La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/09/2018 | FRANCE | N°17MA03449

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 24 septembre 2018, 17MA03449


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Tetra a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner le Grand port maritime de Marseille à lui verser la somme de 26 670,80 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 12 juin 2013 et leur capitalisation, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai d'un mois à partir de la notification du jugement.

Par un jugement n° 1408198 en date du 6 juin 2017, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande et l'a condamnée

à verser une somme de 1 000 euros au Grand port maritime de Marseille.

Procédur...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Tetra a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner le Grand port maritime de Marseille à lui verser la somme de 26 670,80 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 12 juin 2013 et leur capitalisation, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai d'un mois à partir de la notification du jugement.

Par un jugement n° 1408198 en date du 6 juin 2017, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande et l'a condamnée à verser une somme de 1 000 euros au Grand port maritime de Marseille.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 1er août 2017 et 30 mai 2018, la SAS Tetra, représentée par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner le Grand port maritime de Marseille à lui verser la somme de 26 670,80 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts moratoires à compter du 12 juin 2013, avec capitalisation des intérêts ;

3°) de mettre à la charge du Grand port maritime de Marseille une somme de 3 000 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont commis une erreur de fait et dénaturé les pièces du dossier quant à l'interprétation des prestations autorisées par l'acte spécial de sous-traitance, entaché d'une erreur de plume ;

- le maître de l'ouvrage avait connaissance de cette erreur et n'a pas agi en vertu de son pouvoir de contrôle et de direction ;

- au jour de l'acceptation tacite du sous-traitant, le maître de l'ouvrage avait connaissance de la nature des prestations réalisées et sous-traitées par la société DG Constructions ;

- elle est fondée à demander le paiement des sommes dues sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle (enrichissement sans cause) et quasi-délictuelle du Grand port maritime de Marseille.

Par des mémoires enregistrés les 30 octobre 2017 et 12 juin 2018, le Grand port maritime de Marseille, représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la société SAS Tetra au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il n'a pas accepté la société Tetra ni agréé ses conditions de paiement pour les prestations dont elle demande le paiement ;

- les prestations réalisées n'étaient pas conformes aux engagements contractuels ;

- la société requérante n'a pas respecté la procédure de paiement direct ;

- la société requérante est irrecevable à invoquer, pour la première fois en appel, sa responsabilité quasi contractuelle et sa responsabilité quasi-délictuelle.

Par une ordonnance du 28 mai 2018, l'instruction a été close au 15 juin 2018.

Par une lettre en date du 23 juillet 2018, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la solution de l'affaire était susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office tiré de ce que " la société Tetra ne peut invoquer pour la première fois en appel, à titre subsidiaire, la responsabilité quasi-contractuelle et quasi-délictuelle du Grand port maritime de Marseille dès lors que les premiers juges n'ont pas fondé leur jugement sur l'invalidité du contrat, et que ces fondements de responsabilité reposent sur des causes juridiques nouvelles ".

Par un mémoire enregistré le 16 août 2018, en réponse au moyen d'ordre public soulevé, le grand port maritime de Marseille soutient que les conclusions nouvelles de la société Tetra sont irrecevables.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné Mme F... Steinmetz-Schies, président assesseur, pour présider les formations de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Zupan, président de la 6ème chambre en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F... Steinmetz-Schies, président-assesseur ;

- les conclusions de M. B... Thiele, rapporteur public ;

- et les observations de Me A..., substituant Me D... représentant la SAS Tetra, et Me E... substituant Me C..., représentant le Grand Port Maritime de Marseille.

Considérant ce qui suit :

1. Le Grand port maritime de Marseille a conclu le 2 août 2011, avec la société DG Constructions, un marché de travaux de génie civil à bons de commandes portant sur des travaux de rénovation et de maintenance d'ouvrages sur ses bassins Est et Ouest. La société DG Constructions a confié à la société SAS Tetra, par contrat signé le 28 juin 2012, des opérations de remplissage en béton sous les escaliers qu'elle avait posés. La société DG Constructions a été placée en liquidation judiciaire par un jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 11 juillet 2013. La SAS Tetra a alors demandé au Grand port maritime de Marseille, le 12 juin 2013, réitéré le 3 janvier 2014, en l'absence de paiement par la société DG Constructions, de lui régler la somme de 26 670,80 euros correspondant aux prestations effectuées, en qualité de sous-traitante de la société DG Constructions.

