Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifié (SAS) Cocos Deal, venant aux droits de la SAS Newcoco, a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer, à titre principal, la décharge, à titre subsidiaire, la réduction, des rappels de taxe sur les salaires auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013.
Par un jugement n° 1602006 du 3 avril 2017, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 2 juin 2017, la SAS Cocos Deal, représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 3 avril 2017 ;
2°) d'annuler la décision du directeur de la direction générale des finances publiques du 29 février 2016 rejetant partiellement sa réclamation ;
3°) de prononcer à titre principal, la décharge, à titre subsidiaire, la réduction, des rappels de taxe sur les salaires auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013 ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l'Etat aux entiers dépens.
Elle soutient que :
- les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen tiré de ce qu'une partie seulement de la rémunération devait être incluse dans l'assiette de l'imposition ;
- au titre de l'année 2012, l'ensemble des sommes versées au président de la SAS Newcoco, qui n'avait pas la qualité de salarié devait être exclu de l'assiette de la taxe en application de la doctrine BOI-TPS-TS-10-10 n° 20 et suivants ;
- il en est de même au titre de l'année 2013 en application de l'article 231 du code général des impôts alors applicable ;
- à titre subsidiaire, le coefficient d'assujettissement de la taxe sur les salaires est nul, dès lors que la perception de dividendes ouvre droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ;
- l'assiette des rémunérations doit être limitée à la rémunération des fonctions de direction et de représentation de son président.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 décembre 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la SAS Cocos Deal ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de la sécurité sociale ;
- la loi n° 2000-1352 du 30 décembre 2000 de finances pour 2001 ;
- la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Chevalier-Aubert,
- et les conclusions de M. Ringeval, rapporteur public.
1. Considérant que la SAS Cocos Deal venant aux droits de la société Newcoco relève appel du jugement du tribunal administratif de Montpellier, en date du 3 avril 2017 qui a rejeté sa demande tendant à ce que le tribunal prononce la décharge, à titre principal et à titre subsidiaire, la réduction, des rappels de taxe sur les salaires auxquels la société Newcoco, holding mixte, a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013, sur les rémunérations de son président, M. A... ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant qu'il ressort de l'examen du jugement attaqué que le tribunal s'est prononcé sur le moyen tiré de ce qu'une partie seulement de la rémunération devait être incluse dans l'assiette de l'imposition ; qu'ainsi, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'une omission à statuer sur ce point ;
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du directeur de la direction générale des finances publiques du 29 février 2016 :
3. Considérant que le tribunal administratif de Montpellier a estimé irrecevables les conclusions à fin d'annulation de la décision du 29 février 2016 par laquelle le directeur de la direction générale des finances publiques a rejeté sa réclamation ; que devant la Cour, qui ne peut s'en saisir d'office, la requérante n'a pas contesté l'irrecevabilité ainsi opposée par les premiers juges ; que, par suite et en tout état de cause, ses conclusions d'appel reprenant celles formées en première instance ne sont, dès lors, pas susceptibles d'être accueillies ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 231 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année 2012 : " 1. Les sommes payées à titre de rémunérations sont soumises à une taxe sur les salaires égale à 4,25 % de leur montant, évalué selon les règles prévues aux chapitres Ier et II du titre IV du livre II du code de la sécurité sociale (...), et à la charge des personnes ou organismes (...) qui paient ces rémunérations lorsqu'ils ne sont pas assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ou ne l'ont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d'affaires au titre de l'année civile précédant celle du paiement desdites rémunérations. (...) " ; qu'aux termes de ce même article, dans sa rédaction applicable à l'année 2013 : " 1. Les sommes payées à titre de rémunérations aux salariés, à l'exception de celles correspondant aux prestations de sécurité sociale