Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... D... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer l'annulation de l'arrêté du 23 janvier 2017 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination.
Par un jugement n° 1702356 du 19 septembre 2017, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 21 décembre 2017 et le 12 juin 2018, Mme D..., représentée par Me B...demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 19 septembre 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 23 janvier 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un certificat de résidence mention " vie privée, vie familiale " sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) à titre subsidiaire d'enjoindre au préfet de l'Hérault de procéder au réexamen de sa demande dans un délai de deux mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors que le mémoire en défense ne lui a pas été communiqué ;
- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'incompétence ;
- elle est entachée d'erreur de fait eu égard au nombre d'enfant résidant sur le territoire et au nombre d'enfant demeurés en Algérie ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation eu égard à la nécessité de sa présence auprès de son mari ;
- elle a été prise en violation de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire est entachée d'incompétence ;
- elle a été prise en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 juin 2018, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens présentés par Mme D...ne sont pas fondés.
Mme D...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 20 novembre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée, relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Boyer a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que Mme D...de nationalité algérienne, relève appel du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 19 septembre 2017 rejetant sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 janvier 2017 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " (...) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-3, R. 611-5 et R. 611-6 (...) " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier de première instance que le premier mémoire en défense du préfet de l'Hérault a été enregistré auprès du greffe du tribunal administratif le 18 juillet 2007 à 12 h03, postérieurement à la clôture de l'instruction fixée, ce même jour à 12h00 ; qu'alors même que ce mémoire était accompagné de pièces jointes dont le tribunal a fait usage pour motiver sa décision de rejet, celui-ci n'a pas rouvert l'instruction pour permettre à Mme D...de répliquer à ces écritures en défense ; que la décision attaquée a été ainsi rendue au terme d'une procédure irrégulière, le principe du contradictoire n'ayant pas été respecté ; que, par suite, le jugement attaqué ne peut qu'être annulé ;
4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme D...devant le tribunal administratif de Montpellier ;
Sur le bien-fondé de l'arrêté du 23 janvier 2017 :
5. Considérant que, par un arrêté n° 2016-I-1143 du 3 novembre 2016, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de l'Hérault, le préfet de l'Hérault a délégué sa signature à M. Orthéguy, secrétaire général de la préfecture, pour signer tous actes et décisions relevant des attributions de l'Etat dans le département, à l'exception de quelques décisions au nombre desquelles ne figurent pas les décisions contestées ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire manque en fait et doit être écarté ;
6. Considérant que, pour refuser un titre de séjour à MmeD..., le préfet de l'Hérault s'est fondé notamment sur la circonstance que deux de ses filles résidaient en France et que quatre de ses enfants résidaient en Algérie, pour en déduire que son époux n'était pas isolé en France et qu'elle disposait d'attaches familiales dans son pays d'origine ; qu'à supposer même que le préfet de l'Hérault ait commis une erreur portant sur le sexe de l'un des enfants résidant en France et sur le nombre d'enfants résidant en Algérie qui serait de trois et non de quatre, il ressort des pièces du dossier que cette inexactitude matérielle a été, en tout état de cause, sans influence sur le raisonnement du préfet tel qu'il est retranscrit dans les motifs de la décision et n'a pas été, dès lors, de nature à entacher celle-ci d'illégalité ;
7. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'état de santé de l'époux, de Mme D...entré en France le 4 février 2014 et y résidant régulièrement depuis le 17 juin 2015, nécessite, en raison de la pathologie cardiovasculaire sévère dont il est atteint, la présence d'une tierce personne à ses côtés pour l'assister dans ses déplacements et dans les actes de la vie quotidienne ; que dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le préfet aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation du caractère nécessaire de sa présence aux côtés de son époux ;
8. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) Au ressortissant algérien qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme D...est entrée en France pour la dernière fois le 14 octobre 2016 ; qu'à l'exception de brefs séjours en France elle vit séparée de son époux depuis 2014, ce dernier vivant régulièrement en France en raison de son état de santé ; que si deux de ses enfants résident en France dont sa fille divorcée mère de deux enfants français, il ressort des pièces du dossier que trois de ses enfants résident en Algérie où elle-même a résidé jusqu'à l'âge de soixante-neuf ans ; qu'ainsi qu'il a été dit au point 7 elle ne démontre pas que sa présence auprès de son époux serait indispensable ; qu'ainsi, eu égard au caractère récent de son arrivée en France et à sa situation familiale, le refus de titre de séjour qui lui a été opposé n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que par suite, le moyen tiré de la méconnaissance, par cette décision, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de celles de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien doit être écarté ;
10. Considérant que pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 9, Mme D... n'est pas fondée à soutenir qu'en prenant à son encontre une obligation de quitter le territoire, le préfet de l'Hérault aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 23 janvier 2017 ; que les conclusions présentées aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées pour l'application des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent par voie de conséquence être accueillies ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 19 septembre 2017 est annulé.
Article 2 : La requête de Mme D...épouse C...est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...D...épouseC..., à Me B...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 19 juin 2018, où siégeaient :
- M. Antonetti, président,
- Mme Chevalier-Aubert, président assesseur,
- Mme Boyer, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 3 juillet 2018.
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N° 17MA04951