Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SAS Montagne Noire a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la réduction des cotisations foncières des entreprises et des taxes pour frais de chambre de commerce et d'industrie auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2012 et 2013 dans les rôles de la commune de Narbonne (Aude).
Par un jugement n° 1601989 du 4 mai 2017, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 15 juin 2017 et le 28 février 2018, la SAS Montagne Noire, représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 4 mai 2017 ;
2°) de prononcer la réduction des impositions en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'article 1518 B du code général des impôts n'est pas applicable, dès lors que l'opération réalisée en 2010 ne peut être regardée comme l'acquisition d'un établissement au sens de cet article ;
- elle peut se prévaloir de l'interprétation administrative de la loi fiscale résultant de la doctrine administrative référencée BOI-IF-CFE-20-20-20-20, n° 20, et de l'instruction administrative publiée au BOI sous la référence 6 E-12-93.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 5 décembre 2017 et le 5 avril 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la SAS Montagne Noire ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mastrantuono,
- et les conclusions de M. Ringeval, rapporteur public.
1. Considérant que la SAS Montagne Noire relève appel du jugement en date du 4 mai 2017 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la réduction des cotisations foncières des entreprises et des taxes pour frais de chambre de commerce et d'industrie auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2012 et 2013 ;
Sur le bien-fondé des impositions en litige :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 1518 B du code général des impôts : " (...) la valeur locative des immobilisations corporelles acquises à la suite (...) de cessions d'établissements réalisés à partir du 1er janvier 1976 ne peut être inférieure aux deux tiers de la valeur locative retenue l'année précédant (...) la cession (...). / Pour les opérations mentionnées au premier alinéa réalisées à compter du 1er janvier 1992, la valeur locative des immobilisations corporelles ne peut être inférieure aux quatre cinquièmes de son montant avant l'opération (...) " ; qu'aux termes de l'article 310 HA de l'annexe II au même code : " Pour l'application de la cotisation foncière des entreprises (...) l'établissement s'entend de toute installation utilisée par une entreprise en un lieu déterminé, ou d'une unité de production intégrée dans un ensemble industriel ou commercial lorsqu'elle peut faire l'objet d'une exploitation autonome " ; que pour l'application de ces dispositions, un établissement doit être regardé comme ayant fait l'objet d'une cession lorsque le même redevable a acquis l'ensemble des éléments mobiliers et immobiliers qui étaient nécessaires à l'exercice autonome de l'activité par le cédant, en vue d'y exercer avec ces moyens sa propre activité ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SCI Campagne Noire a acquis le 5 janvier 2010 les locaux de production et tranchage de spécialités charcutières où la société Delpeyrat Montagne Noire exerçait son activité ; qu'il est par ailleurs constant que la SCI Campagne Noire les a donnés en location à la SAS Montagne Noire, qui y a poursuivi l'activité de production et tranchage de spécialités charcutières, après avoir acquis, également le 5 janvier 2010, le fonds de commerce de la société Delpeyrat Montagne Noire, comprenant notamment les équipements et biens mobiliers de la société ; qu'il ne saurait être déduit des seules mentions de l'acte de cession conclu le 5 janvier 2010 entre les sociétés Delpeyrat Montagne Noire et Campagne Noire, selon lesquelles, d'une part, l'immeuble " se poursuit et comporte, avec toutes ses aisances, dépendances et immeubles par destination, servitudes et mitoyennetés, tous droits et facultés quelconques, sans exception ni réserve " et, d'autre part, le cessionnaire déclare continuer l'activité du cédant et affecter l'universalité transmise à une activité soumise à la taxe sur la valeur ajoutée, que l'acquisition aurait porté sur l'ensemble des éléments qui étaient nécessaires à l'exercice de l'activité exercée ; que, dans ces conditions, l'opération réalisée le 5 janvier 2010 ne pouvait être regardée comme la cession d'un établissement au sens des dispositions de l'article 1518 B du code général des impôts, sans qu'ait d'incidence à cet égard la circonstance que la SCI Campagne Noire et la SAS Montagne Noire sont détenues par la même personne ; que, par suite, la SAS Montagne Noire est fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a estimé que la valeur locative des immobilisations en cause devait être déterminée en faisant application des dispositions de l'article 1518 B du code général des impôts ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que la SAS Montagne Noire est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande et que la base imposable à la cotisation foncière des entreprises doit être liquidée en tenant compte d'un valeur locative déterminée sans faire application de l'article 1518 B du code général des impôts ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
5. Considérant, que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la SAS Montagne Noire et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 4 mai 2017 est annulé.
Article 2 : La base imposable à la cotisation foncière des entreprises de la SAS Montagne Noire est réduite, au titre des années 2012 et 2013, des montants résultant de l'application de l'article 1518 B du code général des impôts à la valeur locative des immobilisations corporelles.
Article 3 : La SAS Montagne Noire est déchargée au titre des années 2012 et 2013 des cotisations foncières des entreprises et des taxes pour frais de chambre de commerce et d'industrie correspondant aux réductions des bases d'imposition définies à l'article 2 ci-dessus.
Article 4 : L'Etat versera à la SAS Montagne Noire une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la SAS Montagne Noire est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Montagne Noire et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.
Délibéré après l'audience du 19 juin 2018, où siégeaient :
- M. Antonetti, président,
- Mme Chevalier-Aubert, président assesseur,
- Mme Mastrantuono, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 3 juillet 2018.
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N° 17MA02473
nc