Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... D...a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 4 avril 2017 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 1701715 du 18 octobre 2017, le tribunal administratif de Nice a rejeté la demande de M. D....
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 21 novembre 2017, M. D..., représenté par Me E... demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 4 avril 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ; à titre subsidiaire, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ; à titre infiniment subsidiaire, de réexaminer sa demande de titre de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros, à lui verser, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le préfet aurait dû saisir la commission du titre de séjour dès lors qu'il remplissait les conditions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté viole les stipulations de l'article 7 ter d) de l'accord franco-tunisien ;
- il viole les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il viole les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988, concernant le séjour et le travail des ressortissants tunisiens en France, modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné, par arrêté du 29 mars 2018, Mme G... Steinmetz-Schies, président assesseur, pour présider par intérim la 6ème chambre de la cour administrative d'appel de Marseille à compter du 1er avril 2018.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme G... Steinmetz-Schies, président-assesseur,
- et les observations de Me F..., substituant Me E... pour M. D....
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant tunisien, né le 9 mai 1986, est entré en France, selon ses dires, en janvier 2006 pour y rejoindre son père. M. D... a demandé, le 16 décembre 2016 son admission au séjour au titre des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est constituée une commission du titre de séjour (...) ". Aux termes de l'article L. 313-14 du même code : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans.(...) " . Aux termes de l'article R. 312-2 du même code : " Le préfet (...) saisit pour avis la commission lorsqu'il envisage de refuser de délivrer ou de renouveler l'un des titres mentionnés aux articles L. 313-8, quatrième alinéa, L. 313-11, L. 314-11 et L. 314-12 à l'étranger qui remplit effectivement les conditions qui président à leur délivrance. / La commission est également saisie dans les cas prévus aux articles L. 313-14 et L. 431-3. (...) " .
3. Si M. D... se prévaut d'une présence en France depuis plus de dix années pour bénéficier des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les pièces qu'il produit à l'appui de cette allégation émanent de grandes enseignes de distribution comme Darty, Carrefour, E. Leclerc ou Conforama, ne sont pas nominatives et sont insuffisamment probantes pour établir une présence personnelle en France depuis plus de dix ans. En toute hypothèse, le passeport vierge qu'il produit ne permet pas de justifier d'une présence en France, compte tenu de la suppression des contrôles aux frontières. Ainsi, à la date de l'arrêté attaqué, soit le 4 avril 2017, M. D... ne justifiait pas d'une présence habituelle de dix ans sur le territoire français, et par suite, le préfet des Alpes-Maritimes n'était pas tenu de saisir la commission départementale du titre de séjour.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Pour l'application de ces dispositions, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité, l'intensité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
5. M. D..., a déclaré être entré sur le territoire français en janvier 2006, pour rejoindre son père, M. A... D..., demeurant ...depuis 1972 sous couvert d'une carte de résident en cours de validité. Pour solliciter la délivrance d'un titre de séjour " vie privée et familiale ", le requérant soutient, en produisant son passeport, qu'il n'a pas quitté le territoire français depuis la date de son arrivée et qu'il apporte son aide à son père souffrant d'un diabète aggravé, de problèmes ophtalmiques et qu'il a subi diverses interventions chirurgicales. Toutefois, le requérant fournit la copie de deux courriers qui lui ont été adressés et qui mentionnent une adresse " chez M. B... ", différente de la domiciliation de chez son père chez qui il soutient résider. S'il fait valoir qu'il est la seule personne de sa famille à apporter un concours matériel et un soutien moral à son père et que son retour forcé dans son pays d'origine mettrait celui-ci, tant matériellement que psychologiquement, dans une situation difficile, il n'apporte aucun élément à l'appui de cette allégation. Si M. D... soutient également être dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine, il ne démontre pas n'entretenir aucun lien avec des membres de sa famille ou des proches restés en Tunisie. Enfin, s'il se prévaut d'une tentative d'insertion professionnelle dans la société française et de l'aide apportée à son père dans son commerce de boucherie, il ne produit pas, hormis une promesse d'embauche rédigée par son père en 2016, le moindre commencement de preuve de cette affirmation, alors que ses avis d'imposition font état d'une absence de revenu. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, M. D..., célibataire et sans charge de famille, qui ne justifie pas avoir durablement fixé sur le territoire français le centre de sa vie personnelle et familiale, n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté pris par le préfet des Alpes-Maritimes le 4 avril 2017 porte une atteinte disproportionnée au respect de son droit à mener une privée et familiale normale et méconnaît ainsi les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. En troisième lieu, si le requérant entend aussi se prévaloir des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour solliciter la délivrance d'un titre de séjour mention " salarié ", l'article L. 313-14 n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Il fixe ainsi, notamment, les conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-tunisien prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant tunisien souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-tunisien, au sens de l'article 11 de cet accord. Toutefois, si l'accord franco-tunisien ne prévoit pas, pour sa part, de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, il y a lieu d'observer que ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un titre de séjour à un ressortissant tunisien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation, ce que le préfet des Alpes-Maritimes a fait.
7. En quatrième lieu, aux termes des stipulations de l'article 7 ter d) de l'accord franco-tunisien précité : " Reçoivent de plein droit un titre de séjour renouvelable valable un an et donnant droit à l'exercice d'une activité professionnelle dans les conditions fixées à l'article 7: / - les ressortissants tunisiens qui, à la date d'entrée en vigueur de l'accord signé à Tunis le 28 avril 2008, justifient par tous moyens résider habituellement en France depuis plus de dix ans, le séjour en qualité d'étudiant n'étant pas pris en compte dans la limite de cinq ans ; (...) ". Il résulte de ces stipulations que les ressortissants tunisiens ne justifiant pas d'une résidence habituelle sur le territoire français depuis plus de dix ans au 1er juillet 2009, date d'entrée en vigueur de l'accord du 28 avril 2008, ne sont pas admissibles au bénéfice de l'article 7 ter d) de l'accord franco-tunisien.
8. Si le requérant se prévaut de ces stipulations, il ne justifie pas, pour les raisons exposées précédemment, d'un séjour habituel en France de dix ans à la date du 1er juillet 2009. Il n'est donc pas fondé à se prévaloir de ces stipulations pour obtenir à son profit un titre de séjour " vie privée et familiale ".
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 4 avril 2017 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes lui a refusé le titre de séjour sollicité, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par voie de conséquence, qu'être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 7 mai 2018, où siégeaient :
- Mme G... Steinmetz-Schies, président,
- M. Philippe Grimaud, premier conseiller,
- M. Allan Gautron, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 23 mai 2018.
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N° 17MA04510