La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/06/2018 | FRANCE | N°16MA03606

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 11 juin 2018, 16MA03606


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

MM. C... et D...E...ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision de la commission départementale d'aménagement foncier de l'Aude du 26 février 2014.

Par un jugement n° 1403371 du 8 juillet 2016, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de MM. C... et D...E....

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 6 septembre 2016, M. C... E..., représenté par Me F..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tri

bunal administratif de Montpellier du 8 juillet 2016 ;

2°) d'annuler la décision de la commission d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

MM. C... et D...E...ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision de la commission départementale d'aménagement foncier de l'Aude du 26 février 2014.

Par un jugement n° 1403371 du 8 juillet 2016, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de MM. C... et D...E....

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 6 septembre 2016, M. C... E..., représenté par Me F..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 8 juillet 2016 ;

2°) d'annuler la décision de la commission départementale d'aménagement foncier de l'Aude du 26 février 2014 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision en litige intitulée " réclamation n° 2 portant réorganisation foncière de la commune de Clermont sur Lauquet " ne mentionne pas la composition de la commission départementale d'aménagement foncier lors de sa séance du 26 février 2014, de sorte que sa régularité ne peut être appréciée ;

- le procès-verbal de séance du 26 février 2014 méconnait les dispositions de l'article R. 121-10 du code rural et de la pêche maritime, dès lors qu'il ne mentionne pas les membres présents, ce qui ne permet pas de savoir si le quorum a été atteint et si les membres dits indispensables étaient présents ;

- la décision du 26 février 2014 en litige n'est pas suffisamment motivée dès lors que, si le choix de la solution n° 2 est expliqué, les motifs qui ont conduit la commission départementale d'aménagement foncier à écarter les trois autres hypothèses qui lui ont été soumises ne sont pas indiquées ;

- Le conseil municipal n'avait pas à se prononcer en faveur des modifications du tracé du chemin rural n° 1 consistant à le supprimer sur une section trop pentue d'environ 235 mètres et à créer un nouveau tracé sur une longueur estimée à 740 mètres, ne pouvant délibérer que sur les modifications du tracé telles qu'elles étaient définies dans la solution n° 2 retenue par la CDAF du 11 mai 2005 ;

- les dispositions de l'article L. 121-10 du code rural et de la pêche maritime ont été méconnues ;

- l'opération retenue au titre de la réclamation n° 2 qui prévoit l'élargissement du chemin rural n° 1 ne présente manifestement aucune utilité publique, dès lors que les habitants des trois métairies du hameau de Laffon qu'il dessert utilisent depuis toujours une autre voie d'accès ;

- l'opération en cause est entachée d'un détournement de pouvoir dès lors qu'elle a seulement pour objet de satisfaire les intérêts strictement personnels des réclamants et que son coût est tel qu'il relève une erreur manifeste d'appréciation ;

- la parcelle qui leur a été attribuée en compensation n'est pas exploitable au regard des pentes du terrain, ne présente aucun intérêt cynégétique et entraîne un démembrement de leur propriété forestière ;

- le requérant soutient que son terrain devait lui être réattribué en raison d'un droit de chasse au gros gibier ;

- l'échange de terrain entre son compte de propriété et celui de la commune en vue de la réalisation du chemin n° 1 ne serait pas équivalent ;

- sa propriété a été dévalorisée, dès lors que le géomètre l'a classée en landes au lieu de bois-taillis à l'instar du classement du cadastre.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 mars 2018, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pecchioli,

