Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 11 octobre 2016 par lequel le préfet de l'Hérault lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et l'arrêté du même jour par lequel il a ordonné son placement en rétention administrative.
Par un jugement n° 1605132 du 17 octobre 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 21 octobre 2016, M.B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier du 17 octobre 2016 ;
2°) d'annuler les arrêtés du préfet de l'Hérault du 11 octobre 2016 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à Me C...en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier à défaut de comporter les signatures prescrites par l'article R. 741-1 du code de justice administrative ;
- le jugement attaqué est irrégulier en ce que le premier juge a statué ultra petita en écartant le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui n'était pas soulevé ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- cette décision est entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation ;
- la décision fixant le pays de destination méconnaît les dispositions de
l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle retient le Monténégro comme pays de renvoi, alors que sa nationalité n'est pas clairement identifiée ;
- la décision portant placement en rétention est entachée d'un vice de procédure en l'absence d'examen réel et sérieux de sa situation ;
- cette décision méconnaît les dispositions de l'article L. 554-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que l'autorité administrative n'établit pas avoir accompli les diligences nécessaires auprès des autorités consulaires afin de s'assurer de sa véritable nationalité.
Par un mémoire, enregistré le 22 juin 2018, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 décembre 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné M. Alain Barthez, président assesseur de la 2ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Bourjade-Mascarenhas a été entendu au cours de l'audience publique.
Sur la régularité du jugement attaqué :
1. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " (...) la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".
2. Il ressort des pièces du dossier de première instance que la minute du jugement est, conformément aux exigences des dispositions de l'article R. 741-7 précité, revêtue des signatures du magistrat désigné par le président du tribunal et du greffier d'audience. La circonstance que ces signatures ne figurent pas sur la copie du jugement notifiée aux parties est sans incidence sur sa régularité.
3. M. B...soulevait en première instance la méconnaissance des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à l'exception de celles de son dernier alinéa qui reprend les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le magistrat désigné a écarté, en estimant que M. B...n'invoquait aucun risque personnel en cas de retour au Monténégro, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations qui n'était pas soulevé. Toutefois, cette circonstance est sans incidence sur la régularité du jugement.
Sur le bien fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
4. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
5. Si M. B...se prévaut de sa relation amoureuse avec une ressortissante française, il a indiqué lors de son audition par les services de police, le 11 octobre 2016, dans le cadre de l'enquête de vérification de son droit au séjour, que cette relation était terminée, qu'il était célibataire et sans enfant et était hébergé par sa tante. Par ailleurs, les pièces du dossier ne permettent pas d'établir le caractère habituel de la présence en France de l'intéressé depuis le mois de juin 2006, notamment au cours des années 2006 à 2008. En outre, il n'est pas établi que le requérant serait la seule personne susceptible d'apporter à sa tante une assistance dans la vie quotidienne. Eu égard à ces circonstances, et en l'absence d'intégration sociale et professionnelle, M. B...ne justifie pas avoir transféré le centre de sa vie privée et familiale en France. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Hérault, en lui faisant obligation de quitter le territoire français, aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales par rapport aux buts en vue desquels cette décision a été prise. Pour les mêmes raisons, le préfet de l'Hérault n'a pas davantage commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
6. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné :/ 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ;/ 2° Ou, en application d'un accord ou arrangement de réadmission communautaire ou bilatéral, à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ;/ 3° Ou, avec son accord, à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible.(...) ".
7. Il ressort du certificat de nationalité daté du 10 avril 2014, dont les mentions ne sont pas utilement contredites, que le requérant est de nationalité monténégrine. Par ailleurs, celui-ci ne produit aucun élément de nature à établir la réalité de son allégation selon laquelle il serait bosniaque. La circonstance, à la supposer établie, qu'il ne dispose pas de document de voyage en cours de validité pour être légalement admissible en République du Monténégro, dont il est ressortissant, est par elle-même sans incidence sur la légalité de la décision contestée. Ainsi, le préfet de l'Hérault n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en fixant le Monténégro comme pays de destination.
En ce qui concerne la décision de placement en rétention administrative :
8. Aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version alors en vigueur : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : (...) / 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé (...) ". Aux termes de l'article L. 561-2 du même code : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation (...) ". Aux termes de l'article L. 554-1 du même code : " Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration doit exercer toute diligence à cet effet ".
9. La décision contestée énonce les considérations de droit qui la fondent, fait état de la nationalité monténégrine de M. B...et précise qu'il ne dispose d'aucun document de voyage et n'offre pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir tout risque de fuite. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Hérault n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de l'intéressé avant son placement en rétention administrative.
10. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du courrier du 11 octobre 2016 adressé à l'ambassade du Monténégro, que le préfet de l'Hérault a sollicité des autorités monténégrines la délivrance d'un laissez-passer sur la foi du certificat de naissance produit par l'intéressé à l'appui de sa demande de titre de séjour. Il suit de là que le préfet établit ainsi avoir entamé les diligences visant à s'assurer de la nationalité de l'intéressé et à permettre une exécution d'office de l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du
10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B..., à Me C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 28 juin 2018 où siégeaient :
- M. Barthez, président-assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Bourjade-Mascarenhas, première conseillère,
- MmeD..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 12 juillet 2018.
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N° 16MA03925