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28/06/2018 | FRANCE | N°16MA01572-160MA01618

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 28 juin 2018, 16MA01572-160MA01618


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...A...B...a demandé au tribunal administratif de Bastia de condamner le centre hospitalier de Bastia à lui verser la somme de 100 750 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de sa prise en charge par cet établissement de soins le 2 décembre 2003.

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Haute-Corse a demandé au tribunal de condamner le centre hospitalier de Bastia à lui verser la somme de 175 464,50 euros au titre des débours exposés et la somme de 1 037

euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Par un jugement n° 1300...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...A...B...a demandé au tribunal administratif de Bastia de condamner le centre hospitalier de Bastia à lui verser la somme de 100 750 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de sa prise en charge par cet établissement de soins le 2 décembre 2003.

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Haute-Corse a demandé au tribunal de condamner le centre hospitalier de Bastia à lui verser la somme de 175 464,50 euros au titre des débours exposés et la somme de 1 037 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Par un jugement n° 1300661 du 25 février 2016, le tribunal administratif de Bastia a condamné le centre hospitalier de Bastia à verser à M. A...B...une somme de 37 704,46 euros et à la CPAM de la Haute-Corse une somme de 84 196,25 euros au titre des débours et une rente annuelle de 3 475,67 euros à compter du 1er août 2013 et a mis les frais de l'expertise, liquidés et taxés à la somme de 1 644 euros, à la charge définitive de l'établissement de soins.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête et un mémoire, enregistrés le 22 avril 2016 et le 31 juillet 2017 sous le n° 16MA01572, M. A...B..., représenté par MeD..., demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du 25 février 2016 par lequel le tribunal administratif de Bastia a limité à la somme de 37 704,46 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné le centre hospitalier de Bastia en réparation du préjudice qu'il a subi ;

2°) de porter à la somme de 100 750 euros le montant de l'indemnité due ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Bastia la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le choix thérapeutique de l'arthrodèse était inadapté ;

- la technique opératoire de l'ostéosynthèse unilatérale n'était pas justifiée ;

- le diagnostic de non-fusion de l'arthrodèse a été posé avec retard ;

- aucune information n'a été délivrée sur les risques liés à l'intervention et l'existence d'une autre technique opératoire ;

- le préjudice subi doit être intégralement réparé sans application d'un taux de perte de chance ;

- les préjudices sont établis.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er septembre 2017, le centre hospitalier de Bastia, représenté par MeC..., conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- il n'y a ni d'erreur dans l'indication opératoire ni retard de diagnostic ;

- l'erreur dans le choix de la technique opératoire et le manquement au devoir d'information ne sont à l'origine que d'une perte de chance qui a été justement fixée par les premiers juges à 80% ;

- les sommes demandées au titre des préjudices subis ne sont pas justifiées ou sont excessives.

La requête a été communiquée à la CPAM de la Haute-Corse qui n'a pas produit de mémoire.

II. Par une requête et un mémoire, enregistrés le 25 avril 2016 et le 30 mai 2016 sous le n° 16MA01618, le centre hospitalier de Bastia, représenté par MeC..., demande à la Cour de réduire les indemnités allouées à M. A...B...et à la CPAM de la Haute-Corse.

Il soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- en l'absence de perte de gains professionnels futurs et d'incidence professionnelle, la CPAM ne peut exercer de recours subrogatoire sur ces deux postes de préjudice ;

- il n'y a pas de lien de causalité entre l'intervention du 2 décembre 2003 et la rente d'accident du travail servie à M. A...B... ;

- la victime ne peut être indemnisée à la fois au titre des souffrances endurées et du préjudice moral ;

- l'appréciation du déficit fonctionnel permanent a été excessive.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 18 octobre 2016 et le 31 juillet 2017, M. A... B..., représenté par MeD..., demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident :

- de réformer le jugement du 25 février 2016 par lequel le tribunal administratif de Bastia a limité à la somme de 37 704,46 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné le centre hospitalier de Bastia en réparation du préjudice qu'il a subi ;

- de porter à la somme de 100 750 euros le montant de l'indemnité due ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier la somme de 1 644 euros au titre des frais d'expertise ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Bastia la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il invoque les mêmes moyens que dans la requête n° 16MA01572.