- les conclusions de M. Revert, rapporteur public,

1. Considérant que, dans le cadre d'opérations de réorganisation foncière sur le territoire de la commune de Clermont-sur-Lauquet sur un périmètre de 686 hectares, autorisées par arrêté préfectoral du 24 juillet 2002, la commission départementale d'aménagement foncier de l'Aude, saisie de réclamations, a notamment fait droit, par une décision du 6 juillet 2005, à la réclamation n° 2 présentée par M. A..., par Mme G... et par Mme B... tendant à la modification du tracé du chemin rural n° 1 ; que MM. C... et D...E..., propriétaires indivis de deux ensembles de parcelles d'une superficie de plus de 63 hectares sur le territoire de la commune de Clermont-sur-Lauquet, dont une partie est concernée par la modification de l'emprise de ce chemin rural, ont contesté la légalité de cette décision ; que leur requête a été rejetée par un jugement du 13 juin 2008 du tribunal administratif de Montpellier ; que ce jugement ainsi que la décision de la commission départementale d'aménagement foncier de l'Aude ont été annulés par un arrêt en date du 3 février 2011, devenu définitif, de la cour administrative d'appel de Marseille, au motif que la commission avait méconnu sa compétence, en l'absence d'une délibération du conseil municipal décidant de modifier le tracé du chemin rural n° 1 et son emprise et, dans ce seul objectif, de procéder à un échange de terrain entre la commune et MM. E... ; que, par délibération du 7 février 2014, le conseil municipal de Clermont-sur-Lauquet a approuvé, sur proposition de la commission départementale d'aménagement foncier, les modifications apportées au tracé du chemin rural n° 1 ; que cette commission saisie de plein droit de la réclamation initiale sur laquelle elle avait statué, a pris une nouvelle décision le 26 février 2014 ; que, par jugement du 8 juillet 2016, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de MM. E... dirigée contre cette dernière décision ; que M. C... E...relève appel de ce jugement ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Considérant, en premier lieu et, d'une part, qu'aux termes de l'article R. 121-10 du code rural et de la pêche maritime : " (...) La commission départementale ne peut valablement délibérer que si son président ou son président suppléant et la majorité de ses membres, dont un représentant des propriétaires bailleurs, un représentant des propriétaires exploitants, un représentant des preneurs et, dans le cas prévu à l'article L. 121-9, un représentant des propriétaires forestiers sont présents. (...). Il est tenu procès-verbal des séances sur un registre coté et paraphé, avec indication des membres présents. Les procès-verbaux sont signés par le président et par le secrétaire. (...) " ; que, d'autre part, la composition de la commission départementale d'aménagement foncier de l'Aude a été fixée par un arrêté préfectoral du 16 janvier 2014 publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de l'Aude le 22 janvier 2014 ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces versées au dossier par le préfet de l'Aude devant les premiers juges, en particulier du procès-verbal de la commission départementale d'aménagement foncier de l'Aude du 26 février 2014, laquelle mentionne les membres présents, invités, absents et excusés ainsi que les réclamants et les tiers touchés, que celle-ci comprenait lors de la séance au cours de laquelle a été examinée la réclamation n° 2 en litige, outre son président, vingt et un des trente deux membres la composant, dont au moins un représentant de chacune des catégories des propriétaires exploitants, des propriétaires bailleurs, des propriétaires forestiers et des preneurs concernées par les opérations de remembrement et mentionnées à l'article R. 121-10 précité du code rural et de la pêche maritime ; qu'elle réunissait ainsi les membres obligatoires et le quorum lui permettant de valablement délibérer ; que, par ailleurs, si les requérants contestent l'extrait de la décision du 26 février 2014 portant sur la réclamation n° 2 qui leur a été notifié, amputé du procès-verbal de séance, ils n'établissent pas avoir demandé vainement au préfet de l'Aude à consulter le procès-verbal de la séance tenu sur un registre coté et paraphé avec l'indication des membres présents, conformément à l'article R. 121-10 du code rural et de la pêche maritime précité ; qu'il s'ensuit que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les mentions que comporte cette décision ne permettraient pas d'apprécier la régularité de la composition de la commission lors de sa séance du 26 février 2014 ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes des dispositions de l'article L. 121-17 du code rural, alors en vigueur, " (...) La commission communale... propose à l'approbation du conseil municipal l'état : (...) 2° Des modifications de tracé et d'emprise qu'il convient d'apporter au réseau des chemins ruraux et des voies communales. De même, le conseil municipal indique à la commission communale les voies communales ou les chemins ruraux dont il juge la création nécessaire à l'intérieur du périmètre d'aménagement foncier. (...) La création de chemins ruraux, la création et les modifications de tracé ou d'emprise des voies communales ne peuvent intervenir que sur décision expresse du conseil municipal. " ; qu'aux termes des dispositions de l'article L. 121-10 du même code " La commission départementale d'aménagement foncier a qualité pour modifier les opérations décidées par la commission communale ou intercommunale d'aménagement foncier. Ses décisions peuvent, à l'exclusion de tout recours administratif, faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir par les intéressés ou par le préfet ou le président du conseil général devant la juridiction administrative. En cas d'annulation par cette juridiction d'une décision de la commission départementale, la nouvelle décision de la commission doit intervenir dans le délai d'un an à compter de la date à laquelle cette annulation est devenue définitive. " ;

5. Considérant que les conseils municipaux sont seuls compétents pour décider la création, la suppression, la modification du tracé ou de l'emprise des chemins ruraux situés à l'intérieur du périmètre d'aménagement ; que, par suite, les commissions de remembrement ne peuvent qu'exécuter les décisions du conseil municipal qui s'imposent à elles dans tous les cas ; qu'ainsi M. E... se saurait utilement soutenir, par la voie de l'exception d'illégalité, que le conseil municipal ne pouvait, dans sa délibération du 7 février 2014, approuver le nouveau tracé du chemin rural n° 1 proposé par la CDAF mais qu'il devait uniquement approuver le tracé du chemin retenu lors de la précédente décision de la CDAF du 11 mai 2005, dès lors qu'une commission n'a pas le pouvoir de prononcer elle-même la suppression d'un chemin qui lui est demandée, même s'il est invoqué devant elle que sa création est illégalement intervenue ; qu'il s'ensuit que les moyens tirés de l'insuffisante motivation du choix du nouveau tracé du chemin rural, de l'absence d'utilité publique de la modification apportée par ce tracé, de l'erreur manifeste d'appréciation, du détournement de pouvoir et de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 121-10 du code rural et de la pêche maritime ne peuvent être qu'écartés car inopérants ;

