La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/06/2018 | FRANCE | N°18MA00011-18MA00012

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 11 juin 2018, 18MA00011-18MA00012


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 16 janvier 2017 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande de titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à compter de sa notification en fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 17MA00872 du 27 juillet 2017, le tribunal administratif de Nice a rejeté la demande de M.A....

Procédure devant la Cour :

I. Par une première

requête et un mémoire complémentaire, enregistrés sous le n° 18MA00011, respectivement le 2 j...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 16 janvier 2017 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande de titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à compter de sa notification en fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 17MA00872 du 27 juillet 2017, le tribunal administratif de Nice a rejeté la demande de M.A....

Procédure devant la Cour :

I. Par une première requête et un mémoire complémentaire, enregistrés sous le n° 18MA00011, respectivement le 2 janvier et le 26 février 2018, M.A..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 27 juillet 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 16 janvier 2017 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a

rejeté sa demande de titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à compter de sa notification en fixant le pays de destination ;

3°) d'enjoindre, à titre principal, au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte de la somme de 200 euros par jour de retard, dans les huit jours de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) d'enjoindre à titre subsidiaire au préfet des Alpes-Maritimes de réexaminer sa demande dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer dans l'attente, sans délai, une autorisation provisoire de séjour assortie de la possibilité de travailler ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve de la renonciation au bénéfice de l'aide juridictionnelle en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la note en délibéré n'a pas été communiquée au préfet ;

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- l'instruction du dossier a été menée à charge et de manière partiale ;

- l'arrêté litigieux méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de

l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet des Alpes-Maritimes s'est estimé lié par l'avis du médecin inspecteur de la santé publique et n'a pas établi que le traitement médical serait disponible en Tunisie ;

- l'arrêté litigieux a également méconnu les articles 23 de la charte sociale européenne, 21, 25 et 34 de la charte des droits fondamentaux de l'union européenne et 22 de la convention franco-tunisienne de sécurité sociale du 26 juin 2003, dès lors qu'il ne lui est pas possible de bénéficier de son droit à la pension vieillesse,;

- il méconnaît également les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée

et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'arrêté en litige a été pris en violation de l'article 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle.

M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 octobre 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

II. Par une deuxième requête, enregistrée sous le n° 18MA00012, respectivement le 2 janvier et le 26 février 2018, M.A..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, le sursis à l'exécution de ce jugement attaqué ;

2°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, de délivrer à M. A...une autorisation provisoire de séjour dans le délai de quinze jours, à compter de la prochaine ordonnance rendue dans l'espèce ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que l'exécution du jugement attaqué risque d'entraîner pour lui des conséquences difficilement réparables et reprend les moyens développés dans sa requête au fond.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988, concernant le séjour et le travail des ressortissants tunisiens en France, modifié ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la charte sociale européenne ;

- la convention franco-tunisienne de sécurité sociale du 26 juin 2003 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Pecchioli a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que, par jugement du 27 juillet 2017, le tribunal administratif de Nice a rejeté la demande de M.A..., de nationalité tunisienne, tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 janvier 2017 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui octroyer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à compter de sa notification en fixant le pays de destination ; que M. A...relève appel de ce jugement ;

Sur la jonction :

2. Considérant que les requêtes susvisées n° 18MA00011 et n° 18MA00012 sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Sur la requête n° 18MA00011 :

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. " ; qu'il résulte de l'examen du jugement attaqué que le tribunal a identifié tous les moyens opérants soulevés par M. A... dans ses écritures et y a suffisamment répondu ; que, par suite, le tribunal n'a pas entaché le jugement en cause d'une irrégularité au regard des exigences posées par les dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du troisième alinéa de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux. " ; que, dans l'intérêt d'une bonne justice, le juge a toujours la faculté de rouvrir l'instruction, qu'il dirige, lorsqu'il est saisi d'une production postérieure à la clôture de celle-ci ; que, dans le cas particulier où cette production contient l'exposé d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et qui est susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire, le juge doit alors en tenir compte, à peine d'irrégularité de sa décision ;

5. Considérant que la note en délibéré que M. A...a produite le 23 juin 2017, après la séance publique mais avant la lecture de la décision, a été enregistrée au greffe du tribunal administratif de Nice et versée au dossier ; que cette note, qui a été simplement visée, sans être communiquée, ne contenait l'exposé d'aucune circonstance de fait ou élément de droit de nature à justifier de rouvrir l'instruction ; qu'ainsi, en se bornant à viser cette note sans prendre en compte son contenu pour rendre son jugement ni la communiquer, le tribunal n'a pas méconnu les dispositions de l'article R. 611-1 du code de justice administrative ; que le moyen tiré de la méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure juridictionnelle, ne peut dès lors qu'être écarté ;

