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14/09/2018 | FRANCE | N°17MA00334

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre - formation à 3, 14 septembre 2018, 17MA00334


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le groupement d'intérêt économique (GIE) Puech Mary II a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 18 mars 2015 par lequel le maire de la commune de Carcassonne a délivré à la société Rocadest un permis de construire.

Par un jugement n° 1504651 du 25 novembre 2016, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 24 janvier 2017 et un mémoire, enregistré le 14 mars 2017, le GIE

Puech Mary II, représenté par la SELARL Concorde Avocats, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce j...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le groupement d'intérêt économique (GIE) Puech Mary II a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 18 mars 2015 par lequel le maire de la commune de Carcassonne a délivré à la société Rocadest un permis de construire.

Par un jugement n° 1504651 du 25 novembre 2016, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 24 janvier 2017 et un mémoire, enregistré le 14 mars 2017, le GIE Puech Mary II, représenté par la SELARL Concorde Avocats, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 25 novembre 2016 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 18 mars 2015 par lequel le maire de la commune de Carcassonne a délivré à la société Rocadest un permis de construire et la décision du maire de la commune du 18 juin 2015 rejetant son recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Carcassonne la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué, qui ne répond pas aux exigences de l'article R. 741-7 du code de justice administrative est irrégulier ;

- en jugeant qu'il était dépourvu d'intérêt à agir, les premiers juges ont porté une appréciation erronée ;

- l'étude d'impact est insuffisante en méconnaissance de l'article R. 122-5 du code de l'environnement en ce qu'elle atténue délibérément les impacts négatifs du projet en minorant le bouleversement total de la topographie du site et les terrassements, qu'elle indique que le terrain d'assiette est desservi par les réseaux secs et l'entrée de ville du côté de la route départementale (RD) n° 6113 n'a fait l'objet d'aucune analyse privant ainsi le public d'une information ;

- l'enquête publique prévue par l'article R. 123-9 du code de l'environnement est irrégulière en ce qu'elle s'est tenue pendant les vacances de fin d'année privant ainsi le public de la possibilité de s'exprimer sur le projet ;

- l'arrêté attaqué méconnaît l'article R. 423-53 du code de l'urbanisme en ce que le projet prévoit deux accès sur des routes départementales et le conseil général de l'Aude en sa qualité de gestionnaire de la voirie n'a été consulté que sur l'accès Sud ;

- il méconnaît l'article R. 431-24 du code de l'urbanisme en ce que le projet constitue un lotissement et aurait dû être préalablement autorisé par un permis d'aménager ;

- il méconnaît l'article III NA 3 du règlement du plan d'occupation des sols en ce que, d'une part, le carrefour giratoire sur la RD n° 303 permettant l'accès au projet ne pourra pas être réalisé dès lors qu'il doit être financé par la SAS Rocadest en tant qu'équipement public exceptionnel au sens de l'article L. 332-8 du code de l'urbanisme alors qu'il constitue un équipement public à la charge du conseil général qui ne l'a pas autorisé et, d'autre part, que le carrefour giratoire sur la RD n° 6113 permettant un second accès au projet doit être financé par la SAS Rocadest en tant qu'équipement propre au sens de l'article L. 332-15 du même code alors qu'il est ouvert à la circulation générale et ne peut être mis à la charge du constructeur ;

- l'arrêté attaqué méconnaît l'article NC2 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune qui n'autorise pas la réalisation de bassin de rétention ;

- il méconnaît l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme en ce que le projet est visible du site classé des abords de la cité de Carcassonne et du site inscrit de la cité et de son cadre, classé au patrimoine mondial de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la Culture à proximité duquel il se situe et a fait l'objet d'un avis défavorable de la direction régionale de l'architecture et du patrimoine ;

- les accès prévus sont différents de ceux autorisés par la commission nationale d'aménagement commercial ;

- les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ont été méconnues ;

- la réalisation des aménagements prévus et leur financement ne sont pas garantis.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 avril 2017, la commune de Carcassonne, représentée par le cabinet d'avocats Richer et associés Droit public, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge du GIE Puech Mary II une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens tirés de l'irrégularité du jugement attaqué ne sont pas fondés ;

- les autres moyens soulevés par le GIE Puech Mary II ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juin 2017, la SAS Rocadest, représentée par la SCP d'avocatsA..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge du GIE Puech Mary II une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens tirés de l'irrégularité du jugement attaqué ne sont pas fondés ;

- les autres moyens soulevés par le GIE Puech Mary II ne sont pas fondés.