versées par l'entremise de l'employeur, sont soumises à une taxe égale à 4,25 % de leur montant évalué selon les règles prévues à l'article L. 136-2 du code de la sécurité sociale, sans qu'il soit toutefois fait application du deuxième alinéa du I du même article (...) " ; que l'article L. 136-2 du code de la sécurité sociale dispose : " I. - La contribution est assise sur le montant brut des traitements, indemnités, émoluments, salaires, allocations, pensions y compris les majorations et bonifications pour enfants, des rentes viagères autres que celles visées au 6 de l'article 158 du code général des impôts et des revenus tirés des activités exercées par les personnes mentionnées aux articles L. 311-2 et L. 311-3. (...) " ;
5. Considérant qu'il résulte des travaux parlementaires de l'article 10 de la loi du 30 décembre 2000 de finances pour 2001 et de l'article 13 de la loi du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013, dont sont respectivement issues les dispositions rappelées ci-dessus de l'article 231 du code général des impôts, qu'en alignant l'assiette de la taxe sur les salaires sur celle des cotisations de sécurité sociale puis sur celle de la contribution sociale généralisée, le législateur a entendu y inclure les rémunérations des dirigeants de sociétés visés à l'article L. 311-3 du code de la sécurité sociale et notamment celles des présidents et dirigeants des sociétés par actions simplifiées ; que par suite, le dirigeant de la société NewCoco était au nombre des personnes dont les rémunérations sont soumises à la taxe sur les salaires en vertu de l'article 231 du code général des impôts ; que la doctrine BOI-TPS-TS-10-10 n° 20 et suivants citées par la requérante en ce qui concerne la taxe sur les salaires de l'année 2012 ne fait pas de la loi fiscale une interprétation différente de celle qui est faite par le présent arrêt ;
6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 231 du code général des impôts applicable aux années 2012 et 2013 : " L'assiette de la taxe due par ces personnes ou organismes est constituée par une partie des rémunérations versées, déterminée en appliquant à l'ensemble de ces rémunérations le rapport existant, au titre de cette même année, entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total. Le chiffre d'affaires qui n'a pas été assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée en totalité ou sur 90 p. 100 au moins de son montant, ainsi que le chiffre d'affaires total mentionné au dénominateur du rapport s'entendent du total des recettes et autres produits, y compris ceux correspondant à des opérations qui n'entrent pas dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée. Le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée mentionné au numérateur du rapport s'entend du total des recettes et autres produits qui n'ont pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée. " ;
7. Considérant qu' il résulte de ces dispositions, dont la rédaction est issue du I de l'article 18 de la loi du 30 décembre 1993 de finances rectificative pour 1993, lesquelles ont eu pour objet de dissocier le rapport d'assujettissement à la taxe sur les salaires du rapport, dit " prorata " de taxe sur la valeur ajoutée, alors prévu à l'article 212 de l'annexe II au code général des impôts, que l'assiette de la taxe sur les salaires due par les assujettis partiels à la taxe sur la valeur ajoutée s'obtient en appliquant au montant total des rémunérations, le rapport existant entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total ; que ce rapport est déterminé en faisant figurer, au numérateur, le chiffre d'affaires qui n'a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, constitué des recettes correspondant à des opérations exonérées ou situées hors du champ d'application de cette taxe, et, au dénominateur, la totalité des recettes, c'est-à-dire celles correspondant à des opérations imposables ou exonérées ou situées hors du champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée ;