2. En premier lieu, si le mécanisme du paiement direct, prévu au titre II de la loi du 31 décembre 1975 et celui de l'action directe, prévu au titre III de la même loi, sont exclusifs l'un de l'autre, il résulte de l'instruction que la société Tetra a adressé les factures litigieuses à la société DG Constructions qui les a validées en indiquant " bon pour paiement GPMM ". Le 12 juin 2013, la société, informée de la mise en redressement judiciaire de la société DG Constructions en a demandé le règlement au Grand port maritime de Marseille, et a renouvelé cette demande le 4 janvier 2014. Par suite, le fait que la société Tetra ait adressé, dans un premier temps ses factures à la société DG Constructions, qui les a validées, ne rend pas irrecevable devant la juridiction administrative son action directe à l'encontre du Grand port maritime de Marseille.

3. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article 114 du code des marchés publics alors applicable : " L'acceptation de chaque sous-traitant et l'agrément de ses conditions de paiement sont demandés dans les conditions suivantes : (...) 2° Dans le cas où la demande est présentée après le dépôt de l'offre, le titulaire remet contre récépissé au pouvoir adjudicateur ou lui adresse par lettre recommandée, avec demande d'avis de réception, une déclaration contenant les renseignements mentionnés au 1°. / (...) L'acceptation du sous-traitant et l'agrément des conditions de paiement sont alors constatés par un acte spécial signé des deux parties. (...) / 3° Si, postérieurement à la notification du marché, le titulaire envisage de confier à des sous-traitants bénéficiant du paiement direct l'exécution de prestations pour un montant supérieur à celui qui a été indiqué dans le marché ou l'acte spécial, il demande la modification de l'exemplaire unique ou du certificat de cessibilité prévus à l'article 106 du présent code. (...) / Toute modification dans la répartition des prestations entre le titulaire et les sous-traitants payés directement ou entre les sous-traitants eux-mêmes exige également la modification de l'exemplaire unique ou du certificat de cessibilité ou, le cas échéant, la production d'une attestation ou d'une mainlevée du ou des cessionnaires ; / 4° Le silence du pouvoir adjudicateur gardé pendant vingt et un jours à compter de la réception des documents mentionnés aux 2 et 3 vaut acceptation du sous-traitant et agrément des conditions de paiement. ". Aux termes de l'article 115 de ce même code : " Les dispositions prévues aux articles 86 à 100 s'appliquent aux sous-traitants mentionnés à l'article 114 en tenant compte des dispositions particulières ci-après : 1° Lorsque le montant du contrat de sous-traitance est égal ou supérieur à 600 euros TTC, le sous-traitant, qui a été accepté et dont les conditions de paiement ont été agréées par le pouvoir adjudicateur, est payé directement, pour la partie du marché dont il assure l'exécution. (...) ".

4. D'autre part, aux termes, de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1975 susvisée : " L'entrepreneur qui entend exécuter un contrat ou un marché en recourant à un ou plusieurs sous-traitants doit, au moment de la conclusion et pendant toute la durée du contrat ou du marché, faire accepter chaque sous-traitant et agréer les conditions de paiement de chaque contrat de sous-traitance par le maître de l'ouvrage ; l'entrepreneur principal est tenu de communiquer le ou les contrats de sous-traitance au maître de l'ouvrage lorsque celui-ci en fait la demande. / Lorsque le sous-traitant n'aura pas été accepté ni les conditions de paiement agréées par le maître de l'ouvrage dans les conditions prévues à l'alinéa précédent, l'entrepreneur principal sera néanmoins tenu envers le sous-traitant mais ne pourra invoquer le contrat de sous-traitance à l'encontre du sous-traitant. ". L'article 5 de cette même loi ajoute : " Sans préjudice de l'acceptation prévue à l'article 3, l'entrepreneur principal doit, lors de la soumission, indiquer au maître de l'ouvrage la nature et le montant de chacune des prestations qu'il envisage de sous-traiter, ainsi que les sous- traitants auxquels il envisage de faire appel. / En cours d'exécution du marché, l'entrepreneur principal peut faire appel à de nouveaux sous-traitants, à la condition de les avoir déclarés préalablement au maître de l'ouvrage. ". Enfin, aux termes de l'article 6 de la même loi: " Le sous-traitant direct du titulaire du marché qui a été accepté et dont les conditions de paiement ont été agréées par le maître de l'ouvrage, est payé directement par lui pour la part du marché dont il assure l'exécution. (...) Ce paiement est obligatoire même si l'entrepreneur principal est en état de liquidation des biens, de règlement judiciaire ou de suspension provisoire des poursuites. (...)".