Postérieurement à l'audience du 26 juin 2018 et, avant radiation de cette affaire du rôle de cette audience, deux notes en délibéré, présentées pour le GIE Puech Mary II ont été enregistrées le 27 juin 2018 et le 28 juin 2018 et une note en délibéré présentée pour la société Rocadest a été enregistrée le 28 juin 2018.

Par lettre du 5 juillet 2018, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'incompétence du tribunal administratif, en premier ressort, pour connaître d'un litige relatif à un permis de construire tenant lieu d'autorisation d'exploitation commerciale en vertu de l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme.

Par un mémoire, enregistré le 17 juillet 2018, le GIE Puech Mary II a fait part de ses observations sur ce moyen d'ordre public.

Par un mémoire, enregistré le 20 juillet 2018, la SAS Rocadest a fait part de ses observations sur ce moyen d'ordre public.

Par un mémoire, enregistré le 20 juillet 2018, la commune de Carcassonne a fait part de ses observations sur ce moyen d'ordre public.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises ;

- le décret n° 2015-165 du 12 février 2015 relatif à l'aménagement commercial ;

- le code de commerce ;

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lopa Dufrénot,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant le GIE Puech Mary II, de Me C..., représentant la commune de Carcassonne et de Me A..., représentant la société Rocadest.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 18 mars 2015, le maire de la commune de Carcassonne a délivré à la SAS Rocadest un permis de construire en vue de créer trois lots à bâtir, de réhabiliter un corps de ferme existant et de réaliser un ensemble commercial d'une surface de plancher de 39 673 mètres carrés constitué d'un hypermarché à l'enseigne Auchan, une galerie commerciale, un " retail park " et un espace de restauration sur les parcelles cadastrées section DR n° 17, 318, 320, 324, 326 et 329, section DS n° 1 à 5, 7, 273, 110, 125, 128 et 130, section MR n° 13 et section MS n° 10 et 11 d'une surface totale de 209 768 mètres carrés, situées au lieu-dit " Moreau Ouest " en zones IIINAb et NC du plan d'occupation des sols de la commune. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande présentée par le GIE Puech Mary II tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 600-10 du code de l'urbanisme, introduit par la loi du 18 juin 2014 : " Les cours administratives d'appel sont compétentes pour connaître en premier et dernier ressort des litiges relatifs au permis de construire tenant lieu d'autorisation d'exploitation commerciale prévu à l'article L. 425-4. ".

3. En deuxième lieu, l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme, introduit par l'article 39 de la loi du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises dispose que : " Lorsque le projet est soumis à autorisation d'exploitation commerciale au sens de l'article L. 752-1 du code de commerce, le permis de construire tient lieu d'autorisation dès lors que la demande de permis a fait l'objet d'un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial ou, le cas échéant, de la Commission nationale d'aménagement commercial (...) ". L'article 4 du décret du 12 février 2015 relatif à l'aménagement commercial prévoit que : " IV. - Pour les demandes de permis de construire en cours d'instruction à la date d'entrée en vigueur du présent décret et relatives à des projets soumis à une autorisation d'exploitation commerciale, les autorisations d'exploitation commerciale valent avis favorables de la commission départementale d'aménagement commercial ou, le cas échéant, de la Commission nationale d'aménagement commercial. ".

4. Enfin, aux termes de l'article 60 de la loi précitée du 18 juin 2014, l'article 58 entre en vigueur " à une date fixée par décret en Conseil d'Etat et au plus tard six mois à compter de la promulgation de la présente loi ". Les dispositions du décret d'application indispensables à l'application du nouveau régime institué par la loi du 18 juin 2014 n'ayant été adoptées que le 12 février 2015, il y a lieu, pour déterminer la date d'entrée en vigueur de l'article L. 600-10 précité, de se reporter aux dispositions du décret du 12 février 2015. A cet égard, l'article 6 de ce décret prévoit explicitement que l'article 58 de la loi du 18 juin 2014 entre en vigueur le lendemain de la publication du décret au journal officiel de la République française, soit le 15 février 2015.

