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05/06/2018 | FRANCE | N°16MA00219

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 05 juin 2018, 16MA00219


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

- M. D... B...a demandé au tribunal administratif de Marseille :

I. Par une requête, enregistrée sous le n° 1301341, d'annuler la décision en date du 16 janvier 2013 par laquelle le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt a rejeté sa demande de protection fonctionnelle formée le 3 décembre 2012, d'enjoindre au ministre de lui accorder la protection fonctionnelle ainsi que de lui octroyer une aide morale et psychologique et une lettre de soutien, dans le délai d'un mois à com

pter de la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de re...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

- M. D... B...a demandé au tribunal administratif de Marseille :

I. Par une requête, enregistrée sous le n° 1301341, d'annuler la décision en date du 16 janvier 2013 par laquelle le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt a rejeté sa demande de protection fonctionnelle formée le 3 décembre 2012, d'enjoindre au ministre de lui accorder la protection fonctionnelle ainsi que de lui octroyer une aide morale et psychologique et une lettre de soutien, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de condamner l'Etat à lui verser, en conséquence, la somme de 3 969,47 euros au titre des frais de justice qu'il a engagés ;

II. Par une requête, enregistrée sous le n° 1405186, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 100 000 euros en réparation des conséquences dommageables subies du fait du harcèlement moral dont il estime avoir été victime ;

III. Par une requête, enregistrée sous le n° 1405286, d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt a rejeté sa demande de protection fonctionnelle formée le 7 mai 2014 et d'enjoindre au ministre, à titre principal, de lui accorder la protection fonctionnelle, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande dans un délai de trois mois, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

- Mme A...C... a demandé au tribunal administratif de Marseille :

IV. Par une requête, enregistrée sous le n° 1504824, d'annuler la décision en date du 16 janvier 2013 par laquelle le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt a rejeté sa demande de protection fonctionnelle formée le 1er décembre 2012, d'enjoindre au ministre de lui accorder la protection fonctionnelle ainsi que de lui octroyer une aide morale et psychologique et une lettre de soutien, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de condamner l'Etat à lui octroyer le bénéfice de la protection fonctionnelle et à lui verser, en conséquence, la somme de 5 382 euros au titre des frais de justice qu'elle a engagés ;

V. Par une requête, enregistrée sous le n° 1405281, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 100 000 euros en réparation des conséquences dommageables qu'elle estime avoir subies du fait d'agissements caractérisés de harcèlement moral ;

VI. Par une requête, enregistrée sous le n° 1405284, d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt a rejeté sa demande de protection fonctionnelle formée le 7 mai 2014 et d'enjoindre au ministre de lui accorder la protection fonctionnelle, de lui apporter une aide morale et psychologique et de rédiger une lettre de soutien à son intention, dans le délai de trois mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 200 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1301341, 1405186, 1405286, 1405281, 1405284 et 154824 du 14 décembre 2015, le tribunal administratif de Marseille a joint ces six requêtes et les a rejetées.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 21 janvier 2016, M. D... B...et Mme A... C..., représentés par Me E..., demandent à la Cour :

1°) de réformer ce jugement du 14 décembre 2015 ;

2°) d'annuler les décisions du 16 janvier 2013 par lesquelles le ministre de l'agriculture leur a refusé la protection fonctionnelle ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'agriculture de leur accorder la protection fonctionnelle ainsi qu'une aide morale et psychologique dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de condamner l'Etat à leur verser les sommes de 3 969,47 euros pour M. B... et 5 382 euros pour Mme C... au titre de leurs frais de justice ;

5°) d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de l'agriculture a rejeté leur demande de protection fonctionnelle formée le 7 mai 2014 ;

6°) d'enjoindre au ministre de l'agriculture de leur accorder la protection fonctionnelle ou, subsidiairement, de réexaminer leur demande dans le délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

7°) de condamner l'Etat à leur verser la somme de 100 000 euros à chacun en réparation du harcèlement moral dont ils estiment avoir été victimes ;

8°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros à chacun en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les dispositions de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 ainsi que de la circulaire du 5 mai 2008 ont été méconnues ;

