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24/09/2018 | FRANCE | N°17MA02892

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 24 septembre 2018, 17MA02892


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C...a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner l'Etat à lui verser la somme de 34 580 euros au titre de ses préjudices avec intérêts et capitalisation des intérêts à compter du 25 août 2015.

Par un jugement n° 1506010 du 4 mai 2017, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 4 juillet 2017, M. C..., représenté par Me B... demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugemen

t du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 34 580 eur...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C...a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner l'Etat à lui verser la somme de 34 580 euros au titre de ses préjudices avec intérêts et capitalisation des intérêts à compter du 25 août 2015.

Par un jugement n° 1506010 du 4 mai 2017, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 4 juillet 2017, M. C..., représenté par Me B... demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 34 580 euros avec intérêts à compter du 23 juin 2013 et capitalisation des intérêts à compter du 25 août 2015 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- le jugement contesté est entaché d'erreurs de fait ;

- les premiers juges ont statué ultra petita et ont méconnu le principe du contradictoire ;

- la responsabilité pour faute de l'Etat est engagée ;

- il a subi un préjudice matériel, un préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence.

Par un mémoire, enregistré le 26 avril 2018, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- il n'a commis aucune erreur de fait et vice de procédure ;

- il s'en remet à ses écritures de première instance pour le surplus.

Par une ordonnance du 16 avril 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 2 mai 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné Mme D... Steinmetz-Schies, président assesseur, pour présider les formations de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Zupan, président de la 6ème chambre en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... Steinmetz-Schies, président-assesseur a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant marocain, né le 1er janvier 1968, a demandé à être admis au séjour en qualité de parent d'enfant français. Par décision du 3 octobre 2011, le préfet de l'Hérault a rejeté cette demande et lui a fait obligation de quitter le territoire français, au motif qu'il ne justifiait pas contribuer à l'entretien et à l'éducation de son fils. Par arrêt n° 12MA01052 du 20 décembre 2013, la Cour a annulé cette décision au motif que le préfet de l'Hérault avait méconnu le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et a enjoint au préfet de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale ". Par courrier du 23 juin 2015, M. C... a présenté une réclamation préalable tendant à l'indemnisation de ses préjudices matériel, moral et des troubles dans les conditions d'existence subis.

2. Par arrêt n° 12MA01052 du 20 décembre 2013 devenu définitif, la Cour a annulé la décision du 3 octobre 2011 refusant l'admission au séjour de M. C... en tant que parent d'enfant français et a enjoint au préfet de l'Hérault de délivrer à M. C... une carte temporaire de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". En refusant ainsi l'admission au séjour de M. C..., le préfet a commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat.

3. Si le préfet soutient que l'erreur entachant sa décision du 3 octobre 2011 est imputable à M. C... qui n'a pas transmis tous éléments utiles à l'appréciation de sa contribution à l'entretien et à l'éducation de son fils, il résulte de l'instruction que le requérant a transmis d'une part, l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier du 15 juin 2011 établissant qu'il versait une pension mensuelle à son fils, effectuait ses droits de visite, et que son épouse sollicitait seulement la suppression de son droit d'hébergement, d'autre part, l'accord amiable conclu avec son ex compagne le 1er juillet 2011, et enfin, les pièces établissant qu'il effectuait des virements sur le compte de son ex compagne chaque mois depuis octobre 2010, et une autorisation de sortie du territoire signée pour son fils en juillet 2011.

4. Si M. C... a, le 2 mai 2012, sollicité l'abrogation de l'obligation de quitter le territoire français pris à son encontre le 3 octobre 2011, et le réexamen de sa situation au regard des éléments nouveaux établissant qu'il contribue à l'entretien et à l'éducation de son enfant français, SaadC..., cette demande a été une nouvelle fois rejetée par décision du 31 mai 2012. En refusant l'admission au séjour de M. C..., le préfet a ainsi commis une seconde faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat.