6. Considérant, en troisième et dernier lieu, qu'aux termes de l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi et qui décidera ... des contestations sur des droits et obligations de caractère civil " ; que, par ailleurs, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, dans le cadre d'un recours pour excès de pouvoir, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'en demander directement la communication à la partie détentrice afin de pouvoir établir la réalité des faits du dossier ;

7. Considérant, que la circonstance invoquée par le requérant, selon laquelle les premiers juges aurait mené une instruction à charge et aurait fait preuve de partialité, n'est pas établi par les pièces produites, dès lors qu'il relevait de l'office du juge, à n'importe quel stade de la procédure, de renvoyer un dossier afin de demander communication de la pièce dont s'agit, qu'il estime essentielle à la solution du litige, à la partie qui en est détentrice ; qu'il résulte de ce qui précède que les moyens tirés du manque d'impartialité et de neutralité de la procédure doivent être écartés ;

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué :

8. Considérant, en premier lieu, que le droit à la protection sociale pour les personnes âgées reconnu par l'article 23 de la charte sociale européenne révisée faite à Strasbourg le 3 mai 1996 et introduite dans l'ordre juridique interne par l'effet conjugué de la loi du 10 mars 1999 en autorisant l'approbation et du décret n° 2000-110 du 4 février 2000 qui en porte publication, est dépourvu d'effet direct à l'égard des particuliers ; que le moyen tiré de la violation de cet article ne peut dès lors être invoqué utilement à l'encontre de l'arrêté en litige ;

9. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 21 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Est interdite, toute discrimination fondée notamment sur (...) un handicap (...) " ; que l'article 25 de cette même Charte prévoit que " L'Union reconnaît et respecte le droit des personnes âgées à mener une vie digne et indépendante et à la participer à la vie sociale et culturelle " ; que l'article 34 de cette même Charte prescrit que " 1. L'Union reconnaît et respecte le droit d'accès aux prestations de sécurité sociale et aux services sociaux assurant une protection dans des cas tels que la maternité, la maladie, les accidents du travail, la dépendance ou la vieillesse (...) " ; qu'enfin selon l'article 22 de la convention franco-tunisienne de sécurité sociale du 26 juin 2003 " L'intéressé qui sollicite le bénéfice d'une ou plusieurs pensions de vieillesse ou pensions de survivants en application de la Convention adresse sa demande à l'institution compétente de l'État où il réside ou, s'il ne réside plus sur le territoire de l'un des deux États, à l'institution compétente de l'État où il a exercé en dernier lieu son activité, selon les modalités prévues par la législation qu'applique cette institution " ;

10. Considérant que le refus de délivrance de titre de séjour en litige assortie d'une obligation de quitter le territoire français en litige n'a ni pour objet, ni pour effet de faire obstacle à la liquidation des droits à pension de retraite de M.A... ; qu'il s'ensuit que les moyens tirés de la violation des articles susmentionnés à l'encontre de l'arrêté en litige ne peuvent qu'être écartés ;

11. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. (...) " ;

12. Considérant que M. A...fait valoir, à l'appui de sa demande d'admission au séjour, qu'à la date de l'arrêté contesté, il résidait en France de façon habituelle depuis neuf années et qu'il avait auparavant, soit de 1971 à 1995, vécu habituellement en France ; que toutefois, l'ancienneté du séjour sur le territoire national ne constitue pas, à elle seule, un motif exceptionnel d'admission au séjour ou une considération humanitaire au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;

13. Considérant, en cinquième et dernier lieu, que les autres moyens de la requête de M. A... à l'encontre de l'arrêté en litige tirés de la méconnaissance du 7° et du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés pour les motifs retenus par les premiers juges, qu'il y a lieu d'adopter ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande ;

Sur la requête n° 18MA00012 :

15. Considérant que la Cour statuant par le présent arrêt sur les conclusions de la requête de M. A... tendant à l'annulation du jugement attaqué, les conclusions de sa requête n° 18MA00012 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont privées d'objet ; qu'il n'y a pas lieu, par suite, d'y statuer ;

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

16. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions tendant à l'annulation de la décision litigieuse, n'implique aucune mesure particulière d'exécution ; que, par suite, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par M. A...ne peuvent être accueillies ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique:

17. Considérant qu'il résulte des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du

10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait pas eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;

18. Considérant que les dispositions précitées font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance soit condamné à verser une quelconque somme à l'avocat de M.A..., au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête n° 18MA00011 de M. A... est rejetée.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 18MA00012.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à MeC....

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 28 mai 2018, où siégeaient :

- M. Bocquet, président de chambre,

- Mme Hameline, premier conseiller,

- M. Pecchioli, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 juin 2018.

2

N° 18MA00011 - 18MA00012


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18MA00011-18MA00012
Date de la décision : 11/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: M. Jean-Laurent PECCHIOLI
Rapporteur public ?: M. REVERT
Avocat(s) : JAIDANE ; JAIDANE ; JAIDANE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-06-11;18ma00011.18ma00012 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award