- les décisions de refus de protection fonctionnelle sont entachées d'une erreur d'appréciation ;

- la responsabilité de l'Etat est engagée sur le fondement du harcèlement moral dont ils ont été victimes ;

- ils ont subi un préjudice moral et des troubles dans leurs conditions d'existence.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 mai 2018, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B... et Mme C... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Schaegis,

- et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

1. Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 : " Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions et conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales, d'une protection organisée par la collectivité publique qui les emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire au fonctionnaire. / Lorsqu'un fonctionnaire a été poursuivi par un tiers pour faute de service et que le conflit d'attribution n'a pas été élevé, la collectivité publique doit, dans la mesure où une faute personnelle détachable de l'exercice de ses fonctions n'est pas imputable à ce fonctionnaire, le couvrir des condamnations civiles prononcées contre lui. / La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté... " ; que ces dispositions législatives établissent à la charge de l'Etat ou des collectivités publiques intéressées et au profit des fonctionnaires lorsqu'ils ont été victimes d'attaques relatives au comportement qu'ils ont eu dans l'exercice de leurs fonctions, une obligation de protection à laquelle il ne peut être dérogé, sous le contrôle du juge, qu'en cas de faute personnelle de l'agent ou pour des motifs d'intérêt général ;

En ce qui concerne le bénéfice de la protection fonctionnelle demandé en 2012 :

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, le 16 novembre 2012, le proviseur du lycée d'enseignement général technologique agricole de Gap, où étaient affectés M. B... depuis 2002 et Mme C... depuis la rentrée de 2012, a adressé un courrier électronique à l'ensemble de la communauté éducative du lycée, au surplus relayé par une autre enseignante de l'établissement, à deux personnes étrangères à cette communauté ; que, ce message, intitulé " trop, c'est trop " imputait à M. B... et à Mme C... l'habitude de recourir à des courriers mensongers et diffamatoires, stigmatisait leur perversité, leur haine et leurs frustrations et leur reprochait de dissimuler derrière leur action syndicale la poursuite d'intérêts particuliers " en nuisant le plus possible à la direction " ; qu'il est constant que c'est pour obtenir la prise en charge des frais occasionnés par leur dépôt de plainte contre le proviseur, pour atteinte à l'intimité de leur vie privée et diffamation publique, que les intéressés ont sollicité, les 1er et 3 décembre 2012, le bénéfice de la protection fonctionnelle prévue par les dispositions précitées ;

3. Considérant que, s'il résulte des pièces du dossier que la dégradation du climat général de l'établissement pouvait être partiellement imputée aux prises de positions de M. B... et Mme C..., exprimées avec une virulence que n'exige pas nécessairement l'action syndicale, ces interventions, qui correspondaient à une critique de l'organisation du service, ne pouvaient pour autant être regardées comme des faits révélant des préoccupations d'ordre privé constitutifs d'une faute personnelle des agents ; que, par ailleurs, contrairement à ce qu'a estimé le ministre de l'agriculture pour rejeter leurs demandes le 16 janvier 2013, aucun élément tangible ne pouvait faire redouter que la prise en charge par l'administration des honoraires de leur avocat soit de nature à aggraver le climat conflictuel existant, et susceptible d'avoir une incidence directe sur la qualité de l'enseignement dispensé au sein du lycée ; qu'aucun autre motif d'intérêt général n'ayant été invoqué, il résulte de ce qui précède que les appelants sont fondés à soutenir que leur administration était tenue, dans les circonstances de l'espèce, de leur accorder la protection sollicitée, et que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a rejeté leurs conclusions à fin d'annulation dirigées contre les décisions en date du 16 janvier 2013 par lesquelles le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt a rejeté leurs demandes de protection fonctionnelle formées les 1er et 3 décembre 2012 ;

4. Considérant que les intéressés n'établissent pas que leur situation nécessitait une aide morale et psychologique autre que la médiation mise en place par leur administration ; qu'au demeurant, leur situation actuelle, dont ils estiment qu'elle leur a fait retrouver leur sérénité, ne nécessite plus aucune mesure particulière de cette nature ; qu'ils ne sont donc pas fondés à demander qu'elle soit prescrite ;

