La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/07/2018 | FRANCE | N°16MA02710

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 17 juillet 2018, 16MA02710


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... B...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la délibération du 6 mai 2013 par laquelle le conseil d'administration de l'office public de l'habitat (OPH) " Pays d'Aix Habitat " a prononcé son licenciement pour faute grave.

Par un jugement n° 1301442, 1303479 du 27 avril 2016, le tribunal administratif de Marseille a annulé cette délibération et a enjoint à l'OPH " Pays d'Aix Habitat " de réintégrer juridiquement Mme B... et de régulariser sa situation administrative, da

ns le délai d'un mois à compter de la notification de ce jugement.

Procédure de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... B...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la délibération du 6 mai 2013 par laquelle le conseil d'administration de l'office public de l'habitat (OPH) " Pays d'Aix Habitat " a prononcé son licenciement pour faute grave.

Par un jugement n° 1301442, 1303479 du 27 avril 2016, le tribunal administratif de Marseille a annulé cette délibération et a enjoint à l'OPH " Pays d'Aix Habitat " de réintégrer juridiquement Mme B... et de régulariser sa situation administrative, dans le délai d'un mois à compter de la notification de ce jugement.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 7 juillet 2016 et le 27 juin 2018, l'OPH " Pays d'Aix Habitat ", représenté par Me C...G..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 27 avril 2016 en tant qu'il a annulé la délibération du 6 mai 2013, subsidiairement d'annuler ce jugement en tant qu'il lui a enjoint de procéder à la réintégration juridique de Mme B... ;

2°) de rejeter la demande de Mme B... devant le tribunal administratif de Marseille ;

3°) de mettre à la charge de Mme B... la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la matérialité des griefs reprochés à Mme B... est établie ;

- ces griefs étaient de nature à justifier la révocation de l'intéressée.

Par un mémoire en défense enregistré le 12 septembre 2017, Mme B..., représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'OPH " Pays d'Aix Habitat " sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par l'OPH " Pays d'Aix Habitat " ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. d'Izarn de Villefort,

- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,

- et les observations de MeD..., substituant Me C...G..., représentant l'office public de l'habitat " Pays d'Aix Habitat ".

1. Considérant que Mme B..., alors administratrice territoriale hors classe placée en position de détachement, a été recrutée en qualité de directeur général de l'office public de l'habitat (OPH) " Pays d'Aix Habitat " par un contrat prenant effet au 1er mars 2009 ; qu'après son admission à la retraite, elle a été reconduite dans ses fonctions par un contrat à durée indéterminée le 18 juillet 2013 ; que l'OPH " Pays d'Aix Habitat " relève appel du jugement du tribunal administratif de Marseille du 27 avril 2016 en tant qu'il a annulé la délibération du 6 mai 2013 par laquelle son conseil d'administration a prononcé le licenciement de Mme B... pour faute grave ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-20-4 du code de la construction et de l'habitation : " I. Le licenciement du directeur général est prononcé par le conseil d'administration sur proposition écrite et motivée du président. (...) / II. Préalablement à la saisine du conseil d'administration, le président communique par écrit à l'intéressé sa proposition de licenciement et l'informe de son droit à obtenir la communication de son dossier individuel, à présenter ses observations et à être assisté d'un défenseur de son choix. " ;

3. Considérant qu'il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, à compter du mois de juillet 2012, Mme B... a entreposé un nombre important d'affaires personnelles dans l'un des garages situés au sous-sol de l'immeuble où elle résidait en location, dont l'OPH " Pays d'Aix Habitat " assurait la gestion ; qu'elle n'a conclu à ce titre aucun contrat de bail, ni aucune autre convention au regard notamment des exigences posées par l'article L. 423-11 du code de la construction et de l'habitation ; qu'elle s'était procuré les clefs de ce local grâce à ses fonctions de directrice générale de l'office ; qu'elle n'a demandé la régularisation de cette occupation que le 27 mars 2013 après l'engagement de la procédure de licenciement ;

5. Considérant que Mme B... a fait procéder dans son intérêt à des travaux destinés à abriter du vent la terrasse de son appartement, après avoir recouru aux services de l'office pour élaborer le projet et accomplir les formalités prévues par les règles d'urbanisme au nom de l'OPH " Pays d'Aix Habitat " ; que l'autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires lui a été donnée en son nom personnel ; que ces travaux, dont le montant est de 12 700 euros et qui n'ont fait l'objet que d'un bon de travaux d'un montant de 693 euros, ont été commandés dans des conditions juridiques irrégulières et n'ont pas donné lieu au paiement de l'entrepreneur en l'absence de réception ; que leur exécution défectueuse a rendu les aménagement effectués dangereux, le tribunal d'instance de Salon-de-Provence ayant en outre ultérieurement condamné Mme B... à verser à l'office la somme de 5 392,24 euros correspondant aux frais de dépose de ces travaux effectués sans autorisation préalable ;

