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28/06/2018 | FRANCE | N°16MA02642

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre - formation à 3, 28 juin 2018, 16MA02642


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... B...ont demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2010 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1403452 du 9 juin 2016, le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 5 juillet 2016, et des mémoires, enregistrés le 22 décembre 2016 et le 6 juillet

2017, M. et Mme B..., représentés par la société d'avocats DGM associés, demandent à la Cour :

1°...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... B...ont demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2010 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1403452 du 9 juin 2016, le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 5 juillet 2016, et des mémoires, enregistrés le 22 décembre 2016 et le 6 juillet 2017, M. et Mme B..., représentés par la société d'avocats DGM associés, demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 9 juin 2016 du tribunal administratif de Toulon ;

2°) de leur accorder la décharge de l'imposition litigieuse ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement a omis de statuer sur le moyen du non-respect du principe d'indépendance des procédures ;

- l'administration fiscale a exercé irrégulièrement son droit de communication compte tenu de l'ampleur des demandes de renseignements et des investigations qu'Electricité de France a dû mener pour lui répondre ;

- ils n'ont pas reçu une information suffisante et cohérente au sujet de l'origine des renseignements transmis par Electricité de France à l'administration fiscale dans le cadre de l'exercice par celle-ci de son droit de communication ;

- les attestations délivrées par Electricité de France, dont l'auteur n'est pas clairement identifié, ne leur sont pas opposables ;

- leur exploitation serait contraire au principe de loyauté ;

- les critères tirés de l'absence d'exploitation effective des centrales photovoltaïques et de leur absence de raccordement au réseau d'Electricité de France ne sont pas pertinents pour déterminer la date de livraison ;

- l'indépendance des procédures s'oppose à ce que leur soit opposée l'éventuelle erreur comptable commise par les sociétés en participation dont ils sont membres ;

- l'interprétation de l'article 199 undecies B du code général des impôts et de l'article 95 Q de l'annexe II à ce code qui leur a été appliquée est erronée ;

- ils entendent se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la doctrine référencée 5 B-2-07 à jour au 30 janvier 2007.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 novembre 2016, le ministre chargé du budget conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné Mme Évelyne Paix, président assesseur, pour présider par intérim la 3ème chambre de la cour administrative de Marseille.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Haïli,

- et les conclusions de M. Ouillon, rapporteur public.

1. Considérant que M. et Mme B... ont entendu bénéficier au titre de l'année 2010 de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B du code général des impôts à raison d'investissements productifs réalisés par différentes sociétés en participation, dont ils étaient membres, ayant pour objet d'acquérir des équipements photovoltaïques sur l'île de La Réunion ; qu'à la suite d'un contrôle sur pièces, cette réduction d'impôt a été remise en cause par l'administration fiscale ; que les époux B...demandent à la Cour d'annuler le jugement n° 1403452 du 9 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande de décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2010 à la suite de ce contrôle ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que le jugement par lequel le tribunal administratif de Toulon Montpellier rejette la demande de M. et Mme B... répond à l'ensemble des moyens invoqués par les contribuables tant sur la régularité de la procédure qu'au regard du bien-fondé de l'imposition ; qu'il mentionne plus particulièrement, en son point 2, que l'administration n'a procédé à aucune remise en cause des résultats déclarés par les sociétés en participation dont M. et Mme B... sont associés et écarte, par suite, le moyen tiré de l'indépendance des procédures ; que le moyen tiré de l'omission à statuer doit, par suite, être écarté ; qu'en outre, si les requérants soutiennent que le tribunal administratif aurait dénaturé les faits de l'espèce et commis une erreur de droit, de tels moyens ne peuvent être utilement invoqués devant le juge d'appel ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 81 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la procédure d'imposition en litige : " Le droit de communication permet aux agents de l'administration, pour l'établissement de l'assiette, le contrôle et le recouvrement des impôts, d'avoir connaissance des documents et des renseignements mentionnés aux articles du présent chapitre dans les conditions qui y sont précisées " et qu'aux termes de l'article L. 83 du même code : " Les administrations de l'Etat (...), les entreprises concédées ou contrôlées par l'Etat (...) ainsi que les établissements ou organismes de toute nature soumis au contrôle de l'autorité administrative, doivent communiquer à l'administration, sur sa demande, les documents de service qu'ils détiennent sans pouvoir opposer le secret professionnel (...) " ;

4. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le droit de communication prévu par l'article L. 83 du livre des procédures fiscales ne s'exerce que sur des documents de service que les personnes destinataires des demandes de l'administration fiscale détiennent du fait de leur activité ; qu'un document de service au sens des dispositions précitées de cet article s'entend de tout document ou donnée élaboré dans le cadre des missions de l'organisme à raison desquelles celui-ci est regardé comme soumis au contrôle de l'autorité administrative ;

5. Considérant que les demandes adressées par l'administration à Electricité de France dans le cadre de son droit de communication ont eu pour seul objet d'obtenir des informations sur les dates auxquelles les dossiers de demande de raccordement des installations concernées au réseau public d'électricité ont été regardés comme complets, les dates de réception par Electricité de France du certificat du comité national pour la sécurité des usagers de l'électricité et les dates de raccordement effectif des installations concernées au réseau public d'électricité ; que ces données brutes, reportées dans les tableurs fournis par l'administration à Electricité de France, étaient détenues par celle-ci dans le cadre de ses obligations de service et n'ont nécessité ni retraitement de données ni investigations particulières de la part de l'opérateur ; qu'ainsi, alors même qu'ils ont été remis à quatre reprises à l'administration sous forme d'un tableau, les documents et renseignements transmis par Electricité de France constituent des documents de service au sens et pour l'application des dispositions de l'article L. 83 précité du livre des procédures fiscales ; que le contenu des attestations délivrées par l'opérateur se limitait également à des données issues de documents de service ; que la circonstance que la qualité du signataire ne figurait pas sur les attestations établies par Electricité de France n'interdisait pas à l'administration fiscale de relever les informations qui y figuraient pour proposer les rectifications dans le cadre de la procédure de redressement contradictoire ; qu'en outre, leur exploitation par l'administration fiscale ne saurait être regardée comme contraire au principe de loyauté ; que, par suite, doit être écarté le moyen tiré de ce que l'administration aurait excédé les pouvoirs que lui confère le droit de communication mentionné à l'article L. 81 du livre des procédures fiscales ;

6. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. " ;

7. Considérant que l'administration ne peut, en principe, fonder le redressement des bases d'imposition d'un contribuable sur des renseignements ou documents qu'elle a obtenus de tiers sans l'avoir informé, avant la mise en recouvrement, de l'origine et de la teneur de ces renseignements ; que cette obligation d'information ne se limite pas aux renseignements et documents obtenus de tiers par l'exercice du droit de communication ; que si cette obligation ne s'étend pas aux éléments nécessairement détenus par les différents services de l'administration fiscale en application de dispositions législatives ou réglementaires, tel n'est pas le cas pour les informations fournies à titre déclaratif à l'administration par des contribuables tiers, dont elle tire les conséquences pour reconstituer la situation du contribuable vérifié ; qu'il suit de là que l'administration est tenue d'informer les contribuables de l'origine et de la teneur des renseignements sur lesquels elle se fonde pour établir un redressement qui sont issus des déclarations de revenus souscrites auprès d'elle par des tiers en application des articles 170 et suivants du code général des impôts ainsi que des pièces justificatives dont ces déclarations doivent, le cas échéant, être assorties ;

8. Considérant qu'il résulte des termes de la proposition de rectification du 4 juillet 2013 que l'administration s'est fondée, pour remettre en cause la réduction d'impôt en litige, sur l'état joint aux déclarations fiscales de l'année 2010 établies par les sociétés en participation Sunra Fluide 1007, Sunra Fluide 1008 et Sunra Fluide 1009, conformément aux dispositions de l'article 95 T de l'annexe II au code général des impôts en vertu desquelles doivent être indiqués à l'administration notamment la nature précise de l'investissement ainsi que le nom, l'adresse et la nature de l'activité de l'établissement dans lequel l'investissement est exploité ; qu'aucune disposition légale ou réglementaire n'imposait à l'administration d'indiquer les modalités d'exercice de son droit de communication, notamment la date des demandes de communication ; que la circonstance qu'une erreur matérielle ait pu, le cas échéant, être commise par EDF sur les dates des différentes demandes de communication est sans incidence sur le respect par l'administration des dispositions de l'article L. 76 B précité ;