La requête a été communiquée à la CPAM de la Haute-Corse qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bourjade-Mascarenhas,

- et les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

Sur la jonction :

1. Les deux requêtes visées ci-dessus sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement attaqué au regard des conclusions dont était saisi le tribunal administratif n'est pas assorti des précisions permettant à la Cour d'en apprécier le bien-fondé. Il suit de là que ce moyen doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la responsabilité :

3. Le centre hospitalier de Bastia ne conteste pas en appel le principe de sa responsabilité en raison d'une erreur dans le choix de la technique opératoire mise en oeuvre et d'un défaut d'information du patient.

4. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Bastia, que la réalisation le 2 décembre 2003 d'une arthrodèse postérieure en L5-S1 avec libération radiculaire était justifiée. Si une cure herniaire par résection de la petite hernie discale postéro-latérale gauche pouvait être réalisée en l'associant à un recalibrage du récessus latéral gauche, M. A...B...n'établit pas que cette intervention devait être privilégiée en première intention. Il suit de là qu'aucune faute dans le choix thérapeutique ne peut être imputée au centre hospitalier de Bastia.

5. Il ne résulte pas davantage de l'instruction que, contrairement à ce que soutient M. A... B..., l'absence de fusion de l'arthrodèse aurait pu être décelée lors de la radiographie effectuée le 27 septembre 2005. Si la tomodensitométrie réalisée au mois de juillet 2009 par un praticien n'exerçant pas au centre hospitalier de Bastia mettait en évidence l'absence de fusion de l'arthrodèse, il ne résulte toutefois pas de l'instruction que la victime ait communiqué ce document à l'établissement de soins. Dans ces conditions, le requérant n'est pas non plus fondé à rechercher la responsabilité de l'établissement public de santé pour retard de diagnostic.

En ce qui concerne la perte de chance :

6. La réparation du dommage résultant pour M. A... B...de la perte d'une chance de se soustraire au risque qui s'est réalisé et qui est à l'origine des séquelles dont il demeure atteint doit être fixée à une fraction des différents chefs de préjudice subis.

7. Compte tenu, d'une part, du caractère exceptionnel de l'intervention pratiquée et, d'autre part, du risque majeur d'échec de la fusion osseuse, cette fraction a été justement fixée par les premiers juges à 80 %. Il y a donc lieu de mettre à la charge du centre hospitalier de Bastia la réparation de cette fraction du préjudice subi par M. A... B...et par la CPAM de la Haute-Corse.

En ce qui concerne les préjudices :

Quant aux préjudices patrimoniaux :

8. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que l'état de santé de M. A...B...nécessitait, après sa consolidation, 30 séances de rééducation fonctionnelles et massages par an pendant une période de trois ans. L'intéressé a exposé des frais d'ostéopathie d'un montant de 60 euros par séance, non pris en charge par la caisse de sécurité sociale, soit la somme de 5 400 euros. En outre, ainsi qu'il ressort notamment de la notification de débours et de l'attestation d'imputabilité, les frais de kinésithérapie supportés par la CPAM de la Haute-Corse s'élèvent à 1 589,70 euros.

9. Afin de respecter l'ensemble des exigences résultant de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, il appartient au juge, pour chacun des postes de préjudice, tout d'abord, d'évaluer le montant du préjudice total en tenant compte de l'ensemble des dommages qui s'y rattachent, de fixer ensuite la part demeurée à la charge de la victime, compte tenu des prestations dont elle a bénéficié et qui peuvent être regardées comme prenant en charge un préjudice, et enfin de déterminer le montant de l'indemnité mise à la charge du tiers responsable au titre du poste de préjudice, ce montant correspondant à celui du poste si la responsabilité du tiers est entière et à une partie seulement en cas de partage de responsabilité. Le juge accorde à la victime, dans le cadre de chaque poste de préjudice et dans la limite de l'indemnité mise à la charge du tiers, une somme correspondant à la part des dommages qui n'a pas été réparée par des prestations de sécurité sociale, le solde de l'indemnité mise à la charge du tiers étant, le cas échéant, accordé à la caisse.

