une décision juridictionnelle passée en force de chose jugé a condamné une collectivité locale ou un établissement public au paiement d'une somme d'argent dont le montant est fixé par la décision elle-même, cette somme doit être mandatée ou ordonnancée dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de justice. A défaut de mandatement ou d'ordonnancement dans ce délai, le représentant de l'Etat dans le département ou l'autorité de tutelle procède au mandatement d'office. / En cas d'insuffisance de crédits, le représentant de l'Etat dans le département ou l'autorité de tutelle adresse à la collectivité ou à l'établissement une mise en demeure de créer les ressources nécessaires ; si l'organe délibérant de la collectivité ou de l'établissement n'a pas dégagé ou créé ces ressources, le représentant dans le département ou l'autorité de tutelle y pourvoit et procède, s'il y a lieu, au mandatement d'office. ".

4. Aux termes de l'article 1347 du code civil : " La compensation est l'extinction simultanée d'obligations réciproques entre deux personnes. Elle s'opère, sous réserve d'être invoquée, à due concurrence, à la date où ses conditions se trouvent réunies. ". Aux termes de l'article 1347-I du même code : " Sous réserve des dispositions prévues à la sous-section suivante, la compensation n'a lieu qu'entre deux obligations fongibles, certaines, liquides et exigibles (...) ".

5. En décembre 2016, la société Suez Eau France a versé à la commune de Saint-Jean-du-Gard la somme de 162 969,78 euros, en exécution de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nîmes, depuis lors annulée par le juge des référés de la Cour, accordant une provision au titre des pénalités financières dues par la société Suez Eau France pour non-respect du rendement primaire du réseau pour les années 2009 à 2014. Si la commune fait valoir qu'elle a émis à l'encontre de la société Suez Eau France les 14 septembre 2016 et 28 avril 2017 des titres de recette n° 4 et n° 8 afin " de sécuriser " la somme de 162 969,78 euros correspondant au montant des pénalités prévues par le contrat, il résulte de l'instruction que la société Suez Eau France a contesté le bien-fondé de ces titres de recettes devant le tribunal administratif de Nîmes par des requêtes enregistrées sous les numéros 1701141 et 1701596. Par suite, dès lors que l'exigibilité des sommes en litige est suspendue, la commune ne peut soutenir avoir effectué une compensation légale entre la somme versée au titre de l'ordonnance de provision et les créances mentionnées dans les titres exécutoires n° 4 et n° 8.

6. Par voie de conséquence, l'autorité de la chose jugée par l'ordonnance du 23 janvier 2017 du juge des référés implique qu'il soit enjoint à la commune de restituer la somme de 162 969,78 euros à la société Suez Eau France à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte. Par contre, la société Suez Eau France a droit aux intérêts au taux légal qu'elle demande sur la somme de 162 969,78 euros à compter du 27 février 2017.

7. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux demandes des parties tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Il est enjoint à la commune de Saint-Jean-du-Gard de restituer à la société Suez Eau France, à compter de la notification du présent arrêt, la somme de 162 969,78 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 27 février 2017. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Suez Eau France et à la commune de Saint-Jean-du-Gard.

Délibéré après l'audience du 10 septembre 2018, où siégeaient :

- Mme C... Steinmetz-Schies, président-assesseur,

- M. Philippe Grimaud, premier conseiller,

- M. Allan Gautron, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 24 septembre 2018.

N° 18MA01529 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18MA01529
Date de la décision : 24/09/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exécution décision justice adm

Analyses

54-06-08 Procédure. Jugements. Décisions prises en application de décisions annulées.


Composition du Tribunal
Président : Mme STEINMETZ-SCHIES
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre STEINMETZ-SCHIES
Rapporteur public ?: M. THIELÉ
Avocat(s) : DE METZ-PAZZIS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-09-24;18ma01529 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award