5. Le permis de construire contesté, dont la demande par la SAS Rocadest déposée le 25 septembre 2014, était en cours d'instruction à la date d'entrée en vigueur le 15 février 2015 des dispositions de la loi du 18 juin 2014, a été délivré par le maire de Carcassonne le 18 mars 2015 pour un projet d'ensemble commercial d'une surface supérieure à 1 000 mètres carrés nécessitant une autorisation d'exploitation commerciale. L'arrêté du 18 mars 2015 vise la décision de la commission nationale d'aménagement commercial du 11 septembre 2014 autorisant l'exploitation de l'ensemble commercial ainsi que la décision n°s 373301, 373611, 373671, 373800 du Conseil d'Etat du 23 décembre 2014 rejetant les recours dirigés contre cette autorisation. Le permis de construire tient, dès lors, lieu d'autorisation d'exploitation commerciale en vertu de l'article L. 425-4. La demande présentée par le GIE Puech Mary II tendait donc à contester l'arrêté du 18 mars 2015 délivrant ce permis de construire tenant lieu d'autorisation d'exploitation commerciale. Ce litige relève ainsi, en application de l'article L. 600-10 du code de l'urbanisme, de la compétence de la cour administrative d'appel, statuant en premier et dernier ressort. En conséquence, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier, qui n'était pas compétent pour ce faire, s'est prononcé sur la demande du GIE Puech Mary II. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens d'irrégularité invoqués, ce jugement du 25 novembre 2016 du tribunal administratif de Montpellier est entaché d'irrégularité et doit être annulé.

6. Il y a lieu pour la Cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par le GIE Puech Mary II.

Sur la légalité de l'arrêté attaqué :

En ce qui concerne la légalité externe de l'arrêté :

S'agissant de l'étude d'impact :

7.L'article R. 122-5 du code de l'environnement définit le contenu de l'étude d'impact, qui est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et à la nature des travaux, ouvrages et aménagements projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative. Le 5° de l'article R. 122-5 précise que l'étude d'impact doit comporter une " esquisse des principales solutions de substitution examinées par le pétitionnaire ou le maître d'ouvrage et les raisons pour lesquelles, eu égard aux effets sur l'environnement ou la santé humaine, le projet présenté a été retenu ".

8. Le GIE soutient que l'étude d'impact est insuffisante au regard des impacts paysagers du projet, sur la faune et la flore, inexacte sur la desserte et qu'elle ne comporte pas d'étude de solutions de substitution.

9. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que tant l'étude d'impact que le résumé non technique de cette étude, pièces annexées à la demande de permis, après avoir exposé l'état initial et son environnement, lieux d'aspect vallonné et accusant une forte déclivité, décrivent de façon précise, les différents effets du projet sur la topographie du site, en exposant qu'en vue d'une remodélisation de ce site, par la création de plateformes de parkings et de bâtiments de différentes altitudes, sont envisagés de forts déblais et remblais à l'équilibre rendant ainsi l'impact faible. Dès lors que le GIE Puech Mary II ne précise pas en quoi l'impact sur la topographie du site serait délibérément atténué, le moyen doit être écarté.

10. En deuxième lieu, si le GIE Puech Mary II affirme que l'étude d'impact mentionne inexactement que le site est desservi par des réseaux secs, il ressort des pièces annexées à la demande, la réalisation d'aménagements en vue d'assurer l'éclairage et les télécommunications. Ainsi, le requérant ne démontre pas que l'inexactitude de l'étude sur ce point aurait eu pour effet de nuire à l'information complète de la population ou été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

