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14/06/2018 | FRANCE | N°17MA01641

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 14 juin 2018, 17MA01641


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Bastia de condamner in solidum la commune de Corte et l'Office d'Equipement Hydraulique de la Corse (OEHC) à lui payer la somme de 64 900 euros en réparation des préjudices résultant de l'accident de la circulation dont il a été victime le 26 janvier 2006.

Par un jugement n° 1500721 du 23 février 2017, le tribunal administratif de Bastia a condamné solidairement la commune de Corte et l'OEHC à lui payer la somme de 23 500 euros en réparation des

préjudices subis.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Bastia de condamner in solidum la commune de Corte et l'Office d'Equipement Hydraulique de la Corse (OEHC) à lui payer la somme de 64 900 euros en réparation des préjudices résultant de l'accident de la circulation dont il a été victime le 26 janvier 2006.

Par un jugement n° 1500721 du 23 février 2017, le tribunal administratif de Bastia a condamné solidairement la commune de Corte et l'OEHC à lui payer la somme de 23 500 euros en réparation des préjudices subis.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 19 avril 2017, la commune de Corte, représentée par Me A... et MeD..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 23 février 2017 en tant qu'il l'a condamnée à verser une indemnité à M.C... ;

2°) de rejeter la demande de M. C...présentée à son encontre devant le tribunal administratif de Bastia.

Elle soutient que :

- seule la responsabilité de l'OEHC, chargé de l'entretien de la canalisation qui s'est rompue, peut être engagée ;

- aucun défaut d'entretien normal de la voie publique ne peut lui être reproché ;

- M. C...a commis une faute d'imprudence qui l'exonère totalement de sa responsabilité.

Par un mémoire, enregistré le 16 août 2017, l'Office d'Equipement Hydraulique de la Corse (OEHC) demande à la Cour :

1°) à titre principal, de rejeter la requête présentée par la commune de Corte ;

2°) à titre subsidiaire, par la voie de l'appel provoqué :

- d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 23 février 2017 en tant qu'il l'a condamné à indemniser M.C... ;

- de rejeter la demande de M.C....

Il fait valoir que :

- seule la responsabilité de la commune de Corte, propriétaire de la voirie et du réseau public d'eau, peut être recherchée ;

- il n'a pas la charge du renouvellement des canalisations défectueuses ;

- M. C...ne rapporte pas la preuve que la rupture de canalisation est due à un défaut d'entretien normal de l'ouvrage ni la preuve d'un lien de causalité entre le dommage et la canalisation ;

- l'imprudence de la victime l'exonère totalement de sa responsabilité ;

- la réparation du déficit fonctionnel permanent et de l'incidence professionnelle, préjudice qui n'est au demeurant pas démontré, doit être évaluée en tenant compte de la rente ou de la pension d'invalidité éventuellement perçue ;

- l'indemnisation des souffrances a été surévaluée par les premiers juges.

Par un mémoire enregistré le 23 août 2017, M. C...demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident :

-de réformer le jugement par lequel le tribunal administratif de Bastia a limité à la somme de 23 500 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné solidairement la commune de Corte et l'OEHC en réparation des préjudices subis ;

- de porter à la somme de 64 900 euros le montant de l'indemnité due par la seule commune ;

3°) de mettre à la charge de la commune les dépens et la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la commune, qui n'a ni signalé le danger ni remédié à la vétusté de la canalisation, est responsable du défaut d'entretien normal de la chaussée ;

- il ne roulait pas à une vitesse excessive ;

- les préjudices qu'il a subis doivent être mieux réparés.

La requête a été communiquée au Régime Social des Indépendants de Corse et à la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants qui n'ont pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Duran-Gottschalk, rapporteure,

- les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique,

- et les observations de Me A...pour la commune de Corte.

Sur l'appel principal de la commune de Corte :

1. Considérant qu'il appartient à l'usager victime d'un dommage survenu sur une voie publique de rapporter la preuve du lien de cause à effet entre l'ouvrage public et le dommage dont il se plaint ; que la collectivité en charge de l'ouvrage public doit alors pour que sa responsabilité ne soit pas retenue, établir que l'ouvrage public faisait l'objet d'un entretien normal ou que le dommage est imputable à la faute de la victime ou à un cas de force majeure ;

2. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'alors qu'il circulait en voiture sur l'allée du 9 septembre à Corte, devant son domicile, M. C...a perdu le contrôle de son véhicule à 5h30 en roulant sur une plaque de verglas d'une surface de 200 mètres carrés, qui s'était formée en raison de la rupture soudaine d'une canalisation du réseau d'eau ; que les gendarmes ont constaté à leur arrivée sur les lieux de l'accident à 5h55 un important écoulement d'eau jaillissant de la chaussée et ont indiqué que la rupture s'était produite plusieurs heures avant l'accident ; qu'il résulte par ailleurs des mêmes constatations des gendarmes que le froid était intense la nuit de l'accident ; que dans ces conditions, compte tenu de l'heure à laquelle la canalisation s'est vraisemblablement rompue, l'absence d'intervention des agents de la commune dans la nuit pour signaler le danger ou y remédier n'est pas constitutive d'un défaut d'entretien normal de la voie publique, alors qu'il ne résulte par ailleurs pas de l'instruction que le danger aurait été signalé à la collectivité ;

3. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Corte est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia l'a condamnée à payer une indemnité à M. C...en raison d'un défaut d'entretien normal de la voie publique ;

Sur l'appel provoqué de l'OEHC :

4. Considérant que l'admission de l'appel principal de la commune de Corte aggrave la situation de l'OEHC, qui se trouve exposé, à raison de la solidarité, à devoir payer à M. C... la totalité des indemnités allouées à celui-ci par le tribunal administratif ; qu'il est, dès lors, recevable à demander, par la voie de l'appel provoqué, que sa responsabilité ne soit pas retenue ;

En ce qui concerne la responsabilité :

5. Considérant que la commune de Corte a confié à l'OEHC par convention d'affermage la gestion de son réseau d'eau ; qu'il résulte de l'article 18 de cette convention que l'OEHC est chargé de l'entretien des canalisations ; qu'il résulte également de l'instruction, notamment de l'audition du responsable de secteur de l'OEHC par les gendarmes, que la canalisation qui s'est rompue était vétuste ; que l'OEHC ne rapporte pas la preuve dont la charge lui incombe de l'entretien normal de cet ouvrage public ; que dans ces conditions, sa responsabilité est engagée ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment des constatations faites par les gendarmes, que M. C...conduisait à une vitesse excessive, alors que la voie, sur laquelle au demeurant était situé son domicile, était en réfection depuis plusieurs semaines ; que compte tenu par ailleurs du défaut d'entretien normal de la canalisation en cause, c'est à bon droit que le tribunal administratif n'a retenu une faute de la victime qu'à hauteur de 50 % ;

En qui concerne les préjudices :

Quant à la délimitation du litige :

7. Considérant que M. C...demande en appel la condamnation de la seule commune de Corte à réparer les préjudices qu'il a subis ; que compte tenu de l'absence de responsabilité de la commune, tel qu'exposé au point 2, il n'est pas fondé à demander que cette collectivité soit condamnée à mieux l'indemniser ;

Quant à la réparation :

8. Considérant, en premier lieu, que M. C...a enduré des souffrances dont l'intensité a été mesurée par l'expert à 5 sur une échelle de 0 à 7 ; que le tribunal administratif n'a pas surévalué ce préjudice en en fixant la réparation avant partage de responsabilité à la somme de 15 000 euros ;

9. Considérant, en deuxième lieu, que le tribunal administratif n'a pas procédé à une évaluation excessive du déficit fonctionnel permanent de 15 % dont demeure atteint M. C... en retenant un montant de 22 000 euros avant partage de responsabilité ;

10. Considérant, en troisième et dernier lieu, que M.C..., qui avait créé une entreprise de boulangerie en octobre 2005, a dû cesser son activité après l'accident ; qu'il résulte de l'instruction que la victime ne perçoit pas de prestation destinée à réparer l'incidence professionnelle ; que compte tenu des séquelles que M. C...présente, le tribunal administratif n'a pas indemnisé de façon excessive ce préjudice en en fixant le montant à 10 000 euros avant partage de responsabilité ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'OEHC n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif l'a condamné à payer à M. C... la somme de 23 500 euros en réparation des préjudices subis ; que M. C... n'est pas fondé à demander la majoration de cette indemnité ;

Sur les dépens :

12. Considérant que les dépens, liquidés et taxés à la somme de 1 716,80 euros, doivent être mis à la charge de l'OEHC ;

Sur les frais liés au litige :

13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Corte, qui n'est, dans la présente instance, ni la partie tenue aux dépens ni la partie perdante, la somme que M. C... demande au titre des frais, non compris dans les dépens, qu'il a exposés ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 23 février 2017 du tribunal administratif de Bastia est annulé en tant qu'il a condamné la commune de Corte à payer la somme de 23 500 euros à M. C...et en tant qu'il a mis les frais de l'expertise à la charge de cette commune.

Article 2 : Les conclusions de M. C...présentées par la voie de l'appel incident et ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et les conclusions de l'OEHC présentées par la voie de l'appel provoqué sont rejetées.

Article 3 : Les frais de l'expertise, liquidés et taxés à la somme de 1 716,80 euros, sont mis à la charge de l'OEHC.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C..., au Régime Social des Indépendants de Corse, à la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants, à la commune de Corte et à l'Office d'Equipement Hydraulique de la Corse.

Délibéré après l'audience du 31 mai 2018, où siégeaient :

- M. Vanhullebus, président de chambre,

- MmeE..., première conseillère,

- Mme Duran-Gottschalk, première conseillère.

Lu en audience publique, le 14 juin 2018.

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N° 17MA01641

kp


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA01641
Date de la décision : 14/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-03-01 Travaux publics. Différentes catégories de dommages. Dommages sur les voies publiques terrestres.


Composition du Tribunal
Président : M. VANHULLEBUS
Rapporteur ?: Mme Karine DURAN-GOTTSCHALK
Rapporteur public ?: Mme CHAMOT
Avocat(s) : VALERY

Origine de la décision
Date de l'import : 17/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-06-14;17ma01641 ?
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