Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...C...et Mme D...C...ont demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner solidairement la commune de Tavel, la compagnie Groupama, le syndicat intercommunal mixte pour l'aménagement des bassins du Gard rhodanien, le syndicat mixte pour l'aménagement et la gestion équilibrée des Gardons et le syndicat intercommunal d'adduction d'eau potable et assainissement de Lirac à leur payer la somme de 18 577,06 euros, d'annuler la décision du maire de Tavel du 30 décembre 2013 qui refuse de les indemniser et de réaliser les travaux prescrits par l'expert et d'ordonner à la commune d'exécuter ces travaux.
Par un jugement n° 1400472 du 4 mars 2016, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 8 avril 2016, M. et MmeC..., représentés par la SCP Fontaine - Floutier, demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 4 mars 2016 ;
2°) de condamner in solidum la commune de Tavel, la compagnie Groupama, le syndicat intercommunal mixte pour l'aménagement des bassins du Gard rhodanien, le syndicat mixte pour l'aménagement et la gestion équilibrée des Gardons, le syndicat intercommunal d'adduction d'eau potable et assainissement de Lirac à leur payer la somme de 18 577,06 euros, d'annuler la décision du maire du 30 décembre 2013 refusant une indemnisation et la réalisation des travaux prescrits par l'expert et d'ordonner à la commune de Tavel de réaliser ces travaux dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
3°) de mettre à la charge solidaire des défendeurs les dépens et la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement est insuffisamment motivé ;
- la responsabilité de la commune est engagée pour dommages de travaux publics ;
- en ne réalisant pas les travaux propres à prévenir les inondations, le maire a failli dans l'exercice de son pouvoir de police et a méconnu les dispositions de l'article L. 2224-10 du code général des collectivités territoriales ;
- aucune mesure préventive n'a été prise par les trois autres défendeurs, ce qui engage leur responsabilité ;
- ils ont engagé des frais pour réaliser des travaux qui doivent leur être payés ;
- leur compagnie d'assurance n'a pas intégralement couvert les préjudices subis ;
- les travaux préconisés par l'expert ne sont pas des travaux d'amélioration ou de confort.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 mai 2016, le syndicat mixte pour l'aménagement et la gestion équilibrée des Gardons (SMAGE) demande à la Cour de rejeter la requête et de mettre à la charge de la partie perdante la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- la commune de Tavel n'est pas adhérente au SMAGE ;
- il ne lui appartient pas de procéder à des aménagements sur les réseaux d'évacuation des eaux pluviales de ruissellement.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 mai 2016, la commune de Tavel et la compagnie Groupama Méditerranée demandent à la Cour de rejeter la requête et de mettre à la charge des requérants au profit de la commune la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles font valoir que :
- le jugement est suffisamment motivé ;
- le maire n'a pas commis de faute dans l'exercice de ses pouvoirs de police ;
- la responsabilité de la commune pour dommages de travaux publics ne saurait être engagée en l'absence de lien de causalité entre les dégâts et l'insuffisance de l'ouvrage public d'évacuation des eaux pluviales ;
- la cause des dommages réside dans la défectuosité des ouvrages privés existants ;
- les pluies ayant causé le dommage revêtent la caractéristique de la force majeure, ce qui exonère la commune de sa responsabilité ;
- les requérants ont commis plusieurs fautes à l'origine de leurs dommages ;
- la configuration des lieux et les fautes commises par les requérants l'exonèrent de sa responsabilité à hauteur de 90 % ;
- les requérants ont été indemnisés par leur compagnie d'assurance s'agissant des inondations de 2008 ;
- l'existence de préjudices matériels en ce qui concerne les inondations de 2010 n'est pas établie ;
- une personne privée ne peut se voir allouer une indemnité pour réaliser des travaux sur des ouvrages publics ;
- les travaux préconisés par l'expert consistent en des travaux d'amélioration qui ne présentent pas de lien avec les inondations passées ;
- le juge ne peut enjoindre à une collectivité de réaliser des travaux que si cela constitue une conséquence directe de l'indemnisation demandée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 mai 2016, le syndicat mixte pour l'aménagement des bassins versants du Gard rhodanien demande à la Cour de rejeter la requête et de mettre à la charge des requérants la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- le jugement est suffisamment motivé ;
- le contentieux n'a pas été lié à son égard en ce qui concerne sa faute alléguée dans l'exercice de ses pouvoirs de police ;
- il ne détient aucun pouvoir de police ;
- il n'exerce aucune compétence en matière d'assainissement des eaux usées et d'assainissement pluvial urbain et ne saurait être considéré comme le maître d'ouvrage ;
- il n'y a pas de lien de causalité entre les dégâts et l'insuffisance de l'ouvrage public d'évacuation des eaux pluviales ;
- la cause des dommages réside dans la défectuosité des ouvrages privés existants ;
- les pluies ayant causé le dommage revêtent la caractéristique de la force majeure ;
- les requérants ont commis plusieurs fautes à l'origine de leurs dommages ;
- les requérants ont été indemnisés par leur compagnie d'assurance s'agissant des inondations de 2008 ;
- l'existence de préjudices matériels en ce qui concerne les inondations de 2010 n'est pas établie ;
- une personne privée ne peut se voir allouer une indemnité pour réaliser des travaux sur des ouvrages publics ;
- les travaux préconisés par l'expert consistent en des travaux d'amélioration qui ne présentent pas de lien avec les inondations passées.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Duran-Gottschalk, rapporteure,
- les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique,
- et les observations de MeE..., représentant la commune de Tavel, le syndicat intercommunal mixte pour l'aménagement des bassins du Gard rhodanien, et Groupama Méditerranée et de MeA..., représentant le syndicat intercommunal d'adduction d'eau potable et d'assainissement de Lirac.