11. En troisième lieu, il ressort de l'étude d'impact que ses auteurs ont précisé que " l'étude d'entrée de ville en cours permettra de déterminer les aménagements et les traitements paysagers qui feront l'objet de demandes d'autorisation de construire ultérieures sur les lots en cause ". Si le GIE requérant soutient que l'étude d'impact comporte une lacune en l'absence d'analyse de l'impact visuel sur l'entrée de ville en l'état des aménagements connus, cette étude présente, comme il a été dit au point 11, l'état initial du site, et notamment comporte les axes de visibilité cartographiés. Le requérant n'énonce pas les éléments dont l'absence d'analyse aurait pu nuire à l'information complète de la population ou être de nature à exercer une influence sur l'appréciation portée par l'autorité administrative sur le projet de construction. La recommandation du préfet de la région Languedoc-Roussillon, dans son avis du 9 octobre 2014, de compléter le dossier sur l'impact paysager global du projet à la suite des conclusions de l'étude d'entrée de ville élaborée par les services de la commune de Carcassonne, en cours à la date du dépôt de la demande de permis de construire, n'est pas de nature, à elle seule, à démontrer l'insuffisance de l'étude d'impact sur ce point.

12. En quatrième lieu, contrairement aux allégations du GIE Puech Mary II, ainsi que le relève le préfet de la région Languedoc-Roussillon en sa qualité d'autorité environnementale, consulté au cours de l'instruction de la demande de permis, dans son avis du 9 octobre 2014, le projet n'est pas situé dans le champ de visibilité de monuments classés ou inscrits au titre des monuments historiques. L'étude d'impact fait toutefois référence à la forteresse de la Cité de Carcassonne afin d'exposer les choix architecturaux des restaurants envisagés dans le cadre du projet contesté.

13. En cinquième lieu, il n'est pas contesté que le site du projet se compose de terrains vagues et de friches ne présentant pas de caractéristiques naturelles ou remarquables particulières. Les auteurs de l'étude d'impact présentent les effets directs et permanents du projet sur la présence " attendue " de Lézards ocellés compte tenu de la destruction de l'habitat naturel de cette espèce, voire des individus. Contrairement à ce qu'affirme le requérant, l'étude expose, d'une part, les mesures d'atténuation très détaillées devant être adoptées consistant à favoriser la végétation au sein du projet et la biodiversité en bordure de celui-ci par l'implantation de haies, à assurer le respect d'un calendrier d'intervention des travaux lourds afin d'éviter les périodes de reproduction des reptiles et à limiter l'éclairage nocturne. D'autre part, en dépit des mesures de modification du tracé de l'accès sud afin de prendre en compte les enjeux naturels et les mesures compensatoires telles que la préservation ou la restauration des habitats et la création de gîtes pour le Lézard ocellé dans quelques secteurs précisés, sont pris en compte également les impacts résiduels significatifs subsistants par le dépôt d'une demande de dérogation en vue de la destruction d'espèces protégées en cours. Enfin, le requérant n'apporte aucun élément sur la présence alléguée de l'espèce protégée Sphinx de l'Epilobe et du Chardon Béni qui serait inscrit sur la liste rouge LN2, dont l'analyse des impacts du projet sur ces espèces serait omise dans l'étude d'impact, ni sur l'insuffisance du périmètre d'habitat de la Zygène cendrée, fixé par cette étude. Cette branche du moyen tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact ne peut qu'être écartée.

14. En dernier lieu, si le GIE Puech Mary II soutient que l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l'article R. 122-5 5° du code de l'environnement, il ne précise pas en quoi l'information complète de la population aurait pu être affectée et la décision de l'autorité administrative, faussée. En tout état de cause, l'étude d'impact présente les variantes envisagées sur l'implantation des structures de rétention des eaux pluviales et les accès au projet et expose les raisons pour lesquelles le projet présenté a été retenu. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 122-5 5° du code de l'environnement doit être écarté.