10. Il résulte de ce qui a été indiqué au point 8 que le préjudice s'élève à la somme de 6 989,70 euros. Après application du taux de perte de chance de 80 %, la somme de 5 591,76 euros doit être mise à la charge du centre hospitalier de Bastia. Conformément aux principes mentionnés au point 9, celui-ci doit être condamné à verser à M. A...B..., la somme de 5 100 euros après déduction de la somme de 300 euros qui a été supportée par sa mutuelle d'assurance maladie complémentaire.

11. M. A...B...a été contraint de se rendre au centre hospitalier Jean Mermoz de Lyon où il a notamment subi le 2 mars 2011 une intervention visant à corriger celle qui avait été réalisée au centre hospitalier de Bastia, lequel a assuré ultérieurement le suivi médical. Il justifie à ce titre avoir exposé, pour se rendre de son lieu de résidence jusqu'au centre hospitalier de Lyon, les 1er mars 2011, 12 mars 2011, 24 mai 2011, 22 septembre 2011, 21 mars 2013 et 5 décembre 2013, des frais de transport à hauteur de 990,06 euros. Après prise en compte du taux de perte de chance, l'indemnité due par le centre hospitalier de Bastia à la victime doit être portée à la somme de 792 euros.

12. M. A...B...justifie avoir exposés des frais d'assistance d'un médecin-conseil lors des opérations d'expertise d'un montant de 1 200 euros. Il y a lieu de lui accorder cette somme dans son intégralité.

13. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que M. A...B...avait besoin de l'assistance d'une tierce personne non spécialisée à raison d'une heure par jour du 25 juin 2010 au 25 septembre 2010 et du 12 mars 2011 au 12 juin 2011. Pour ces périodes, l'indemnisation doit être calculée sur la base d'un taux horaire de 13 euros déterminé en tenant compte du salaire minimum moyen au cours de cette période, augmenté des charges sociales. Il n'y a pas lieu, compte tenu du caractère exclusivement familial de l'assistance rendue, de majorer ce taux pour tenir compte de droits à congés. Ainsi, les frais liés à l'assistance par une tierce personne doivent être fixés à 1 920 euros, après application du taux de perte de chance.

14. Aux termes de l'article L. 341-1 du code de la sécurité sociale : " L'assuré a droit à une pension d'invalidité lorsqu'il présente une invalidité réduisant dans des proportions déterminées, sa capacité de travail ou de gain, c'est-à-dire le mettant hors d'état de se procurer, dans une profession quelconque, un salaire supérieur à une fraction de la rémunération normale perçue dans la même région par des travailleurs de la même catégorie, dans la profession qu'il exerçait avant la date d'interruption de travail suivie d'invalidité ou la date de la constatation médicale de l'invalidité si celle-ci résulte de l'usure prématurée de l'organisme ". Eu égard à sa finalité de réparation d'une incapacité permanente de travail, qui lui est assignée par l'article L. 431-1 du code de la sécurité sociale, et à son mode de calcul, appliquant au salaire de référence de la victime le taux d'incapacité permanente défini par l'article L. 434-2 du même code, la rente d'accident du travail doit être regardée comme ayant pour objet exclusif de réparer, sur une base forfaitaire, les préjudices subis par la victime dans sa vie professionnelle en conséquence de l'accident, c'est-à-dire ses pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité. Dès lors, le recours subrogatoire exercé par une caisse de sécurité sociale au titre d'une rente d'accident du travail ne saurait, pour l'application des règles résultant de l'article 31 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, dans sa rédaction issue du IV de l'article 25 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006, s'exercer que sur ces deux postes de préjudice.

15. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise, que M. A...B...a subi une première intervention, le 2 décembre 2003, au centre hospitalier de Bastia, consistant en l'ablation de la hernie dont il souffrait et en la réalisation d'une arthrodèse unilatérale en L5-S1 gauche, par voie d'ostéosynthèse. La date de consolidation de son état de santé a été fixée au mois de juin 2007. Puis, il a fait l'objet, le 2 mars 2011, d'une seconde opération chirurgicale au centre hospitalier Jean Mermoz de Lyon après la pose du diagnostic de non-fusion de l'arthrodèse. A la suite de cette intervention, une seconde date de consolidation a été fixée au 2 septembre 2012. A l'issue de la première date de consolidation de son état de santé, M. A...B...n'a pas repris l'activité d'agent de sécurité qu'il exerçait auparavant et a été licencié de son emploi le 7 mars 2006. Il a créé au mois de juillet 2007 une entreprise de maçonnerie dont il était le gérant. Toutefois, il n'a pas poursuivi après le 2 septembre 2012 cette activité de gérance qu'il avait été contraint d'interrompre après une rechute de son état de santé au mois de mars 2010.