Sur la régularité du jugement :
1. Considérant que le jugement attaqué indique les motifs de rejet de chacune des prétentions indemnitaires des requérants et rejette leurs conclusions à fin d'injonction de réaliser les travaux par voie de conséquence du rejet des conclusions à fin d'annulation de la décision de refus d'exécuter ces travaux ; que le jugement est par suite suffisamment motivé ;
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la personne responsable :
2. Considérant, en premier lieu, que les requérants ne critiquent pas les motifs pour lesquels les premiers juges ont mis hors de cause le syndicat mixte pour l'aménagement et la gestion équilibrée des Gardons et le syndicat intercommunal mixte pour l'aménagement des bassins du Gard rhodanien ;
3. Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que le syndicat intercommunal d'adduction d'eau potable et assainissement de Lirac, s'il a en charge l'eau et l'assainissement de certaines communes, dont celle de Tavel, n'est pas compétent en matière de gestion du réseau d'évacuation des eaux pluviales ; que les requérants sont dès lors recevables à rechercher la responsabilité de la commune de Tavel, maître d'ouvrage du réseau de collecte des eaux pluviales de son territoire, et de son assureur ;
En ce qui concerne la responsabilité pour faute :
4. Considérant que si les requérants invoquent l'article L. 2224-10 du code général des collectivités territoriales, aux termes duquel " Les communes ou leurs établissements publics de coopération délimitent, après enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement : (...) 3° Les zones où des mesures doivent être prises pour limiter l'imperméabilisation des sols et pour assurer la maîtrise du débit et de l'écoulement des eaux pluviales et de ruissellement ", aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoit que les communes aient l'obligation de recueillir l'ensemble des eaux de pluie transitant par leur territoire afin d'éviter que les eaux de ruissellement n'atteignent les constructions édifiées dans l'axe de leur écoulement naturel ; qu'aucune faute ne peut ainsi être reprochée à la commune à ce titre ; qu'il ne résulte pas non plus de l'instruction que le maire aurait commis une faute dans l'exercice de ses pouvoirs de police en l'absence d'un danger grave, répété ou imminent ;
En ce qui concerne la responsabilité pour dommages de travaux publics :
Quant à la responsabilité :
5. Considérant que la responsabilité du maître de l'ouvrage public est susceptible d'être engagée, même sans faute, à l'égard des demandeurs tiers par rapport à cet ouvrage ; qu'il appartient toutefois à l'appelant d'apporter la preuve de la réalité des préjudices qu'il allègue avoir subis et de l'existence d'un lien de causalité direct entre l'ouvrage et les travaux publics et les préjudices, qui doivent en outre présenter un caractère anormal et spécial ;
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes, que les parcelles appartenant aux requérants, à environ 3,5 m en contrebas immédiat du chemin communal des Oliviers, sont situées dans l'emprise d'un cône d'éjection naturel des eaux de ruissellement provenant du bassin versant situé au Nord de la propriété ; que la commune a installé deux grilles avaloirs sur ce chemin qui reçoit les eaux de ruissellement de la voirie des lotissements situés en amont ; que l'insuffisance et l'inadaptation du réseau communal de collecte des eaux de pluie doivent ainsi être regardées comme étant la cause de la survenance des deux sinistres dont les conséquences ont été aggravées par la configuration naturelle des lieux et par la construction par les requérants de deux murs en limite sud de la parcelle leur appartenant ; que dans ces conditions, la responsabilité de la commune est engagée dans la survenance des inondations ;
Quant aux causes exonératoires :
7. Considérant, en premier lieu, que la commune, en se bornant à faire valoir sans précision que les pluies survenues en 2008 étaient violentes et d'une intensité imprévisible et exceptionnelle, ne démontre pas que ces intempéries ont constitué un cas de force majeure ;
8. Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que la construction de deux murs de clôture par les requérants ainsi que l'absence de piège à eau sur le chemin d'accès privé au garage leur appartenant ont contribué à aggraver les dommages ; que la faute de la victime doit être retenue à hauteur de 25 % ;
Quant aux préjudices :
9. Considérant, en premier lieu, que les requérants ne démontrent pas que les frais de travaux d'aménagement engagés en 2013 pour un montant allégué de 6 563,06 euros, dont ils ne précisent pas la nature exacte, auraient un lien avec les inondations qu'ils ont subies au cours des années 2008 et 2010 ;