6. Considérant qu'il est constant que Mme B... a bénéficié à sa demande, en août 2012 et en octobre 2012, de deux versements sur les fonds de l'office des sommes, respectivement, de 4 000 euros et de 3 000 euros en vue de subvenir, selon ses déclarations, aux dépenses de santé de sa fille ; qu'elle a remboursé ces sommes par la voie d'une retenue mensuelle sur son salaire de 400 euros portée à 700 euros à partir du mois d'octobre 2012 ; que l'attribution de cet avantage ne repose que sur une note datée du 4 octobre 2012, dont l'auteur n'est pas identifié et n'est justifiée par aucune disposition légale ou règlementaire ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme B... a persisté à consulter un même avocat, dont les honoraires cumulés au titre de l'année 2012 s'élevaient à 133 830 euros en novembre 2012 alors qu'aucune procédure de mise en concurrence pour passer un marché de prestation de services juridiques n'avait été mise en oeuvre et que, bien qu'alertée sur ce point dès le mois de juin 2012, elle n'avait engagé aucune action pour remédier à cette irrégularité ; que, par ailleurs, les appels hors forfaits passés depuis l'étranger, sur le téléphone mobile mis à sa disposition par son employeur, qui avaient entraîné pour celui-ci un surcoût de 509 euros au cours de la période de mars/avril 2012, ont représenté une dépense supplémentaire de 743 euros s'agissant de la période de décembre/janvier 2013 ; que Mme B... ne démontre ni qu'elle était tenue de conserver un contact aussi étroit avec le service au cours de ses congés à l'étranger, ni qu'elle se trouvait dans l'impossibilité d'utiliser un mode de communication plus économique ;

8. Considérant que les faits reprochés à Mme B..., qui révèlent des manquements au devoir de probité de l'intéressée ou des négligences répétitives, constituent à eux seuls des fautes de nature à justifier une sanction ; qu'eu égard à la nature des fonctions de l'intéressée, la sanction du licenciement n'est pas disproportionnée par rapport aux fautes commises ; qu'il résulte de l'instruction que le conseil d'administration de l'OPH " Pays d'Aix Habitat " aurait pris la même délibération s'il s'était fondé seulement sur ces griefs ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé, pour annuler la délibération du 6 mai 2013 par laquelle le conseil d'administration de l'OPH " Pays d'Aix Habitat " a prononcé le licenciement de Mme B... pour faute grave sur le motif tiré de ce que cette délibération reposait sur certains faits dont la matérialité n'était pas établie et était entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

10. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B... devant le tribunal administratif de Marseille et devant la Cour ;

Sur la légalité externe :

11. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par lettre du 22 mars 2013 remise à l'intéressée par exploit d'huissier, le président de l'OPH " Pays d'Aix Habitat " a informé Mme B... qu'il saisissait le conseil d'administration afin que son licenciement soit prononcé, l'a convoquée pour le 15 avril suivant à un entretien préalable de licenciement, lui a indiqué les motifs détaillés de ce licenciement et lui a fait part de ce qu'elle pouvait obtenir la communication de son dossier et présenter des observations, avec l'assistance d'un défenseur de son choix ; que, par lettre du 17 avril 2013 également remise par exploit d'huissier, il a convoqué pour le 26 avril suivant Mme B... à un nouvel entretien préalable de licenciement et lui a rappelé qu'elle pouvait obtenir la communication de son dossier et présenter des observations, avec l'assistance d'un défenseur de son choix ; que les circonstances dans lesquelles l'entretien prévu le 15 avril 2013 n'a pu avoir lieu sont sans incidence sur la légalité de la délibération contestée ; que le dossier a été adressé à sa demande à l'avocat désigné par Mme B..., ainsi qu'à cette dernière, laquelle n'en a pas pris connaissance faute d'avoir retiré le pli qui avait été mis en instance en son absence ; que si elle soutient que cet envoi était incomplet, elle pouvait consulter son dossier au siège de l'administration avec l'assistance de son défenseur ; qu'ayant été suspendue de ses fonctions, elle ne justifiait d'aucun droit à accéder à sa messagerie professionnelle ; que Mme B... a présenté des observations orales au cours de l'entretien du 26 avril 2013 ; que ces observations ont été consignées sur un procès-verbal établi par l'un des huissiers y ayant assisté ; que l'avocat de Mme B... a en outre adressé des observations écrites par télécopie dans la soirée du 2 mai 2013, dernier jour du délai qui lui avait été indiqué au cours de l'entretien ; que si l'intimée se plaint de ce délai qui serait insuffisant, elle ne conteste pas que son défenseur, qui disposait de la copie de son dossier qui lui avait été envoyé par pli exprès dès réception de sa demande du 8 avril 2013 et était en mesure de venir le consulter sur place, pouvait dès ce moment présenter utilement des observations ; qu'en tout état de cause, il résulte du procès-verbal de la séance du conseil d'administration du 7 mai 2013 que ces ultimes observations ont été lues au cours de cette séance ; que, dans ces conditions, elle n'est pas fondée à soutenir que les droits de la défense organisés par les dispositions précitées du II de l'article R. 421-20-4 du code de la construction et de l'habitation ont été méconnus ;