16. Pour la période antérieure à la date de consolidation de son état de santé, M. A... B... ne présente aucune demande au titre d'une perte de revenus. Le centre hospitalier de Bastia ne conteste pas la somme de 44 953,84 euros qu'il a été condamné à verser à la CPAM de la Haute-Corse par le tribunal administratif au titre des indemnités journalières et de la rente d'accident du travail versées à M. A...B....

17. Pour la période postérieure au 2 septembre 2012, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que la réalisation d'une arthrodèse même parfaitement réussie n'aurait plus permis l'exercice de professions avec soulèvement de charges lourdes, en particulier de la maçonnerie. En l'absence de limitation de la capacité de M. A...B...pour exercer l'activité de gérant de société, celui-ci n'est pas fondé à demander l'indemnisation d'une perte de gains professionnels.

18. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que les séquelles dont M. A...B...demeure atteint entraînent une augmentation légère de la pénibilité de l'activité de surveillance de travaux. Compte tenu et de la nature et de l'ampleur du déficit fonctionnel permanent fixé à 10 % et de l'âge de la victime, il y a lieu d'évaluer l'incidence professionnelle à la somme de 8 000 euros après application du taux de perte de chance. Une rente d'accident du travail est servie par la CPAM de la Haute-Corse à M. A...B...pour un montant annuel de 4 344,59 euros, soit un montant global de 110 425 euros représentant les arrérages échus et le capital représentatif à échoir. En l'absence de toute demande d'indemnité de M. A...B...au titre de l'incidence professionnelle, il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier de Bastia le versement à la CPAM de la Haute-Corse de la somme de 8 000 euros au titre de la rente servie à son assuré social.

S'agissant des préjudices personnels :

19. Il résulte de l'instruction que M. A... B...a présenté un déficit fonctionnel temporaire, total pendant une durée de 82 jours correspondant aux périodes d'hospitalisation, au taux de 50 % pendant 184 jours et au taux de 10 % du 1er janvier 2005 jusqu'à la date de la consolidation de son état de santé, le 2 septembre 2012 et qu'il a enduré des souffrances fixées au vu du rapport d'expertise à 3 sur une échelle allant de 1 à 7. Le tribunal n'a pas fait une évaluation insuffisante des préjudices subis au titre du déficit fonctionnel temporaire et des souffrances endurées en fixant les indemnités allouées, compte tenu du taux de perte de chance, aux sommes respectives de 6 822,40 euros et 3 200 euros.

20. M. A...B..., âgé de trente-et-un ans à la date de consolidation de son état de santé, présente une incapacité permanente partielle fixée au taux de 10 % qui est imputable aux fautes commises par le centre hospitalier de Bastia. Il y a lieu de fixer à 13 700 euros, après application du taux de perte de chance, le montant de l'indemnité due à ce titre par l'établissement de soins.

21. Le tribunal administratif a fait une appréciation qui n'est pas suffisante du préjudice esthétique de M. A...B...fixé à 1 sur une échelle de 7 en le réparant par la somme de 800 euros après application du taux de perte de chance. Il y a lieu de lui accorder la somme de 952 euros à ce titre.

22. M. A...B...ne peut plus pratiquer la chasse ni la pétanque du fait des séquelles dont il reste atteint. Il y a lieu de porter à 1 600 euros, après application du taux de perte de chance, le montant de la réparation du préjudice d'agrément qu'il subit.

23. Il résulte de l'instruction que le tribunal administratif a fait une insuffisante évaluation du préjudice sexuel en allouant à l'intéressé la somme de 1 600 euros qu'il y a lieu de porter à 3 200 euros, compte tenu du taux de perte de chance.