5. Toutefois, le 26 novembre 2013, le préfet de l'Hérault l'a mis en possession du titre de séjour sollicité, valable du 15 octobre 2012 au 14 octobre 2013, régulièrement renouvelé depuis lors. Par suite, le préfet n'a pas attendu l'injonction de la Cour pour délivrer le titre de séjour sollicité, et n'a, en conséquence, pas commis de faute à ce titre, de nature à engager la responsabilité de l'Etat.

6. Par ailleurs, M. C... soutient que, le 26 juin 2012, il a été arrêté, placé en garde à vue, et placé au centre de rétention de Sète, jusqu'au 1er juillet 2012, sur le fondement de la décision du 3 octobre 2011 l'obligeant à quitter le territoire français. En raison de l'illégalité entachant l'obligation de quitter le territoire français, le préfet a ainsi commis une troisième faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat.

7. Il résulte de ce qui précède que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier a considéré que l'Etat n'avait commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité. Il y a lieu par suite d'annuler le jugement contesté et de statuer, par la voie de l'évocation, sur les conclusions présentées devant le tribunal administratif de Montpellier par M. C....

8. D'une part, les fautes ainsi commises par l'Etat ont causé à M. C... outre les troubles dans les conditions d'existence résultant de son maintien en situation irrégulière pendant plus d'un an, un préjudice moral, qu'il y a lieu d'évaluer à la somme globale de 2 000 euros. D'autre part, si le requérant soutient n'avoir pas pu travailler durant la période en cause, il n'apporte aucun élément de nature à justifier le préjudice matériel qu'il invoque, et n'indique pas à ce titre les aides sociales auxquelles il aurait pu prétendre. Par contre, s'il établit avoir engagé des frais d'avocat au soutien de sa défense, il ressort de la facture produite que la somme de 1 200 euros n'est due à ce titre que si la demande indemnitaire est rejetée, ce qui n'est pas le cas. Par suite, cette demande doit être rejetée.

9. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à payer à M. C... en réparation du préjudice subi du fait du retard fautif dans la délivrance à ce dernier de la carte de séjour à laquelle il avait droit.

Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :

10. Considérant qu'aux termes de l'article 1231-6 du code civil : " Les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure. / Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d'aucune perte. (...) " . Aux termes de l'article 1343-2 du même code : " Les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise. ".

11. M. C... a droit, en application des dispositions précitées de l'article 1231-6 du code civil, à ces intérêts sur la somme de 2 000 euros à compter du 23 juin 2013, date de sa demande préalable, dans laquelle ces intérêts ont été demandés pour la première fois.

12. La capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'une année. En ce cas, cette demande ne prend toutefois effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière. La capitalisation des intérêts a été demandée par M. C... le 25 août 2015. Il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 25 août 2015, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... est fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 4 mai 2017.

Sur les frais liés au litige :

14. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à M. C... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 4 mai 2017 est annulé.

Article 2 : L'Etat est condamné à verser une somme de 2 000 euros à M. C.... Cette somme portera intérêt au taux légal à compter du 23 juin 2013 et capitalisation des intérêts à compter du 25 août 2015.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 2 000 euros à M. C... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. C... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C...et au ministre de l'intérieur.

Copie pour information en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 10 septembre 2018, où siégeaient :

- Mme D... Steinmetz-Schies, président-assesseur,

- M. Philippe Grimaud, premier conseiller,

- M. Allan Gautron, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 24 septembre 2018.

2

N°17MA02892


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA02892
Date de la décision : 24/09/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01-04-03-02 Marchés et contrats administratifs. Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage. Responsabilité décennale. Désordres de nature à engager la responsabilité décennale des constructeurs. Ont ce caractère.


Composition du Tribunal
Président : Mme STEINMETZ-SCHIES
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre STEINMETZ-SCHIES
Rapporteur public ?: M. THIELÉ
Avocat(s) : CABINET MAZAS - ETCHEVERRIGARAY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-09-24;17ma02892 ?
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