5. Considérant que M. B... et Mme C... justifient avoir supporté des frais d'avocat pour des montants respectifs de 3 969,47 euros et 5 382 euros en raison de l'action engagée pour atteinte à l'intimité de leur vie privée et diffamation publique en 2012 ; que, toutefois, si les dispositions précitées de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 font obligation à l'administration d'accorder sa protection à l'agent victime de diffamation dans l'exercice de ses fonctions, protection qui peut prendre la forme d'une prise en charge des frais engagés dans le cadre de poursuites judiciaires qu'il a lui-même introduites, elles n'ont pas pour effet de contraindre l'administration à prendre à sa charge, dans tous les cas, l'intégralité de ces frais ; que l'agent ne peut prétendre qu'au remboursement d'une partie des frais engagés lorsque le montant des honoraires réglés apparaît manifestement excessif au regard, notamment, des pratiques tarifaires généralement observées dans la profession, des prestations effectivement accomplies par le conseil pour le compte de son client ou encore de l'absence de complexité particulière du dossier ; que, dans les circonstances de l'espèce, eu égard à la nature des faits pour lesquels la requérante a demandé le bénéfice de la protection fonctionnelle, et à l'absence de complexité particulière de leurs dossiers, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par chacun des appelants en condamnant l'Etat à leur verser à chacun la somme de 2 000 euros ;

En ce qui concerne le harcèlement moral allégué et la protection fonctionnelle demandée à ce titre :

6. Considérant qu'il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral, lorsqu'il entend contester le refus opposé par l'administration dont il relève à une demande de protection fonctionnelle fondée sur de tels faits de harcèlement, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

7. Considérant que M. B... et Mme C... soutiennent qu'ils ont été victimes de faits de harcèlement moral, pour les conséquences dommageables desquels ils devraient obtenir réparation, et que c'est à tort que le ministre leur a refusé le bénéfice de la protection fonctionnelle par ses décisions implicites nées du silence gardé sur leurs demandes formées le 7 mai 2014 ; qu'ils reprennent ainsi en appel les moyens invoqués en première instance ; qu'en l'absence de toute circonstance de droit ou de fait nouvelle présentée à l'appui de ces moyens, l'illégalité des décisions du 16 janvier 2013 ne pouvant pas être analysée isolément comme un fait de harcèlement moral, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif de Marseille, de les écarter, et en conséquence de rejeter les conclusions de M. B... et de Mme C... à fin d'annulation du jugement attaqué en tant qu'il rejette leurs conclusions à fin d'annulation et indemnitaires fondées sur l'existence d'un harcèlement moral ; que le rejet de ces conclusions n'implique aucune mesure d'exécution, et qu'il n'y a pas lieu, en conséquence, de faire droit à leurs conclusions à fin d'injonction présentées sur ce fondement ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à M. B... et Mme C... à ce titre ;

D É C I D E :

Article 1er : Les décisions du 16 janvier 2013 par lesquelles le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt a rejeté les demandes de protection fonctionnelle formées les 1er et 3 décembre 2012 par M. B... et Mme C... sont annulées.

Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. B... et à Mme C... la somme de 2 000 euros à chacun en réparation des frais occasionnés par la procédure pénale engagée en 2012.

Article 3 : Le jugement du 14 décembre 2015 est annulé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à M. B... et Mme C... la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B..., à Mme A... C...et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

Délibéré après l'audience du 22 mai 2018, où siégeaient :

- M. Gonzales, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- Mme Schaegis, première conseillère.

Lu en audience publique, le 5 juin 2018.

2

N° 16MA00219


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA00219
Date de la décision : 05/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Statuts - droits - obligations et garanties - Garanties et avantages divers - Protection contre les attaques.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. GONZALES
Rapporteur ?: Mme Chrystelle SCHAEGIS
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : MARTIN-AMOUROUX

Origine de la décision
Date de l'import : 19/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-06-05;16ma00219 ?
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