24. Indépendamment de la perte d'une chance de refuser l'intervention, le manquement des médecins à leur obligation d'informer le patient des risques courus ouvre pour l'intéressé, lorsque ces risques se réalisent, le droit d'obtenir réparation des troubles qu'il a subis du fait qu'il n'a pas pu se préparer à cette éventualité. S'il appartient au patient d'établir la réalité et l'ampleur des préjudices qui résultent du fait qu'il n'a pas pu prendre certaines dispositions personnelles dans l'éventualité d'un accident, la souffrance morale qu'il a endurée lorsqu'il a découvert, sans y avoir été préparé, les conséquences de l'intervention doit, quant à elle, être présumée.

25. Ainsi qu'il a été exposé au point 3, M. A...B...n'a pas reçu les informations relatives au risque de non fusion de l'arthrodèse que présentait l'intervention du 2 décembre 2003. L'absence de fusion osseuse à la suite de l'intervention chirurgicale pratiquée au centre hospitalier de Bastia a provoqué des douleurs lombaires et a nécessité l'ablation du matériel médical le 13 septembre 2004 puis, à la suite d'une rechute au mois de mars 2010, une seconde opération effectuée au centre hospitalier de Lyon le 2 mars 2011. Le patient a subi, comme indiqué au point 19, des périodes d'incapacité temporaire, totale ou partielle, entre le 2 décembre 2003 et le 2 septembre 2012. Il a été éloigné de longs mois de sa compagne et de sa fille lors de son hospitalisation à Lyon puis de sa rééducation dans une maison de convalescence située sur le continent. Il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par M. A...B...en l'évaluant à la somme de 3 200 euros, à laquelle ne s'applique pas le taux de perte de chance.

26. Il résulte de tout ce qui précède que le centre hospitalier de Bastia n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia l'a condamné à verser la somme de 37 704,46 euros à M. A...B.... Le requérant est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a limité à la somme de 37 704,46 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné le centre hospitalier de Bastia en réparation du préjudice qu'il a subi. Il y a lieu de porter cette somme à 41 686 euros.

27. En l'absence de contestation de la somme de 83 160,31 euros mise à sa charge au titre des dépenses de santé et des indemnités journalières et de la rente d'accident du travail mentionnées au point 16, le centre hospitalier de Bastia est seulement fondé à demander que les sommes que le tribunal administratif l'a condamné à verser à la CPAM de la Haute-Corse sous la forme d'une indemnité de 84 196,25 euros et d'une rente annuelle de 3 475,67 euros à compter du 1er août 2013, soient ramenées à la somme de 91 160,31 euros.

Sur les dépens :

28. Les frais de l'expertise, taxés à la somme de 1 644 euros, ont été mis à la charge définitive du centre hospitalier de Bastia par le jugement attaqué. M. A...B..., qui avait été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle dans l'instance en référé, n'établit pas avoir supporté la charge provisoire de ces frais. Il n'est dès lors pas fondé à demander que l'établissement de soins soit condamné à lui rembourser la somme correspondante.

Sur les frais liés au litige :

29. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de Bastia une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. A...B...et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La somme de 37 704,46 euros que le centre hospitalier de Bastia a été condamné à verser à M. A...B...par le jugement du 25 février 2016 est portée à 41 686 euros.

Article 2 : Les sommes que le centre hospitalier de Bastia a été condamné à verser à la CPAM de la Haute-Corse par le jugement du 25 février 2016 sous la forme d'une indemnité de 84 196,25 euros et d'une rente annuelle de 3 475,67 euros à compter du 1er août 2013, sont ramenées à la somme de 91 160,31 euros.

Article 3 : Les articles 1 et 2 du jugement du tribunal administratif de Bastia du 25 février 2016 sont réformés en ce qu'ils ont de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A...B...et des conclusions qu'il a présentées par la voie de l'appel incident dans l'instance n° 16MA01618 est rejeté.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête du centre hospitalier de Bastia est rejeté.

Article 6 : Le centre hospitalier de Bastia versera une somme de 2 000 euros à M. A...B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. E...A...B..., au centre hospitalier de Bastia et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Corse.

Délibéré après l'audience du 14 juin 2018 où siégeaient :

- M. Vanhullebus, président de chambre,

- M. Barthez, président assesseur,

- Mme Bourjade-Mascarenhas, première conseillère.

Lu en audience publique, le 28 juin 2018.

2

N° 16MA01572, 16MA01618


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