Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... C...a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de l'Education nationale lui a refusé le bénéfice de la protection fonctionnelle.
Par une ordonnance du 28 décembre 2016, le président du tribunal administratif de Nîmes a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 10 mai 2017, Mme C..., représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du président du tribunal administratif de Nîmes du 28 décembre 2016 ;
2°) d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de l'Education nationale lui a refusé le bénéfice de la protection fonctionnelle ;
3°) d'enjoindre à l'Etat de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que le premier juge s'est mépris sur les circonstances ayant donné lieu, par décision du 9 octobre 2015, au bénéfice de la protection fonctionnelle, celles-ci étant étrangères aux faits pour lesquels elle a saisi le tribunal à fin d'annulation de la décision lui refusant le bénéfice de la protection.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 octobre 2017, le ministre de l'Education nationale conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la demande de première instance était tardive ;
- les autres moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
La demande d'aide juridictionnelle de Mme C... a été rejetée par une décision du 24 avril 2017.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lopa Dufrénot,
- et les conclusions de M. Roux, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par l'ordonnance attaquée du 28 décembre 2016, le président du tribunal administratif de Nîmes a, sur le fondement de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur la demande présentée par Mme C... au motif que celle-ci ayant bénéficié de la protection fonctionnelle, le 9 octobre 2015, les conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet contestée avaient ainsi perdu leur objet en cours d'instance.
2. Or, il ressort des pièces du dossier que Mme C... a demandé la protection fonctionnelle prévue à l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 en raison de propos qu'elle qualifie d'injurieux et diffamatoires, tenus, le 18 juin 2014, par le maire de la commune de Beaucaire dans un communiqué repris par la presse locale et nationale, puis, réitérés sur les ondes radiophoniques. Ultérieurement, Mme C... a, par acte d'huissier du 21 avril 2015, été citée par le maire de la commune de Beaucaire et un adjoint au maire à comparaître devant le tribunal correctionnel de Nîmes pour répondre de faits d'outrages à l'encontre de personnes dépositaires de l'autorité publique. Par décision du 9 octobre 2015, le recteur de l'académie de Montpellier lui a accordé le bénéfice de la protection fonctionnelle au titre des seules poursuites pénales engagées à son encontre pour les faits d'outrages et non au titre des poursuites qu'elle entendait mener à l'encontre du maire de la commune. Dans ces circonstances, la demande tendant à l'annulation de la décision du ministre de l'Education nationale rejetant implicitement la demande de protection juridique de Mme C... au titre des propos formulés à son égard dans le communiqué de presse n'était pas dépourvue d'objet. Par suite, c'est à tort que le président du tribunal administratif a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur cette demande. L'ordonnance du 28 décembre 2016 est, par suite, entachée d'irrégularité et doit, dès lors, être annulée.
3. Il y a lieu pour la Cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif.
Sur l'intervention de la CGT Educ'action au soutien de la demande de Mme C... :
4. La CGT Educ'action justifie d'un intérêt suffisant à ce qu'il soit fait droit à la demande présentée par Mme C... et, ainsi, à l'annulation de la décision attaquée. Ainsi, son intervention est recevable.
Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'Education nationale :
5. D'une part, l'article R. 421-1 du code de justice administrative énonce que, sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. L'article R. 421-5 du même code précise que les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision.
6. D'autre part, aux termes de l'article 19 de la loi du 12 avril 2000, alors en vigueur, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : " Toute demande adressée à une autorité administrative fait l'objet d'un accusé de réception délivré dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Ce décret détermine les cas dans lesquels il n'est pas accusé de réception des demandes en raison de la brièveté du délai imparti à l'autorité pour répondre, ou lorsque la demande n'appelle pas d'autre réponse que le service d'une prestation ou la délivrance d'un document prévus par les lois et les règlements. (...) // Les délais de recours ne sont pas opposables à l'auteur d'une demande lorsque l'accusé de réception ne lui a pas été transmis ou ne comporte pas les indications prévues par le décret mentionné au premier alinéa (...) ". Toutefois, ces dispositions ne sont, en vertu de l'article 18 de cette même loi, pas applicables aux " relations entre les autorités administratives et leurs agents. ".
7. Il résulte des pièces du dossier que Mme C... a exercé un recours gracieux par lettre datée du 2 février 2015 contre la décision du recteur de l'académie de Montpellier du 2 décembre 2014 refusant de lui attribuer la protection fonctionnelle sollicitée. Cette décision comportait la mention des voies et délais de recours, qui ne présentait pas d'ambiguïté de nature à induire son destinataire en erreur sur les effets de l'exercice du recours. Par le silence gardé pendant deux mois, ce recours gracieux a donné lieu, à l'issue de ce délai, à une décision implicite de rejet. Le recours hiérarchique exercé par Mme C... auprès du ministre de l'Education nationale, le 2 juin 2015, n'a pu proroger à nouveau le délai de recours contentieux courant à l'encontre de la décision du recteur du 2 décembre 2014. Dès lors, la décision implicite de rejet contestée du ministre de l'Education nationale est une décision purement confirmative de la décision initiale. En conséquence, à la date d'enregistrement de la demande de Mme C... au greffe du tribunal administratif le 27 août 2015, le délai de recours contre la décision du recteur de l'académie de Montpellier du 2 décembre 2014 et de la décision implicite du ministre de l'Education nationale rejetant son recours hiérarchique était expiré. Dès lors, la demande présentée devant le tribunal administratif est irrecevable, comme tardive, et doit être rejetée.
Sur les frais liés au litige :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une quelconque somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, au titre des frais exposés par Mme C... et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : L'ordonnance du président du tribunal administratif de Nîmes du 28 décembre 2016 est annulée.
Article 2 : L'intervention de la CGT Educ'action est admise.
Article 3 : La demande de Mme C... présentée devant le tribunal administratif de Nîmes et le surplus des conclusions de la requête sont rejetés.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...C..., à la CGT Educ'action et au ministre de l'Education nationale.
Copie en sera adressée au recteur de l'Académie de Montpellier.
Délibéré après l'audience du 26 juin 2018, où siégeaient :
- Mme Buccafurri, présidente,
- M. Portail, président-assesseur,
- Mme Lopa Dufrénot, première conseillère.
Lu en audience publique, le 10 juillet 2018.
N° 17MA01903