6. Considérant, en troisième lieu, que M. E... ne saurait pas non plus utilement soutenir que la mise en oeuvre de l'opération de réorganisation foncière dans la commune de Clermont-sur-Lauquet serait illégale pour ne pas respecter les dispositions précitées de l'article L. 126-4 du code rural et de la pêche maritime, dès lors que celles-ci étaient inapplicables aux opérations de réorganisation foncière régies par les seules dispositions du chapitre II du titre II du livre 1er du code rural et de la pêche maritime ;

7. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes des dispositions de l'article L. l22-7 du code rural et de la pêche maritime, en vigueur à la date de la décision en litige," s'il apparaît alors que des oppositions au projet d'échanges, ainsi établi, émanent de moins de la moitié des propriétaires intéressés représentant moins du quart de la superficie soumise à échanges, la commission départementale d'aménagement foncier peut décider que les échanges contestés seront, en totalité ou en partie, obligatoirement réalisés, sauf s'ils concernent des terrains mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 123-3, ainsi que les dépendances indispensables et immédiates mentionnées à l'article L. 123-2. " ; qu'aux termes des dispositions de l'article L. 123-3 du code rural et de la pêche maritime, alors en vigueur, " doivent être réattribués à leurs propriétaires, sauf accord contraire, et ne subir que les modifications de limites indispensables à l'aménagement:( ...) 5° De façon générale, les immeubles dont les propriétaires ne peuvent bénéficier de l'opération de remembrement, en raison de l'utilisation spéciale desdits immeubles" ;

8. Considérant que l'existence d'un droit de chasse portant sur les terrains agricoles en cause ne saurait en lui-même et en l'absence de tout aménagement permanent, conférer à ces parcelles le caractère de terrains à utilisation spéciale au sens des dispositions précitées de l'article L. 123-3 du code rural et de la pêche maritime ; que, par suite la commission départementale d'aménagement foncier n'était pas tenue de réattribuer les parcelles en litige ;

9. Considérant, en cinquième et dernier lieu et d'une part qu'aux termes des dispositions de l'article L. 122-1 du code rural, alors en vigueur, " la réorganisation foncière a pour objet d'améliorer à l'intérieur d'un périmètre déterminé la structure des fonds agricoles et forestiers par voie d'échanges de parcelles... " et aux termes des dispositions de l'article L. 122-5 " (...) Sauf accord exprès de l'intéressé, chaque propriétaire doit recevoir des attributions d'une valeur vénale équivalente à celle de ses apports et d'une superficie qui ne doit être ni inférieure, ni supérieure de plus de 10 % à celle desdits apports" ; que, d'autre part, aucune disposition relative à la réorganisation foncière n'impose d'opérer un classement des parcelles concernées selon la nature de culture dont elle relève des parcelles concernées ou selon leur classement cadastral ;

10. Considérant que l'opération de réorganisation foncière retenue par la commission départementale d'aménagement foncier consiste à donner à la commune la propriété de 4 hectares 86 ares de terrain au sud et sud-est, correspondant aux parcelles cadastrées WK 20 et 22, sur lesquels se trouve la nouvelle emprise du chemin rural, sans morceler la propriété des consorts E...et, en compensation, à attribuer à ces derniers la parcelle cadastrée WH17 d'une contenance de 5 hectares 35 ares et 87 centiares, confortant les propriétés existantes des consorts E...dans ce secteur avec la création d'un îlot d'une surface de 13 hectares 23 ares et 72 centiares ; qu'en l'état du dossier, l'appelant n'apporte aucun élément de nature à démontrer la différence de valeur vénale entre les apports et les attributions de son compte de propriété n° 280, se bornant à faire valoir sans l'établir que l'échange de parcelles a fait subir à sa propriété forestière une perte de valeur, notamment sur le plan des ressources cynégétiques et en raison de la pente du terrain ; qu'au surplus il ne ressort pas des pièces du dossier que cet échange, qui confère au requérant un apport foncier d'une superficie supérieure à celle des parcelles octroyées à la commune, serait de nature à aggraver les conditions d'exploitation de sa propriété forestière ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'appelant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une quelconque somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que les conclusions présentées par M. E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent dès lors qu'être rejetées ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E...et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

Copie en sera adressée au préfet de l'Aude.

Délibéré après l'audience du 28 mai 2018, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- Mme Hameline, premier conseiller,

- M. Pecchioli, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 juin 2018.

2

N° 16MA03606


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA03606
Date de la décision : 11/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

03-04 Agriculture et forêts. Remembrement foncier agricole.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: M. Jean-Laurent PECCHIOLI
Rapporteur public ?: M. REVERT
Avocat(s) : TOUSSET

Origine de la décision
Date de l'import : 19/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-06-11;16ma03606 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award