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16/08/2018 | FRANCE | N°18MA03469

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, Juge des référés, 16 août 2018, 18MA03469


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 30 janvier 2018 par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône lui a retiré son titre de séjour, lui a enjoint de quitter le territoire français dans le délai de trente jours à compter de sa notification et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1801620 du 21 juin 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le

24 juillet 2018, sous le n° 18MA03469, et un mémoire, enregistré le 10 août 2018, M. B..., repr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 30 janvier 2018 par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône lui a retiré son titre de séjour, lui a enjoint de quitter le territoire français dans le délai de trente jours à compter de sa notification et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1801620 du 21 juin 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 24 juillet 2018, sous le n° 18MA03469, et un mémoire, enregistré le 10 août 2018, M. B..., représenté par Me C..., demande au juge des référés :

1°) d'ordonner la suspension de l'exécution de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 30 janvier 2018 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de la renonciation de celui-ci au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- la condition d'urgence à suspendre l'arrêté litigieux est remplie, dès lors qu'il réside en France depuis plus de quinze années ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision du préfet en ce que :

- le retrait de son titre de séjour qui lui est opposé porte une atteinte disproportionnée à son droit à sa vie privée et familiale ;

- les premiers juges ont également commis une erreur de droit et une erreur manifeste d'appréciation ;

- il réside de façon habituelle et continue en France depuis son entrée sur le territoire ;

- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 août 2018, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Par requêtes enregistrées sous les numéros 18MA03347 et 18MA03318, M. B... a demandé le sursis à exécution et l'annulation du jugement attaqué du tribunal administratif de Marseille.

Une demande d'aide juridictionnelle a été déposée auprès du tribunal de grande instance de Marseille.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

- l'accord du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné Mme Paix président, en application de l'article L. 511-2 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La séance publique a été ouverte le 14 août à 11h00 et a été levée à 11h10.

Au cours de celle-ci ont été entendus le rapport de Mme Paix, juge des référés, et les observations de MeD..., substituant Me C... pour M. B....

Considérant ce qui suit :

1. En raison de l'urgence, il y a lieu d'admettre, à titre provisoire, M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

2. M. B... ressortissant Tunisien né en 1969, demande à la Cour la suspension de l'exécution de l'arrêté 30 janvier 2018 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a retiré sa carte de résident et l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours.

3. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (...) " . Aux termes de l'article L. 522-1 du même code : " Le juge des référés statue au terme d'une procédure contradictoire écrite ou orale. / Lorsqu'il lui est demandé de prononcer les mesures visées aux articles L. 521-1 et L. 521-2 (...) il informe sans délai les parties de la date et de l'heure de l'audience publique. / Sauf renvoi à une formation collégiale, l'audience se déroule sans conclusions du rapporteur public ".

En ce qui concerne la condition d'urgence :

4. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés, saisi d'une demande de suspension d'une décision refusant la délivrance d'un titre de séjour, d'apprécier et de motiver l'urgence compte tenu de l'incidence immédiate du refus de titre de séjour sur la situation concrète de l'intéressé. La condition d'urgence est, en principe, constatée dans le cas d'un refus de renouvellement du titre de séjour, comme dans le cas d'un retrait de celui-ci. Dans les circonstances de l'espèce, et même si le préfet des Bouches-du-Rhône se prévaut de la situation irrégulière de Mme.B..., récemment entrée en France, l'exécution de la décision est susceptible de faire échec à l'insertion professionnelle du requérant, qui vit en France et y travaille depuis de très nombreuses années. Par suite, la suspension de l'exécution de la décision de retrait de titre de séjour doit être regardée comme présentant le caractère d'urgence exigé par les dispositions précitées de l'article L. 521-1 du code de justice administrative.

En ce qui concerne l'existence d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision :

5. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales prévoit que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

6. M. B... produit de très nombreuses pièces diversifiées, attestant de sa présence en France depuis 2005, et notamment des bulletins de salaire produits pour l'ensemble de la période à compter du mois de février 2005, les avis d'imposition sur le revenus et aux impôts locaux, de très nombreuses factures EDF, certificats de travail, prescriptions médicales, et documents bancaires. Il dispose d'un logement pour lequel il a signé un bail le 1er juin 2010. Il s'acquitte régulièrement de ses obligations fiscales. Si le préfet des Bouches-du-Rhône fait valoir que la décision du 2 septembre 2010 par laquelle il a été mis en possession d'un titre de séjour en qualité de " ressortissant de l'union européenne actif " sur le fondement de l'article L. 121-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été obtenue par fraude, le passeport présenté par M. B... étant un faux, cette seule circonstance ne suffit pas à dénier toute intensité à la vie privée de l'intéressé, laquelle doit être appréciée compte tenu de l'ensemble ces éléments concrets produits au dossier. Dans les circonstances de l'espèce, compte tenu de la durée de présence en France et de l'intégration professionnelle de M. B... depuis une quinzaine d'années, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision dont la suspension est demandée.

Sur les conclusions à fin de suspension de l'arrêté préfectoral en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours :

7. Par les dispositions des articles L. 512-1 et L. 512-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de la procédure contentieuse régissant la contestation de la légalité des décisions relatives au séjour assorties d'une obligation de quitter le territoire français mentionnant le pays de destination et accompagnées, le cas échéant, d'une interdiction de retour sur le territoire français. Cette procédure se caractérise, notamment, par le fait que l'arrêté ne peut pas être mis à exécution pendant le délai de départ volontaire ou, si aucun délai n'a été accordé, avant l'expiration d'un délai de quarante-huit heures suivant sa notification par voie administrative. Une demande présentée devant le tribunal administratif et tendant à l'annulation de cet arrêté a un effet suspensif jusqu'à ce qu'il ait été statué sur elle. S'il n'est pas lui-même suspensif, l'appel est enfermé dans un délai spécifique réduit à un mois par l'article R. 776-9 du code de justice administrative. Eu égard aux caractéristiques particulières de la procédure ainsi définie, une obligation de quitter le territoire français n'est justiciable de la procédure instituée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative précité ni devant le juge des référés du tribunal administratif, ni devant celui de la cour administrative d'appel. Il s'ensuit que M. B... n'est pas recevable à demander au juge des référés de la Cour, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de l'arrêté du 30 janvier 2018 en tant que, par cette décision, le préfet des Bouches-du-Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce de faire droit aux conclusions de M. B... et de son conseil tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

O R D O N N E :

Article 1er : M. B... est admis, à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Article 2 : L'exécution de la décision du 30 janvier 2018 par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a retiré à M. B... sa carte de résident est suspendue jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la requête présentée par l'intéressé devant la cour administrative d'appel de Marseille tendant à l'annulation de cette décision.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête n° 18MA03469 de M. B... est rejeté.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A... B..., à Me C... et au ministre d'État, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Fait à Marseille le 16 août 2018

N°18MA03469 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 18MA03469
Date de la décision : 16/08/2018
Type d'affaire : Administrative

Analyses

54-035-02 Procédure. Procédures instituées par la loi du 30 juin 2000. Référé suspension (art. L. 521-1 du code de justice administrative).


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Evelyne PAIX
Avocat(s) : D'ARRIGO

Origine de la décision
Date de l'import : 28/08/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-08-16;18ma03469 ?
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