S'agissant de l'enquête publique :

15. Il est constant que l'enquête publique dont les conditions ont été fixées par arrêté du maire de Carcassonne du 5 novembre 2014, publié par voie de presse, d'insertion sur le site internet de la commune et d'affichage sur les panneaux municipaux, s'est déroulée du 8 décembre 2014 au 12 janvier 2015 inclus sur une durée de 35 jours consécutifs. La circonstance que l'enquête publique a été organisée en partie durant la période des vacances de Noël n'entache pas, par elle-même, d'irrégularité la procédure. De plus, sa durée a été supérieure à la durée minimale de trente jours, fixée par l'article L. 123-9 du code de l'environnement. En outre, elle a été précédée et accompagnée d'une large information du public par voie de presse, d'insertion sur le site internet de la commune et d'affichage sur les panneaux municipaux. Dans ces conditions, alors même que le requérant relève le faible nombre d'observations du public sur le projet, il ne démontre pas que la population concernée n'aurait pas été mise à même de s'exprimer au cours de l'enquête publique. En conséquence, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'enquête publique doit être écarté.

S'agissant de la consultation du conseil général de l'Aude :

16. Aux termes de l'article R. 423-53 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable: " Lorsque le projet aurait pour effet la création ou la modification d'un accès à une voie publique dont la gestion ne relève pas de l'autorité compétente pour délivrer le permis, celle-ci consulte l'autorité ou le service gestionnaire de cette voie, sauf lorsque le plan local d'urbanisme ou le document d'urbanisme en tenant lieu réglemente de façon particulière les conditions d'accès à ladite voie ".

17. Il ressort des pièces du dossier qu'à la demande de permis de construire, était annexée, en pièce PC10, la délibération du 25 mars 2013 par laquelle la commission permanente du conseil général de l'Aude, gestionnaire des voies, autorise le schéma d'aménagement routier consistant, d'une part, en des échanges dénivelés par passage supérieur entre la RD 6113 et la voirie de la zone Moreau et, d'autre part, en la création d'un giratoire sur la RD 303, dans le cadre de l'instruction de la demande d'autorisation d'exploitation commerciale soumise à la commission nationale d'aménagement commercial. A la suite de la transmission de la demande de permis de construction conformément aux dispositions de l'article R. 423-53 du code de l'urbanisme, le président du conseil général de l'Aude a émis, le 8 janvier 2015, un avis favorable sous réserve de prescriptions particulières relatives notamment aux accès sur la RD 6113, au demeurant, reprises par le maire dans les prescriptions particulières de l'autorisation de construire accordée. Par suite, le moyen tiré de ce que l'autorité gestionnaire des voies départementales n'aurait été consultée que pour les aménagements prévus sur la RD 6113 manque en fait.

En ce qui concerne la légalité interne de l'arrêté :

18. En premier lieu, l'article L. 442-1 du code de l'urbanisme définit le lotissement comme constituant la division en propriété ou en jouissance d'une unité foncière ou plusieurs unités foncières contiguës ayant pour objet de créer un ou plusieurs lots destinés à être bâtis. Aux termes de l'article R. 421-9 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Doivent être précédés de la délivrance d'un permis d'aménager : / a) Les lotissements : / - qui prévoient la création ou l'aménagement de voies, d'espaces ou d'équipements communs à plusieurs lots destinés à être bâtis et propres au lotissement. Les équipements pris en compte sont les équipements dont la réalisation est à la charge du lotisseur (...) ". L'article R. 442-1 du même code prévoit que : " Ne constituent pas des lotissements au sens du présent titre et ne sont soumis ni à déclaration préalable ni à permis d'aménager : (...) d) Les divisions de terrains effectuées conformément à un permis de construire prévu à l'article R. 431-24". Aux termes de l'article R. 431-24 du code de l'urbanisme : " Lorsque les travaux projetés portent sur la construction, sur une unité foncière ou sur plusieurs unités foncières contiguës, de plusieurs bâtiments dont le terrain d'assiette comprenant une ou plusieurs unités foncières contiguës, doit faire l'objet d'une division en propriété ou en jouissance avant l'achèvement de l'ensemble du projet, le dossier présenté à l'appui de la demande est complété par un plan de division et, lorsque des voies ou espaces communs sont prévus, le projet de constitution d'une association syndicale des acquéreurs à laquelle seront dévolus la propriété, la gestion et l'entretien de ces voies et espaces communs à moins que l'ensemble soit soumis au statut de la copropriété ou que le demandeur justifie de la conclusion avec la commune ou l'établissement public de coopération intercommunale compétent d'une convention prévoyant le transfert dans leur domaine de la totalité des voies et espaces communs une fois les travaux achevés. ".

