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31/05/2018 | FRANCE | N°17MA03694

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 31 mai 2018, 17MA03694


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...A...épouseD..., a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 23 mars 2017 par lequel le préfet de l'Aude a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1702205 du 20 juillet 2017, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 août

2017, MmeA..., représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...A...épouseD..., a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 23 mars 2017 par lequel le préfet de l'Aude a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1702205 du 20 juillet 2017, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 août 2017, MmeA..., représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 20 juillet 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Aude du 23 mars 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Aude de faire droit à la demande d'asile de Mme A... ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le jugement du 20 juillet 2017 ne répond pas au moyen tiré de l'impossibilité, par une même personne, d'instruire une demande de titre de séjour et de prendre la décision de rejet ;

- l'arrêté du 23 mars 2017 a été pris par une autorité incompétente ;

- la même personne ne peut instruire une demande de titre de séjour et prendre une décision de rejet de cette demande ;

- la procédure est entachée d'un vice tiré de la méconnaissance de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- l'arrêté n'est pas motivé ;

- le préfet de l'Aude s'est cru en situation de compétence liée après les décisions de refus prises par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) ;

- la motivation de l'arrêté selon laquelle elle serait entrée sur le territoire Schengen le 7 janvier 2017 est entachée d'une erreur de fait ;

- l'arrêté méconnaît les articles 2, 3, 5, 6 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il méconnaît la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- il méconnaît la circulaire du 28 novembre 2012 ;

- il méconnaît le principe constitutionnel de non-refoulement des étrangers prévu par les articles 31 et 33 de la convention de Genève de 1951.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 octobre 2017, le préfet de l'Aude conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme A...ne sont pas fondés.

Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 octobre 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention relative au statut des réfugiés ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Barthez a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

Sur la régularité du jugement :

1. Le tribunal administratif de Montpellier a analysé le moyen soulevé par Mme A... relatif à l'impossibilité, pour une même personne, d'instruire une demande de titre de séjour et de signer la décision de refus de cette demande. Il y a répondu au point 4 en estimant que ce moyen était sans influence sur la légalité de l'arrêté. Par suite, Mme A...n'est pas fondée à soutenir qu'en l'absence de réponse à ce moyen, le jugement serait irrégulier.

Sur le bien fondé du jugement :

2. En premier lieu, les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de l'acte et de l'insuffisance de motivation de l'arrêté en litige doivent être écartés par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 2 et 4 du jugement attaqué.

3. En deuxième lieu, il ne ressort d'aucun principe ni d'aucune disposition applicable qu'une même personne ne pourrait instruire une demande de titre de séjour et signer la décision rejetant cette demande. Le moyen ainsi soulevé par Mme A...doit donc être écarté.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". Aux termes de l'article L. 121-2 du même code : " Les dispositions de l'article L. 121-1 ne sont pas applicables : (...) 3° Aux décisions pour lesquelles des dispositions législatives ont instauré une procédure contradictoire particulière ".

5. La procédure contradictoire prévue par ces dispositions n'est pas applicable aux décisions statuant sur une demande. Ainsi, Mme A...ne peut utilement les invoquer à l'encontre de la décision rejetant sa demande de titre de séjour pour soutenir qu'elle serait irrégulière faute d'avoir été précédée d'une procédure contradictoire.

6. Il ressort des dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français. Dès lors, l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ne peut être utilement invoqué à l'encontre d'une décision portant obligation de quitter le territoire.

7. En quatrième lieu, il ne ressort ni de la mention dans la motivation de l'arrêté contesté des décisions de refus de la demande d'asile prises par l'OFPRA et la CNDA respectivement le 8 avril 2014 et le 21 novembre 2014 ni d'aucune autre pièce du dossier que le préfet de l'Aude se serait cru en situation de compétence liée pour rejeter la demande de titre de séjour dont il était saisi et obliger Mme A...à quitter le territoire français.

8. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

9. MmeA..., ressortissante serbe née en 1979, qui soutient s'être installée en France en décembre 2013, ne réside en France de manière habituelle, selon ses propres allégations, que depuis une durée de trois ans et demi avec son époux et leurs trois enfants âgés de six ans, de deux ans et neuf mois et de seize jours à la date de l'arrêté contesté. Son époux est également en situation irrégulière. Par suite, même si la requérante a parfois exercé un emploi de service à temps partiel, les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français n'ont pas porté à son droit au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elles ont été prises.

10. En sixième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces dispositions que dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

11. La circonstance que le fils aîné de Mme A...soit inscrit à l'école et que les deux plus jeunes enfants soient nés en France ne fait pas obstacle à ce que leur mère soit éloignée et qu'ils s'établissent dans le pays d'origine de leurs parents où la vie familiale peut se reconstituer. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit donc être écarté.

12. En septième lieu, dans la motivation de l'arrêté contesté, le préfet de l'Aude a notamment mentionné les décisions prises en 2014 par l'OFPRA et la CNDA et sa précédente décision du 11 mai 2015 portant obligation de quitter le territoire français et indiqué que Mme A... s'est maintenue sur le territoire français. Par suite, à supposer même que le motif de cet arrêté selon lequel Mme A...aurait indiqué être entrée sur le territoire des Etats parties aux accords de Schengen le 7 janvier 2017 soit entaché d'une erreur de fait, il ressort des pièces du dossier que le préfet de l'Aude ne s'est pas mépris sur la durée du séjour en France de l'intéressée. Ainsi, il résulte de l'instruction que le préfet de l'Aude aurait pris les mêmes décisions s'il ne s'était fondé que sur leurs motifs exacts relatifs, notamment, au caractère irrégulier du séjour de l'époux de Mme A...et à l'absence d'atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale.

13. En huitième lieu, aux termes de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi (...) ". Aux termes de l'article 3 de cette convention : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article 5 : " Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté (...) ". Aux termes de l'article 6 : " Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable (...) ".

14. Mme A...ne produit aucun élément de nature à établir qu'en cas de retour dans son pays d'origine, en raison notamment de son origine rom et de son mariage avec une personne n'ayant pas la même religion qu'elle, il pourrait être porté atteinte aux droits garantis par ces dispositions.

15. En neuvième lieu, en se limitant à mentionner que l'arrêté contesté méconnaît le principe constitutionnel de non-refoulement des étrangers prévu par les articles 31 et 33 de la convention de Genève de 1951, Mme A...n'assortit pas son moyen de précisions suffisantes pour permettre au juge d'en apprécier la portée. En tout état de cause, il ressort des pièces du dossier que Mme A...a pu former une demande d'asile qui a été examinée par l'OFPRA et la CNDA.

16. En dixième lieu, la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile énonce des orientations générales destinées à éclairer les préfets dans l'exercice de leur pouvoir de prendre des mesures de régularisation, sans les priver de leur pouvoir d'appréciation. Ces énonciations ne constituent donc pas des lignes directrices dont les intéressés peuvent utilement se prévaloir devant le juge.

17. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Aude. Par voie de conséquence, et en tout état de cause, les conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, quelque somme que ce soit à verser au conseil de Mme A...au titre des frais non compris dans les dépens que celle-ci aurait exposés si elle n'avait pas été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A...épouseD..., à Me E...B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Aude.

Délibéré après l'audience du 17 mai 2018, où siégeaient :

- M. Vanhullebus, président,

- M. Barthez, président assesseur,

- M. Argoud, premier conseiller.

Lu en audience publique le 31 mai 2018.

N° 17MA03694 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA03694
Date de la décision : 31/05/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. VANHULLEBUS
Rapporteur ?: M. Alain BARTHEZ
Rapporteur public ?: Mme CHAMOT
Avocat(s) : BIDOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-05-31;17ma03694 ?
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