12. Considérant qu'il ne résulte d'aucune disposition du code de la construction et de l'habitation, ni d'aucun autre texte, ni du principe du parallélisme des formes et compétences que le conseil d'administration d'un office public de l'habitat serait tenu d'obtenir l'autorisation du bureau avant de prononcer le licenciement du directeur général ;

13. Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-13 du code de la construction et de l'habitation : " (...) L'ordre du jour des délibérations doit être porté à la connaissance des membres du conseil au moins dix jours à l'avance, sauf urgence dûment motivée. (...) " ; que l'OPH " Pays d'Aix Habitat " a produit copie des convocations datées du 19 avril 2013 adressées aux membres de son conseil d'administration pour la séance du 7 mai suivant ; que ces convocations, dont Mme B... ne conteste pas la date d'envoi, mentionnent que l'ordre du jour y est joint ; que cet ordre du jour précise que l'affaire n° 1 porte sur la situation de Mme B... au sein de l'office ; que ces mentions étaient suffisamment précises ; qu'il ne résulte pas des dispositions précitées que d'autres documents, et notamment le projet de licenciement de l'intéressée, devaient être joints aux convocations envoyées aux membres du conseil d'administration ;

14. Considérant que ni l'indication erronée, dans la lettre du président de l'OPH " Pays d'Aix Habitat " notifiant la délibération du 7 mai contestée, d'un grief non retenu par le conseil d'administration pour licencier Mme B..., ni les conditions de notification de cette délibération n'entachent d'illégalité celle-ci ;

Sur la légalité interne :

15. Considérant que, ainsi qu'il a été exposé au point 8, il résulte de l'instruction que le conseil d'administration de l'OPH " Pays d'Aix Habitat ", s'il n'avait retenu que les griefs énoncés aux points 4 à 7, aurait pris la même délibération prononçant le licenciement de Mme B... ; que, par suite, les moyens tirés de ce que certains griefs seraient fondés sur des faits antérieurs à la date d'effectivité de son contrat et que d'autres seraient entachés d'inexactitude matérielle ou n'auraient pas le caractère de fautes disciplinaires sont inopérants ;

16. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le conseil d'administration de l'OPH " Pays d'Aix Habitat " aurait décidé de licencier Mme B... en raison de désaccords apparus entre celle-ci et le président de l'office au sujet de l'application d'une clause d'intéressement d'un contrat de nettoyage des locaux ou du recrutement de cadres ou encore dans l'intérêt d'un membre du conseil ; que, dès lors, le détournement de pouvoir et de procédure n'est pas établi ;

17. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'OPH " Pays d'Aix Habitat " est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé la délibération du 6 mai 2013 par laquelle son conseil d'administration a prononcé le licenciement de Mme B... pour faute grave et lui a enjoint de régulariser la situation administrative de celle-ci, dans le délai d'un mois à compter de la notification de ce jugement ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

18. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'OPH " Pays d'Aix Habitat ", qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme B... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de Mme B... la somme de 1 500 euros au titre de ces mêmes frais ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 27 avril 2016 est annulé.

Article 2 : La demande de Mme B... devant le tribunal administratif de Marseille est rejetée.

Article 3 : Mme B... versera à l'OPH " Pays d'Aix Habitat " la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de Mme B... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'office public de l'habitat " Pays d'Aix Habitat " et à Mme E...B....

Délibéré après l'audience du 3 juillet 2018, où siégeaient :

- M. Gonzales, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- Mme F..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 17 juillet 2018.

N° 16MA02710 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA02710
Date de la décision : 17/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-12-03-01 Fonctionnaires et agents publics. Agents contractuels et temporaires. Fin du contrat. Licenciement.


Composition du Tribunal
Président : M. GONZALES
Rapporteur ?: M. Philippe D'IZARN DE VILLEFORT
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : SELARL VINCENT ARNAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 21/08/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-07-17;16ma02710 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award