8. Considérant que si la Cour de justice de l'Union européenne a jugé, dans son arrêt du 16 juillet 2015 Larentia + Minerva (C-108/14), que la taxe sur la valeur ajoutée grevant des biens et services dont les coûts font partie des frais généraux d'une société holding qui, s'immisçant dans la gestion de ses filiales, exerce, à ce titre, une activité économique doit, en principe, être déduite intégralement, il ressort d'une jurisprudence constante de cette même Cour que n'étant pas la contrepartie d'une activité économique, la perception de dividendes n'entre pas, elle-même, dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée, même dans l'hypothèse où la société holding qui perçoit les dividendes s'immisce dans la gestion de ses filiales en leur fournissant des prestations de services soumises à cette taxe ; qu'il suit de là que les dividendes doivent, pour l'application des dispositions de l'article 231 précité du code général des impôts, être compris au numérateur du rapport prévu à cet article ; que par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale a inclus, dans le rapport d'assujettissement de la SAS Newcoco à la taxe sur les salaires, les dividendes versés par sa filiale quand bien même la société s'immisçait dans la gestion de celle-ci ; que le moyen tiré de ce que les dividendes provenant de la filiale de la SAS Newcoco devaient être exclus du numérateur du rapport d'assujettissement à la taxe sur les salaires dans la mesure où ils ouvraient droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée doit être écarté ;
9. Considérant, en troisième lieu, que les fonctions de directeur général d'une société anonyme ou d'une société par actions simplifiée confèrent à leurs titulaires, en vertu de l'article L. 225-56 du code de commerce, les pouvoirs les plus étendus dans la direction de la société et que le président du conseil d'administration est investi, aux termes de l'article L. 225-51 du même code, d'une responsabilité générale ; que, s'agissant d'une société holding, ces pouvoirs s'étendent en principe au secteur financier, même si le suivi des activités est sous-traité à des tiers ou confié à des salariés spécialement affectés à ce secteur et si le nombre des opérations relevant de ce secteur est très faible ; que, toutefois, s'il résulte des éléments produits par l'entreprise que certains de ses dirigeants n'ont pas d'attribution dans le secteur financier, notamment lorsque, compte tenu de l'organisation adoptée, l'un d'entre eux est dépourvu de tout contrôle et responsabilité en la matière, la rémunération de ce dirigeant doit être regardée comme relevant entièrement des secteurs passibles de la taxe sur la valeur ajoutée et, par suite, comme placée hors du champ de la taxe sur les salaires ;
10. Considérant que la requérante demande à titre subsidiaire que l'assiette de taxe sur les salaires ne soit assise que sur la rémunération fixe perçue, par son président, pour ses fonctions de mandataire social et non sur la rémunération variable de ses fonctions commerciales et techniques de directeur ; que compte tenu de la règle rappelée ci-dessus, les pouvoirs de M. A... en sa qualité de président de la SAS Newcoco lui conféraient les pouvoirs les plus étendus dans le gestion de la société et s'étendaient en principe au secteur financier de la société ; que le contrat de prestations de services en date du 23 décembre 2011 dispose que la SAS Newcoco " apportera assistance et conseil " à la SAS LGI, notamment, dans le domaine des services financiers ; que le procès-verbal des décisions de l'associé unique du 19 mars 2012 précise que " une convention de trésorerie a été conclue entre la société LGI (La filiale) et la société Newcoco afin de permettre une meilleure organisation des activités financières entre les sociétés du groupe, pouvant ainsi engendrer des économies et de meilleures performances " ; que la SAS Cocos Deal n'apporte aucun élément probant de nature à établir qu'en sa seule qualité de président, M. A... était dépourvu de toute attribution dans le secteur financier, notamment en termes de contrôle et de responsabilité ; que, dans ces conditions, il doit être regardé comme ayant été concurremment affecté aux secteurs financier et commercial de la société Newcoco ; que, par suite, la SAS Cocos Deal n'est pas fondée à soutenir que la rémunération des fonctions commerciales et techniques du dirigeant de la société Newcoco devait être exclue de l'assiette de la taxe sur les salaires au titre des années en litige ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SAS Cocos Deal n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que la présente affaire n'a donné lieu à aucun dépens ; que, par suite, les conclusions présentées par la SAS Cocos Deal sur ce fondement ne peuvent qu'être rejetées ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la SAS Cocos Deal venant aux droits de la SAS Newcoco est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Cocos Deal et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.
Délibéré après l'audience du 19 juin 2018, où siégeaient :
- M. Antonetti, président,
- Mme Chevalier-Aubert, président assesseur,
- Mme Boyer, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 3 juillet 2018.
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N° 17MA02470
mtr