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28/05/2018 | FRANCE | N°16MA01416

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 28 mai 2018, 16MA01416


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...C...a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner la commune de Murviel-lès-Montpellier à lui verser une somme totale de 201 802,26 euros, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité de la décision du maire du 9 décembre 2004 préemptant les parcelles cadastrées section A n° 1432 et 151.

Par un jugement n°1400605 du 18 février 2016, le tribunal administratif de Montpellier a condamné la com

mune de Murviel-lès-Montpellier à verser à M. C...une indemnité de 5 346,79 euros asso...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...C...a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner la commune de Murviel-lès-Montpellier à lui verser une somme totale de 201 802,26 euros, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité de la décision du maire du 9 décembre 2004 préemptant les parcelles cadastrées section A n° 1432 et 151.

Par un jugement n°1400605 du 18 février 2016, le tribunal administratif de Montpellier a condamné la commune de Murviel-lès-Montpellier à verser à M. C...une indemnité de 5 346,79 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 18 septembre 2013 et de leur capitalisation en réparation de ses préjudices, ainsi qu'une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 13 avril 2016, 27 janvier, 28 février et 9 mai 2017, M.C..., représenté par la SCP B...d'Albenas, demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 18 février 2016 en tant qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires au titre de la perte de loyers et des troubles dans les conditions d'existence ;

2°) de condamner la commune de Murviel-lès-Montpellier à lui verser les sommes de 97 200 euros et de 20 000 euros en réparation de ces préjudices ;

3°) de mettre en outre à la charge de la commune une somme de 2 500 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le préjudice résultant de la perte de loyers durant une période de neuf ans présente un caractère actuel, direct et certain ;

- il démontre que l'acquisition envisagée avait pour vocation dès 2004 la mise en location de l'immeuble, et qu'il aurait trouvé des locataires pour un loyer de 600 euros voire 900 euros par mois ;

- la commune, qui a elle-même loué le bien durant une période s'étendant probablement de septembre 2007 à 2010, a bénéficié d'un enrichissement sans cause à son détriment ;

- l'illégalité du refus, qui a entraîné la multiplication des procédures durant onze années avant qu'il entre en possession du bien, lui a causé des troubles dans ses conditions d'existence qui doivent être réparés à hauteur de 20 000 euros.

Par un mémoire enregistré le 4 septembre 2017, la commune de Murviel-lès-Montpellier, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. C...une somme de 2 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens de l'instance.

Elle soutient que :

- le requérant ne démontre ni le caractère certain ni le montant du préjudice locatif invoqué ;

- l'indemnisation des troubles dans les conditions d'existence n'a fait l'objet d'aucune demande préalable, et constitue une demande nouvelle irrecevable ;

- la matérialité de ce préjudice n'est en outre pas démontrée ;

- le jugement doit être confirmé en tant qu'il rejette les demandes relatives aux autres préjudices allégués.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Hameline, rapporteur ;

- les conclusions de M. Revert, rapporteur public ;

- les observations de Me B...pour M.C..., et celles de Me A...pour la commune de Murviel-lès-Montpellier.

1. Considérant que, par un jugement du 31 janvier 2008, le tribunal administratif de Montpellier a annulé pour excès de pouvoir la décision du 9 décembre 2004 par laquelle le maire de Murviel-lès-Montpellier a décidé d'exercer le droit de préemption urbain sur les parcelles cadastrées section A n°151 et n° 1432 dont M. D...C...s'était porté acquéreur ; que le jugement et la décision de préemption ont été annulés par un arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 7 mai 2010 devenu définitif après rejet par le Conseil d'Etat le 6 juin 2012 du pourvoi formé par la commune ; que M.C..., après avoir formé une demande préalable rejetée par la commune de Murviel-lès-Montpellier le 14 novembre 2013, a demandé au tribunal administratif de Montpellier la réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité de la décision de préemption et des agissements consécutifs de la commune pour un montant total de 201 802,26 euros ; que, par un jugement du 18 février 2016, le tribunal administratif a condamné la commune de Murviel-lès-Montpellier à verser à l'intéressé une indemnité de 5 346,79 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 18 septembre 2013 et de leur capitalisation ainsi qu'une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ; que M. C...interjette partiellement appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à ses conclusions tendant à la réparation des préjudices résultant de la perte de loyers et des troubles dans ses conditions d'existence ;

Sur la recevabilité des conclusions de la requête d'appel de M. C...:

2. Considérant que les conclusions et moyens présentés par M. C...devant la Cour, tendant à la réparation des troubles subis dans ses conditions d'existence du fait de la décision de préemption illégale et du retard apporté par la commune à lui rétrocéder le bien, visent à l'indemnisation du même préjudice que celui précédemment invoqué tant dans sa réclamation préalable que dans sa demande de première instance et déjà chiffré à une somme de 20 000 euros ; qu'en tout état de cause, la personne qui a demandé en première instance la réparation des conséquences dommageables d'un fait qu'elle impute à une administration est recevable à détailler ces conséquences devant le juge d'appel, en invoquant le cas échéant des chefs de préjudice dont elle n'avait pas fait état devant les premiers juges, dès lors que ces chefs de préjudice se rattachent au même fait générateur et que ses prétentions demeurent... ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par la commune à ces conclusions de la requête d'appel en raison de leur caractère de demande nouvelle ne peut qu'être écartée ;