19. Le GIE Puech Mary II soutient que dès lors que, d'une part, le projet vise à diviser le terrain en onze lots dont quatre d'entre eux sont des lots nus à bâtir devant faire l'objet de permis de construire distincts et, d'autre part, qu'est prévue la réalisation de voies, d'espaces et équipements communs, l'opération autorisée par le permis en cause entre dans le champ d'application des dispositions régissant le lotissement et non d'un permis de construire valant division au sens de l'article R. 431-24.

20. La demande de permis de construire, portant sur un permis valant division, a été déposée par la SAS Rocadest selon les modalités prévues à l'article R. 431-24 du code de l'urbanisme. Il ressort des pièces du dossier, tout particulièrement de la demande de permis de construire, que le projet tend à la réalisation de bâtiments et d'aménagements (voirie et bassin de rétention) sur sept lots, le lot n° 9 étant destiné à réhabiliter les bâtiments en ruine existants. Par ailleurs, les lots à bâtir n° 6, 10 et 11, situés sur des terrains longeant la RD 6113, doivent faire l'objet de demandes d'autorisation de construire en vue de l'implantation de locaux tertiaires et d'activités commerciales, desservis par la réalisation des équipements autorisés par l'arrêté contesté, demandes, toutefois, différées dans l'attente des conclusions de l'étude relative à l'entrée de ville, en cours d'élaboration par les services municipaux. A la demande d'autorisation, étaient annexés un plan de division parcellaire ainsi que, pour assurer la gestion et l'entretien de ces voies et espaces communs, le projet de constitution d'une association syndicale libre. Ainsi, un tel projet n'implique pas la division en propriété ou en jouissance de l'unité foncière en lots, immédiate mais à terme, cette division devant intervenir avant l'achèvement de l'ensemble de l'opération. Par suite, en application des dispositions précitées de l'article R. 442-1 du code de l'urbanisme, ce projet ne constitue pas un lotissement, mais, entre dans le champ d'application des dispositions précitées de l'article R. 431-24 du code de l'urbanisme. En conséquence, le moyen doit être écarté.

21. En deuxième lieu, d'une part, si le requérant conteste les qualifications d'équipement public exceptionnel et d'équipement propre retenues par l'administration aux aménagements routiers destinés à desservir le projet, il ne démontre pas que les prescriptions financières qui assortissent l'autorisation de construire contestée seraient entachées d'illégalité. D'autre part, comme il a été dit au point n° 17, le conseil général de l'Aude a émis des avis favorables aux accès directs sur les voies départementales dont il est gestionnaire, conformément aux dispositions de l'article III NA 3 du plan d'occupation des sols de la commune. En conséquence, le moyen relatif aux aménagements routiers, dans ses deux branches, ne peut qu'être écarté.

22. En troisième lieu, contrairement à ce qu'affirme le GIE requérant, il ne ressort pas des pièces du dossier de la demande de permis de construire, notamment des plans de masse paysager, répertoriés PC 2-C et PC 02b, que le projet comporterait, sur la partie du terrain d'assiette, classée en zone NC, à l'Est de l'ouvrage de franchissement de la RD 6113, l'édification d'un bassin de rétention, en méconnaissance des dispositions de l'article NC 2 du plan d'occupation des sols de la commune de Carcassonne. En revanche, ce projet vise dans la zone NC la réalisation d'une " noue " paysagère située à l'Est de l'ouvrage de franchissement au-dessus de la RD 6113. Le moyen manque donc en fait.

23. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ".

24. Il ressort des pièces versées au dossier, notamment de la demande de permis de construire que, comme il a déjà été dit, le projet comporte la réalisation d'importants aménagements routiers, dont un échangeur sur la RD 6113 et un giratoire sur la RD 303 ont été validés par le conseil général de l'Aude. Si le GIE Puech Mary fait valoir, à l'appui d'une étude établie en 2017 que ce projet entraînera une augmentation importante du trafic attendu, source d'une majoration des risques d'accident, d'embouteillages et de difficultés d'intervention des services de secours, il n'établit pas que, eu égard aux aménagements ainsi prévus destinés à assurer la fluidité de la circulation, l'autorisation délivrée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

