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16/07/2018 | FRANCE | N°18MA00678

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 16 juillet 2018, 18MA00678


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A...a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 21 juin 2017 par lequel le préfet du Gard lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1702011 du 26 septembre 2017, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 12

février 2018, Mme A..., représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A...a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 21 juin 2017 par lequel le préfet du Gard lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1702011 du 26 septembre 2017, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 12 février 2018, Mme A..., représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 21 juin 2017 du préfet du Gard ;

3°) d'enjoindre au préfet du Gard de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ou, à défaut de réexaminer sa situation, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, sur le fondement des articles L. 911-1, L. 911-2 et L. 911-3 du code de justice administrative ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision est entachée d'erreur de fait ;

- la décision est entachée d'erreur de droit car le préfet n'a pas examiné sa situation ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- cette décision porte atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant, en méconnaissance de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de destination a méconnu l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire enregistré le 25 juin 2018, le préfet du Gard conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 décembre 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné, par arrêté du 29 mars 2018, Mme Marie-Pierre Steinmetz-Schies, président assesseur, pour présider par intérim la 6ème chambre de la cour administrative d'appel de Marseille à compter du 1er avril 2018.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B... Grimaud,

- et les observations de Me C..., représentant Mme A....

1. Considérant que Mme A..., se disant ressortissante érythréenne, née le 1er janvier 1990, est entrée en France en 2015 selon ses déclarations ; que sa demande tendant à l'octroi du statut de réfugié a été rejetée le 11 octobre 2016 par l'office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) ; que cette décision a été confirmée par la cour nationale du droit d'asile (Cnda) le 15 mai 2017 ; que, par un arrêté du 21 juin 2017, le préfet du Gard l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle sera renvoyée ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

2. Considérant, en premier lieu, que le moyen d'erreur de fait soulevé par Mme A... n'est pas assorti des précisions nécessaires à ce que la Cour statue sur son bien-fondé ; qu'il ne peut dès lors qu'être écarté ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier et, en particulier, des mentions de la décision attaquée, que le préfet du Gard a procédé à l'examen particulier de la situation personnelle de Mme A... avant de décider son éloignement ; que le moyen d'erreur de droit soulevé sur ce point doit dès lors être écarté ;

4. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; qu'aux termes des dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) " ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A... est entrée en France au cours de l'année 2015 ; que la durée de son séjour en France était de deux ans et demi au plus à la date de la décision attaquée, son insertion en France apparaissant par ailleurs limitée ; que si sa soeur réside en France, celle-ci se trouve également en situation irrégulière ; que rien ne s'oppose par ailleurs à ce que son enfant, âgé de trois ans à la date de la décision attaquée, suive sa mère en cas de retour dans son pays d'origine ; qu'en outre, Mme A..., qui se dit de nationalité érythréenne mais a vécu pour l'essentiel en Ethiopie, n'établit pas être dépourvue de toute attache familiale dans l'un de ces pays, où elle a résidé jusqu'à l'âge de vingt-trois ans au moins ; que, dans ces conditions, le préfet du Gard, en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ce refus a été pris ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que cette décision aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;

6. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant susvisée : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre une obligation de quitter le territoire français, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

7. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus au point 5, le fils de Mme A... était âgé de trois ans à la date de la décision attaquée et était scolarisé en maternelle en classe de petite section ; qu'aucun obstacle ne s'oppose à ce qu'il quitte la France avec sa mère, sa scolarisation étant demeurée limitée ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré de la violation des stipulations précitées doit être écarté ;

8. Considérant, en cinquième lieu, que si Mme A... produit un certificat médical indiquant qu'elle souffre d'une affection psychiatrique, cette pièce datée de septembre 2017 fait état de consultations ayant commencé au mois de juillet 2017, de telle sorte qu'il ne permet pas d'établir l'état de santé de la requérante à la date de la décision litigieuse ; que Mme A... n'est dès lors pas fondée à soutenir que le préfet du Gard aurait, pour ce motif comme pour ceux tirés de sa situation familiale, commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa vie personnelle ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 21 juin 2017 l'obligeant à quitter le territoire français ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

10. Considérant qu'aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;

11. Considérant que Mme A... n'établit pas, par les pièces qu'elle produit, les risques de mauvais traitements qu'elle dit encourir en cas de retour en Ethiopie ou en Erythrée, et qui n'ont d'ailleurs pas été retenus par la cour nationale du droit d'asile ; qu'elle n'établit pas davantage l'existence de risques médicaux graves en cas de retour dans l'un de ces pays ; que le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit par suite être écarté ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 21 juin 2017 fixant le pays de destination de l'éloignement ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...A..., à Me C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Gard.

Délibéré après l'audience du 2 juillet 2018, où siégeaient :

- Mme Marie-Pierre Steinmetz-Schies, président,

- M. B... Grimaud, premier conseiller,

- Mme Chrystelle Schaegis, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 juillet 2018.

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N° 18MA00678


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18MA00678
Date de la décision : 16/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme STEINMETZ-SCHIES
Rapporteur ?: M. Philippe GRIMAUD
Rapporteur public ?: M. THIELÉ
Avocat(s) : BOUSTELITANE BAYA

Origine de la décision
Date de l'import : 07/08/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-07-16;18ma00678 ?
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