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17/07/2018 | FRANCE | N°17MA04328-17MA04329

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 17 juillet 2018, 17MA04328-17MA04329


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 15 octobre 2017 par lequel le préfet de l'Isère lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai à destination de son pays d'origine et a prononcé une interdiction de retour d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 1704869 du 19 octobre 2017, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête, enregistrée sous le n° 17MA04

328, le 7 novembre 2017, M. B..., représenté par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 15 octobre 2017 par lequel le préfet de l'Isère lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai à destination de son pays d'origine et a prononcé une interdiction de retour d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 1704869 du 19 octobre 2017, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête, enregistrée sous le n° 17MA04328, le 7 novembre 2017, M. B..., représenté par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 19 octobre 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Isère du 15 octobre 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de travail dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de

1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le premier juge a rejeté à tort le moyen tiré de l'insuffisance de motivation des décisions litigieuses.

Sur l'obligation de quitter le territoire :

- il a écarté à tort le moyen tiré d'un vice de procédure dès lors qu'il a indiqué avoir demandé l'asile en Allemagne et qu'une procédure de réadmission vers ce pays devait être effectuée ;

- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :

- le tribunal a commis une erreur manifeste d'appréciation en écartant son moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il a considéré à tort qu'il représentait une menace à l'ordre public.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 janvier 2018, le préfet de l'Isère conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

II. Par une requête, enregistrée sous le n° 17MA04329, le 7 novembre 2017, M. B..., représenté par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision du 15 octobre 2017 portant obligation de quitter le territoire français sans délai à destination de son pays d'origine et prononçant une interdiction de retour d'une durée d'un an ;

2°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge du préfet de l'Isère la somme de 1 200 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la condition d'urgence est remplie ;

- il fait état de moyens sérieux faisant douter de la légalité de l'arrêté du 15 octobre 2017.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du

13 juillet 2018.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Gonzales.

1. Considérant que les requêtes susvisées n° 17MA04328 et 17MA04329, présentées par M. B..., présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt ;

2. Considérant que M. B..., de nationalité algérienne, relève appel du jugement du 19 octobre 2017 du tribunal administratif de Montpellier rejetant sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 octobre 2017 par lequel le préfet de l'Isère lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai à destination de son pays d'origine et a prononcé une interdiction de retour d'une durée d'un an ;

3. Considérant que M. B... soutient que c'est à tort que le premier juge a considéré que l'arrêté litigieux était suffisamment motivé au regard des dispositions de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration alors même qu'il ne faisait pas mention de son mariage avec une ressortissante française ; que cet arrêté, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde, précise à deux reprises, contrairement à ce que soutient M. B..., que l'intéressé a déclaré être marié et mener une vie commune avec son épouse en France sans pouvoir le démontrer ; que, dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision préfectorale doit être écarté ;

Sur l'obligation de quitter le territoire :

4. Considérant que le requérant fait valoir que l'obligation de quitter le territoire du 15 octobre 2017 dont il a fait l'objet est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'il avait formulé une demande d'asile auprès des autorités allemandes et que le préfet aurait dû prendre une décision de réadmission vers l'Allemagne en application des dispositions de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/213 du 26 juin 2013 ; que, toutefois, M. B... n'établit pas avoir informé le préfet d'une telle demande, ni fourni de pièce en démontrant l'existence, et n'allègue pas non plus avoir fait part de sa volonté de solliciter une demande d'asile en France ; qu'en l'absence d'information relative à sa demande d'asile en Allemagne, le préfet n'était pas tenu de vérifier, comme l'a relevé à juste titre le tribunal, s'il avait introduit une telle demande dans un autre Etat membre et qu'il pouvait donc prendre à son encontre une mesure d'éloignement ; qu'en tout état de cause, si le requérant produit en appel un formulaire de demande d'asile rédigé en langue allemande, il ressort des pièces du dossier que ce document est daté du 28 décembre 2015 alors même que l'intéressé soutient être entré en France en 2014 et qu'il n'apporte pas la preuve que cette demande serait pendante ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le préfet aurait entaché sa décision d'un vice de procédure ne peut qu'être écarté ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. " ; que si le requérant soutient qu'il serait soumis à de mauvais traitements dans le cas où il retournerait dans son pays d'origine, à savoir l'Algérie, il n'apporte aucun élément de nature à établir qu'il serait exposé à un risque personnel de traitement inhumain ou dégradant au sens des stipulations de l'article 3 précité ; qu'il ressort de surcroît des termes de la décision en litige que le préfet de l'Isère a procédé à un examen des risques qu'il encourait et a estimé que l'intéressé ne s'exposait pas à de tels traitements en cas de retour dans ce pays ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :

