Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL RP Constructions a demandé au tribunal administratif de Bastia de la décharger du montant de la contribution spéciale et de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement en tant qu'elles concernent M. B...H... et de réduire le montant de la contribution spéciale à 1 000 fois le taux horaire en application des dispositions de l'article R. 8253-1 du code du travail en ce qui concerne M. A... F....
Par un jugement n° 1500519 du 13 octobre 2016, le tribunal administratif de Bastia a rejeté la demande de la SARL RP Constructions.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 25 octobre 2016, la SARL RP Constructions, représentée par MeG..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 13 octobre 2016 du tribunal administratif de Bastia ;
2°) de la décharger du montant de la contribution spéciale et de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement en tant qu'elles concernent M. B... H... ;
3°) de réduire le montant de la contribution spéciale à 1 000 fois le taux horaire en application des dispositions de l'article R. 8253-1 du code du travail en ce qui concerne M. A... F....
Elle soutient que :
- elle n'a jamais employé M. B...H... ;
- les faits reprochés concernant M. B...H... ne sont pas établis dès lors qu'elle a bénéficié d'un jugement de relaxe le 13 mai 2015 par le tribunal correctionnel de Bastia pour les mêmes faits.
Par un mémoire en défense enregistré le 2 octobre 2017, l'office français de l'immigration et de l'intégration conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la SARL RP Constructions de la somme de 2 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
L'office fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de MmeD...,
- et les conclusions de M.C....
Considérant ce qui suit :
1. A l'issue d'un contrôle effectué le 24 avril 2014 sur le chantier d'une maison d'habitation située sur la commune de Cagnano, les services de gendarmerie ont constaté la présence en situation de travail de deux étrangers démunis de titres les autorisant à travailler en France. Par une décision du 21 avril 2015, l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à la charge de la SARL RP Constructions une contribution spéciale d'un montant de 35 100 euros et une contribution forfaitaire d'un montant de 4 248 euros. La SARL RP Constructions relève appel du jugement du 13 octobre 2016 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande d'annulation de cette décision.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France (...) ". Aux termes de l'article L. 8253-1 de ce code dans sa version applicable à la date de la décision en litige : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger sans titre de travail, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger sans titre mentionné à l'article R. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux. Il peut être majoré en cas de réitération et est alors, au plus, égal à 15 000 fois ce même taux.".
3. En premier lieu, si les faits constatés par le juge pénal et qui commandent nécessairement le dispositif d'un jugement ayant acquis force de chose jugée s'imposent à l'administration comme au juge administratif, la même autorité ne saurait s'attacher aux motifs d'un jugement de relaxe tiré de ce que les faits reprochés à l'accusé ne sont pas établis ou qu'un doute subsiste sur leur réalité. Il appartient, dans ce cas, à l'autorité administrative d'apprécier si la matérialité de ces faits est avérée et, dans l'affirmative, s'ils justifient l'application d'une sanction administrative.
4. Il résulte de l'instruction, notamment des énonciations du procès-verbal établi le 24 avril 2014 par les services de police qui font foi jusqu'à preuve du contraire, que, lors d'un contrôle d'identité réalisé sur un chantier de construction d'une maison individuelle à Cagnano, a été constatée la présence de M. B...H...et de M. A... F..., ressortissants algériens, travaillant à la fixation de plaques de Placoplatre et démunis d'autorisation de séjour sur le territoire français. Les intéressés ont indiqué travailler comme plaquistes pour le compte de M.E..., gérant de la SARL RP Constructions, à raison d'un salaire de 70 euros par jour. Alors même que M. B...H...aurait pu s'introduire sur le chantier pour y travailler à l'insu du dirigeant, ce qui au demeurant n'est pas établi, ce travailleur étranger doit être regardé comme ayant participé effectivement au chantier qui était placé sous la responsabilité et la surveillance de la société RP Constructions. Si le tribunal correctionnel de Bastia a prononcé le 13 mai 2015 la relaxe de la SARL RP Constructions des fins des poursuites engagées contre lui pour les faits d'emploi d'un salarié étranger démuni de titre de travail concernant M. B...H..., les motifs de ce jugement ne précisent pas les raisons pour lesquelles la relaxe a été prononcée. Dans ces conditions, l'autorité de la chose jugée qui s'attache à ce jugement ne fait nullement obstacle à ce que la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail puisse être légalement réclamée à la SARL RP Constructions, dès lors qu'elle a employé ce travailleur étranger démuni du titre lui permettant une activité professionnelle salariée en méconnaissance des dispositions de l'article L. 8253-1 précitées du code du travail. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à demander la décharge du montant de la contribution spéciale et de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement en tant qu'elles concernent M. B... H....
5. En second lieu, la société requérante n'apporte aucune contestation utile des motifs retenus à bon droit par les premiers juges pour écarter le moyen tiré de ce que le montant de la contribution spéciale en ce qui concerne M. A... F...aurait dû être réduit à 1 000 fois le taux horaire du minimum garanti en application des dispositions précitées de l'article R. 8253-2 du code du travail.
6. Il résulte de ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
7. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SARL RP Constructions une somme de 2 000 euros à verser à l'OFII au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er: La requête de la SARL RP Constructions est rejetée.
Article 2 : Il est mis à la charge de la SARL RP Constructions la somme de 2 000 euros à verser à l'office français de l'immigration et de l'intégration au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL RP Constructions et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
Délibéré après l'audience du 31 août 2018, où siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- M. Guidal, président assesseur,
- Mme D..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 14 septembre 2018.
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N° 16MA03956
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