5. Il résulte des dispositions citées aux points 3 et 4 que le paiement direct du sous-traitant par le maître d'ouvrage, pour la part du marché dont il assure l'exécution, est subordonné à la double condition que, sur la demande de l'entrepreneur principal, le sous-traitant ait été accepté par le maître de l'ouvrage et que les conditions de paiement du contrat de sous-traitance aient été agréées par le maître de l'ouvrage sous la forme d'un avenant au contrat initial ou d'un acte spécial signé des deux parties.

6. Il résulte de l'instruction que le 28 juin 2012, la SAS Tetra a signé un contrat de prestations simplifié avec la société DG Constructions pour la réalisation du remplissage en béton sous les escaliers des formes 1-2 et 6, posés par cette dernière société, suivant un bordereau de prix unitaire, pour un montant total de 20 953 euros hors taxes. Le même jour, la société DG Constructions a adressé au Grand port maritime de Marseille, au profit de la société Tetra, une déclaration de sous-traitance pour " la pose de clôture " pour un montant maximum hors taxes de 20 953 euros.

7. S'il ressort des pièces du dossier que la société DG Constructions a adressé la déclaration de sous-traitance en cause le 28 juin 2012 au Grand port maritime de Marseille qui l'a réceptionnée le 10 juillet 2012, aucun élément ne permet d'établir que le Grand port maritime de Marseille ait accepté le sous-traitant et agréé ses conditions de paiement pour les travaux en litige dès lors que l'acte spécial de sous-traitance porte uniquement sur des prestations de " pose de clôtures ". Par suite, la société Tetra, si elle justifie avoir réalisé des prestations de maçonnerie pour le remplissage en béton des vides sous escaliers des formes 1, 2 et 6, ne peut obtenir le paiement direct de ces prestations qui diffèrent de la nature de celles faisant l'objet de l'acte de sous-traitance. Aucun élément ne permet d'établir que cette mention résulte d'une simple erreur de plume et que le Grand port maritime de Marseille l'aurait acceptée et aurait agréé ses conditions de paiement pour les prestations dont elle demande le paiement.

8. En troisième lieu, la société Tetra ne peut invoquer pour la première fois en appel, à titre subsidiaire, la responsabilité quasi-contractuelle et quasi-délictuelle du Grand port maritime de Marseille dès lors que les premiers juges n'ont pas fondé leur jugement sur l'invalidité du contrat, et que ces fondements reposent sur des causes juridiques nouvelles.

9. Il résulte de ce qui précède que la société Tetra n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande de paiement direct de la somme de 26 670,80 euros par le Grand port maritime de Marseille.

Sur les frais de l'instance :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du Grand port maritime de Marseille, qui n'a pas la qualité de partie perdante, la somme réclamée à ce titre par la société SAS Tetra. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société SAS Tetra la somme demandée par le Grand port maritime de Marseille au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société SAS Tetra est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du Grand port maritime de Marseille tendant au versement d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société SAS Tetra et au Grand port maritime de Marseille.

Délibéré après l'audience du 10 septembre 2018, où siégeaient :

- Mme F... Steinmetz-Schies, président-assesseur,

- M. Xavier Haili, premier conseiller,

- M. Allan Gautron, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 24 septembre 2018.

N° 17MA03449 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA03449
Date de la décision : 24/09/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Exécution technique du contrat - Conditions d'exécution des engagements contractuels en l'absence d'aléas - Marchés - Sous-traitance.

Marchés et contrats administratifs - Exécution financière du contrat.


Composition du Tribunal
Président : Mme STEINMETZ-SCHIES
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre STEINMETZ-SCHIES
Rapporteur public ?: M. THIELÉ
Avocat(s) : UGGC AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-09-24;17ma03449 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award