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

9. Considérant qu'aux termes de l'article 199 undecies B du code général des impôts dans sa rédaction alors en vigueur : " I. Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements productifs neufs qu'ils réalisent dans les départements d'outre-mer (...) dans le cadre d'une entreprise exerçant une activité agricole ou une activité industrielle, commerciale ou artisanale relevant de l'article 34. / (...) La réduction d'impôt est de 50 % du montant hors taxes des investissements productifs (...) / La réduction d'impôt prévue au premier alinéa est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'investissement est réalisé (...) " ; et qu'aux termes de l'article 95 Q de l'annexe II au même code, dans sa rédaction applicable : " La réduction d'impôt prévue au I de l'article 199 undecies B du code général des impôts est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'immobilisation est créée par l'entreprise ou lui est livrée ou est mise à sa disposition dans le cadre d'un contrat de crédit-bail (...) " ;

10. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le fait générateur de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B du code général des impôts est la date de la création de l'immobilisation au titre de laquelle l'investissement productif a été réalisé ou de sa livraison effective dans le département d'outre-mer ; que, dans ce dernier cas, la date à retenir est celle à laquelle l'entreprise, disposant matériellement de l'investissement productif, peut commencer son exploitation effective et, dès lors, en retirer des revenus ; que, par suite, s'agissant de l'acquisition de centrales photovoltaïques installées sur les toits des habitations des particuliers et données en location à des sociétés en nom collectif en vue de leur exploitation pour la production et la vente d'énergie électrique, la date à retenir est celle du raccordement des installations au réseau public d'électricité, dès lors que les centrales photovoltaïques, dont la production d'électricité a vocation à être vendue par les sociétés exploitantes, ne peuvent être effectivement exploitées et, par suite, productives de revenus qu'à compter de cette date ; qu'il en résulte que le raccordement est nécessaire pour une exploitation effective de ces installations, dès lors que l'électricité produite n'a pas vocation à être consommée et stockée par les sociétés exploitantes ;

11. Considérant qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est pas contesté par les contribuables qu'à la date du 31 décembre 2010, aucun certificat de conformité n'avait été délivré par l'organisme agréé que constitue le comité national pour la sécurité des usagers de l'électricité au cours de l'année 2010 ; que, si M. et Mme B... soutiennent que ces conditions ne seraient pas requises par les textes en vigueur, ces faits, tels que rappelés par l'administration, constituent des indices de l'absence de livraison effective des équipements photovoltaïques et ne révèlent pas que le service aurait entendu ajouter aux dispositions de la loi fiscale des conditions qui n'y figurent pas ; que, pour leur part, les contribuables n'apportent aucun élément de nature à infirmer le constat sur lequel s'est fondée l'administration, qui n'a pas fondé le redressement contesté sur la comptabilité des sociétés en participation, mais sur les faits décrits ci-dessus ; que, dans ces conditions, les installations photovoltaïques en cause ne pouvant ni être effectivement exploitées ni être productives de revenus à la date du 31 décembre 2010, l'administration a pu à bon droit estimer que les investissements déclarés par les requérants ne pouvaient être regardés comme ayant été effectivement réalisés au cours de l'année 2010 et remettre en cause la réduction d'impôt au titre de cette année ;

En ce qui concerne le bénéfice de la doctrine administrative :

12. Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. " ;

13. Considérant que M. et Mme B... ne sont pas fondés à se prévaloir, sur le fondement de ces dispositions, du paragraphe n° 148 de l'instruction référencée 5 B-2-07 du 30 janvier 2007, laquelle ne comporte, en ce qui concerne le fait générateur de la réduction d'impôt, aucune interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il a été fait application aux points 10 et 11 ;

14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, leurs conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... B...et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-Mer.

Délibéré après l'audience du 14 juin 2018, à laquelle siégeaient :

- Mme Paix, président assesseur, président de la formation de jugement par intérim,

- M. Haïli, premier conseiller,

- M. Sauveplane, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 juin 2018.

2

N° 16MA02642


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-02-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Revenus fonciers.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: M. Xavier HAILI
Rapporteur public ?: M. OUILLON
Avocat(s) : SELARL DGM et ASSOCIES

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Date de la décision : 28/06/2018
Date de l'import : 03/07/2018

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 16MA02642
Numéro NOR : CETATEXT000037134001 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-06-28;16ma02642 ?
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