6. Considérant qu'aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français ( ...) / Lorsque l'étranger ne faisant pas l'objet d'une interdiction de retour s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire, l'autorité administrative peut prononcer une interdiction de retour pour une durée maximale de deux ans à compter de sa notification. / Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger obligé de quitter le territoire français, l'autorité administrative peut prononcer l'interdiction de retour pour une durée maximale de trois ans à compter de sa notification. / Lorsqu'un délai de départ volontaire a été accordé à l'étranger obligé de quitter le territoire français, l'autorité administrative peut prononcer l'interdiction de retour, prenant effet à l'expiration du délai, pour une durée maximale de deux ans à compter de sa notification. / Lorsque l'étranger faisant l'objet d'une interdiction de retour s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire ou alors qu'il était obligé de quitter sans délai le territoire français ou, ayant déféré à l'obligation de quitter le territoire français, y est revenu alors que l'interdiction de retour poursuit ses effets, l'autorité administrative peut prolonger cette mesure pour une durée maximale de deux ans. / L'interdiction de retour et sa durée sont décidées par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) " ;

7. Considérant qu'il ressort des termes mêmes des dispositions précitées que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a ou non déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public ;

8. Considérant que, pour contester la mesure d'interdiction de retour sur le territoire français prise à son encontre, M. B... se prévaut de son mariage avec une ressortissante française et soutient que cette mesure porte atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale ; qu'il ressort cependant des pièces du dossier que M. B... est entré en France trois ans avant la date de la décision contestée selon ses propres allégations ; qu'il s'est maintenu depuis en situation irrégulière sur le territoire ; que les pièces jointes au dossier, constituées de factures d'électricité et d'attestations diverses, ne justifient ni de la réalité et de la stabilité de sa relation avec son épouse avec laquelle il s'est mariée le 8 avril 2017 soit moins de six mois avant la date de la décision litigieuse, ni encore d'une insertion sociale et professionnelle particulière en France ; qu'il n'établit pas ni même n'allègue être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-quatre ans ; qu'ainsi, le préfet de l'Isère n'a pas méconnu le droit au respect de la vie privée et familiale de M. B..., ni entaché sa décision d'erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle ;

9. Considérant que le requérant soutient que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. B... ne justifie pas de garanties de représentation et qu'il a été interpellé par les services de police le 15 octobre 2017 pour des faits de recel de vol de moto et d'infraction à la législation sur le port d'arme ; qu'ainsi, c'est à bon droit que le premier juge a considéré que le comportement de l'intéressé représentait une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour la sécurité publique, laquelle constitue un intérêt fondamental de la société, de nature à justifier l'édiction, le 15 octobre 2017, d'un arrêté d'interdiction de retour sur le territoire français ; que le principe de la présomption d'innocence ne fait pas obstacle à ce que le préfet de l'Isère fonde la mesure d'éloignement susmentionnée sur la circonstance que le requérant représentait une menace pour l'ordre public ; que cette décision ne fait pas obstacle non plus à ce que M. B... se fasse représenter par un conseil lors de son procès au tribunal correctionnel et que, par suite, elle ne méconnaît pas son droit au procès équitable garanti par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que le présent arrêt statue sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 15 octobre 2017 du préfet de l'Isère ; que, dès lors, la requête de M. B... tendant à ce que la suspension de l'exécution de cet arrêté soit ordonnée sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative est devenue sans objet ; que, par suite, il n'y a plus lieu d'y statuer ;

Sur les frais liés au litige :

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les conclusions présentées aux fins d'injonction par M. B... doivent être rejetées par voie de conséquence et qu'il en va de même de ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête n° 17MA04328 présentée par M. B... est rejetée.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 17MA04329 tendant à la suspension de l'exécution de l'arrêté du 15 octobre 2017.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 3 juillet 2018, où siégeaient :

- M. Gonzales, président de chambre,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- MmeC..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 17 juillet 2018.

2

N° 17MA04328, 17MA04329


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA04328-17MA04329
Date de la décision : 17/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. GONZALES
Rapporteur ?: M. Serge GONZALES
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : BORGES DE DEUS CORREIA ; BORGES DE DEUS CORREIA ; BORGES DE DEUS CORREIA

Origine de la décision
Date de l'import : 21/08/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-07-17;17ma04328.17ma04329 ?
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