10. Considérant, en second lieu, que l'expert a chiffré le montant des travaux à réaliser sur la propriété de M. et MmeC..., visant à la mise en place d'un caniveau, d'une grille et d'une canalisation et à la déconnexion des deux avaloirs existants, à la somme de 12 014 euros ; que ces travaux sont nécessaires pour prévenir les dommages de travaux publics de caractère anormal et spécial dont il résulte de l'instruction qu'en l'état actuel des lieux, ils vont se reproduire ; qu'il résulte également de l'instruction que la parcelle cadastrée n° 2131 qui supporte le chemin d'accès privé au fonds des requérants doit être entretenue à frais communs par moitié entre le propriétaire des parcelles cadastrées n° 2125 et 2128 et celles appartenant à MmeC... ; que la commune de Tavel et la compagnie Groupama Méditerranée doivent ainsi être condamnées à payer la somme de 4 505,25 euros TTC aux épouxC... ;
En ce qui concerne les conclusions aux fins d'injonction de réaliser les travaux préconisés par l'expert :
11. Considérant qu'une autorité saisie d'une demande tendant à ce que l'administration procède à des travaux ayant vocation à prévenir ou faire cesser des dommages de travaux publics doit prendre en considération, d'une part, les inconvénients que la situation existante entraîne pour les divers intérêts publics ou privés en présence, d'autre part, les conséquences de la réalisation des travaux pour l'intérêt général dont elle a la charge, compte tenu, notamment, de leur coût et apprécier, en rapprochant ces éléments, si la réalisation des travaux n'entraîne pas une atteinte excessive à l'intérêt général ; qu'il appartient au juge saisi de la contestation du refus opposé à une telle demande d'apprécier si ce refus n'est pas, à l'aune de ces critères, entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
12. Considérant que, par courrier du 21 novembre 2013, M. et Mme C...ont demandé au maire de Tavel de réaliser les travaux préconisés par l'expert ; que le maire a refusé de faire droit à leur demande par décision du 30 décembre 2013 ; qu'ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif aux points 11 et 13 de sa décision, le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision doit être écarté comme inopérant et celui tiré du défaut de justification de ce refus doit l'être comme étant non assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C...sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande tendant à engager la responsabilité de la commune de Tavel pour les dommages de travaux publics subis, qui ont présenté un caractère spécial et anormal ;
Sur les dépens :
14. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre les frais de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes, liquidés et taxés à la somme de 3 296,10 euros TTC, à la charge définitive et solidaire de la commune de Tavel et de la compagnie Groupama Méditerranée ;
Sur les frais liés au litige :
15. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. et MmeC..., qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie tenue aux dépens, la somme que la commune de Tavel et la société Groupama Méditerranée demandent au titre des frais non compris dans les dépens qu'elles ont exposés ; qu'il y a lieu, en application des mêmes dispositions, de mettre à la charge solidaire de la commune de Tavel et de la compagnie Groupama Méditerranée la somme de 2 500 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés par M. et Mme C...; qu'enfin, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions du syndicat intercommunal mixte pour l'aménagement des bassins du Gard rhodanien et du syndicat mixte pour l'aménagement et la gestion équilibrée des Gardons, présentées sur le fondement des mêmes dispositions ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 4 mars 2016 du tribunal administratif de Nîmes est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de M. et Mme C...tendant à la condamnation solidaire de la commune de Tavel et de la compagnie Groupama Méditerranée.
Article 2 : La commune de Tavel et la compagnie Groupama Méditerranée sont condamnées solidairement à payer la somme de 4 505,25 euros TTC à M. et MmeC....
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme C...est rejeté.
Article 4 : Les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 3 296,10 euros TTC, sont mis à la charge solidaire de la commune de Tavel et de la compagnie Groupama Méditerranée.
Article 5 : La commune de Tavel et la compagnie Groupama Méditerranée verseront solidairement à M. et Mme C...la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Les conclusions de la commune de Tavel, de la compagnie Groupama Méditerranée, du syndicat intercommunal mixte pour l'aménagement des bassins du Gard rhodanien et du syndicat mixte pour l'aménagement et la gestion équilibrée des Gardons, présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C..., à Mme D...C..., à la commune de Tavel, à la compagnie Groupama Méditerranée, au syndicat intercommunal mixte pour l'aménagement des bassins du Gard rhodanien, au syndicat mixte pour l'aménagement et la gestion équilibrée des Gardons et au syndicat intercommunal d'adduction d'eau potable et assainissement de Lirac.
Délibéré après l'audience du 31 mai 2018, où siégeaient :
- M. Vanhullebus, président de chambre,
- MmeF..., première conseillère,
- Mme Duran-Gottschalk, première conseillère.
Lu en audience publique, le 14 juin 2018
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N° 16MA01371