Sur le bien-fondé du jugement contesté :

3. Considérant que M. C...demande la réparation du dommage qu'il estime avoir subi du fait de la perte des bénéfices escomptés par la mise en location de la maison d'habitation existante sur la parcelle illégalement préemptée ; que, toutefois, en se bornant à produire un document bancaire non signé intitulé " tableau de financement ", daté du 23 novembre 2004 et portant la mention " acquisition-locatif principal ", ainsi que des attestations établies en janvier 2017 par deux personnes de son entourage professionnel selon lesquelles il aurait eu l'intention d'acquérir un bien à Murviel-lès-Montpellier pour le louer et l'un d'eux aurait été éventuellement intéressé par cette location, M. C...ne peut être regardé comme justifiant d'un projet réel et certain d'investissement à fin de louer l'habitation concernée, à plus forte raison dès la fin de l'année 2004 et durant une période continue de neuf années, au surplus moyennant un loyer mensuel de 900 euros qui n'est étayé par aucun élément soumis à l'instruction ; qu'au demeurant, l'intéressé n'établit ni même n'allègue avoir cherché à donner le bien en location après en avoir obtenu la rétrocession, le cas échéant après réalisation de travaux à cette fin ; qu'enfin, la circonstance que la commune ait conclu de manière temporaire un bail de location dérogatoire sur le bien préempté le 15 juin 2006 pour un loyer sensiblement inférieur, avant de mettre à disposition l'immeuble durant plusieurs années afin d'assurer l'hébergement d'une équipe de fouilles archéologiques dépendant de l'université de Montpellier selon les éléments produits par le requérant, ne saurait démontrer la réalité du préjudice financier dont il fait état ; que ces faits ne sont pas davantage susceptibles, en toute hypothèse, de constituer un cas d'enrichissement sans cause de la commune alors propriétaire du bien, dont M. C... pourrait utilement se prévaloir ; qu'ainsi, il ne résulte pas des pièces produites par le requérant tant devant le tribunal administratif qu'en appel, que le préjudice invoqué relatif au manque à gagner résultant de l'impossibilité de louer l'habitation située sur la parcelle A n°1432 présenterait un caractère suffisamment direct et certain ; que, par suite, ses conclusions à fin de réparation de ce préjudice purement éventuel doivent être écartées ;

4. Considérant, en revanche, qu'il résulte de l'instruction que M. C...a été privé, du fait de la décision de préemption illégale, de la possibilité d'acquérir le bien immobilier pour lequel il avait conclu une promesse de vente et prévu un financement, durant une période de neuf années caractérisée par la multiplication des procédures contentieuses et l'incertitude sur la perspective d'acquisition initiale, alors notamment que la commune de Murviel-lès-Montpellier ne justifie d'aucune démarche avant la fin de l'année 2012 en vue de remédier aux conséquences de la préemption déclarée illégale par jugement du 31 janvier 2008 ; que le requérant établit ainsi avoir subi des troubles dans ses conditions d'existence, sans que la commune puisse utilement opposer la circonstance qu'il a lui-même intenté une action en référé en vue de déterminer l'état du bien immobilier après la préemption ; qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'affaire en fixant à 3 000 euros l'évaluation du préjudice subi de ce fait par M. C...;

5. Considérant que le requérant, ainsi qu'il l'a demandé devant les premiers juges, a droit aux intérêts au taux légal correspondant à cette indemnité de 3 000 euros à compter du 18 septembre 2013, date de réception de sa demande par la commune de Murviel-lès-Montpellier, ainsi qu'à la capitalisation des intérêts échus depuis plus d'un an dans les conditions prévues par l'article 1154 du code civil ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C...est fondé à demander la réformation du jugement attaqué du Tribunal administratif de Montpellier dans la mesure où l'indemnité qu'il lui alloue est inférieure à celle définie ci-dessus ; qu'il convient de porter cette somme à 8 346,79 euros assortie des intérêts et de leur capitalisation ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M.C..., qui n'est pas la partie perdante à titre principal dans la présente instance, soit condamné à rembourser à la commune de Murviel-lès-Montpellier les frais exposés par cette dernière et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune une somme de 2 000 euros à verser au requérant en application des mêmes dispositions ;

D É C I D E :

Article 1er : La somme de 5 346,79 euros que la commune de Murviel-lès-Montpellier a été condamnée à verser à M. C...par le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 18 février 2016 est portée à 8 346,79 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 18 septembre 2013. Les intérêts échus le 18 septembre 2014 puis à chaque échéance annuelle seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : Le jugement n° 1400605 du tribunal administratif de Montpellier du 18 février 2016 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : La commune de Murviel-lès-Montpellier versera une somme de 2 000 euros à M. C... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...C...et à la commune de Murviel-lès-Montpellier.

Délibéré après l'audience du 14 mai 2018 où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- Mme Hameline, premier conseiller,

- Mme Marchessaux, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 mai 2018.

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N° 16MA01416


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