25. En cinquième lieu, aux termes de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. ".

26. S'il est constant que le terrain d'assiette du projet est situé non loin de la Cité de Carcassonne, la construction projetée n'est toutefois pas située dans le champ de visibilité d'un immeuble classé ou inscrit au titre des monuments historiques. En outre, il ressort des pièces du dossier que le site sur lequel il est implanté, ouvert, en continuité d'une zone commerciale existante, sur des terrains en friche ne revêt pas de caractéristiques naturelles ou remarquables particulières. La pose de panneaux photovoltaïques sur la toiture des bâtiments projetés, au demeurant d'une faible inclinaison, ne suffit pas à établir qu'une atteinte serait portée aux lieux avoisinants, sites et paysages. Dès lors, eu égard à la nature du projet, sa destination et le site, l'appréciation à laquelle s'est livré le maire pour délivrer le permis de construire attaqué ne procède d'aucune erreur manifeste au regard des dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme.

27. En dernier lieu, l'article L. 600-1-4 du code de l'urbanisme issu de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 énonce que lorsqu'il est saisi par une personne mentionnée à l'article L 600-1-2 d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis de construire mentionné à l'article L. 425-4, le juge administratif ne peut être saisi de conclusions tendant à l'annulation de ce permis qu'en tant qu'il vaut autorisation de construire. Les moyens relatifs à la régularité de ce permis en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale sont irrecevables à l'appui de telles conclusions.

28. Le GIE Puech Mary II, qui relève de la catégorie de personnes mentionnée à l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme, peut invoquer des moyens relatifs à la régularité du permis en tant qu'il vaut autorisation de construire. En revanche, les moyens relatifs à la légalité du permis en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale sont irrecevables à l'appui des conclusions tendant à l'annulation de ce permis. S'il soutient, qu'eu égard au caractère substantiel des modifications apportées au projet autorisé par l'arrêté attaqué, relatives à la suppression du réseau des cheminements piétonniers aux abords des voies routières, postérieurement à l'autorisation délivrée par la commission nationale d'aménagement commercial, celle-ci aurait dû être à nouveau consultée préalablement à la délivrance du l'autorisation de construire, un tel moyen qui est relatif à la régularité du permis de construire en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale est irrecevable, en application de l'article L. 600-1-4 du code de l'urbanisme.

29. En dernier lieu, la circonstance, à la supposer établie, que la réalisation des ouvrages d'aménagement autorisés et leur financement ne seraient pas garantis, est sans incidence sur la légalité de l'autorisation de construire accordée.

30. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par la commune de Carcassonne et la SAS Rocadest, le GIE Puech Mary II n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du maire de la commune de Carcassonne du 18 mars 2015.

Sur les frais liés au litige :

31. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Carcassonne, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le GIE Puech Mary II demande au titre des frais qu'il a exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge du GIE Puech Mary II la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Carcassonne et non compris dans les dépens et la même somme au titre des mêmes frais exposés par la SAS Rocadest.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 25 novembre 2016 est annulé.

Article 2 : La requête du GIE Puech Mary II est rejetée.

Article 3 : Le GIE Puech Mary II versera à la commune de Carcassonne une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le GIE Puech Mary II versera à la SAS Rocadest une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au GIE Puech Mary II, à la commune de Carcassonne et à la SAS Rocadest.

Délibéré après l'audience du 31 août 2018, où siégeaient :

- Mme Buccafurri, présidente,

- M. Portail, président-assesseur,

- Mme Lopa Dufrénot, première conseillère.

Lu en audience publique, le 14 septembre 2018.

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N° 17MA00334


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA00334
Date de la décision : 14/09/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-06-01-02 Urbanisme et aménagement du territoire. Règles de procédure contentieuse spéciales. Introduction de l'instance. Intérêt à agir.


Composition du Tribunal
Président : Mme BUCCAFURRI
Rapporteur ?: Mme Micheline LOPA-DUFRENOT
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : CABINET RICHER et ASSOCIES DROIT PUBLIC

Origine de la décision
Date de l'import : 25/09/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-09-14;17ma00334 ?
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