Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. Duc B...A...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 3 avril 2017 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 1705863 du 19 décembre 2017, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
I. - Par une requête enregistrée le 19 janvier 2018 sous le n° 18MA00306, M. A..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de surseoir à statuer dans l'attente de l'intervention du jugement du tribunal administratif de Marseille dans l'instance n° 1704208 ;
3°) d'annuler l'arrêté du 3 avril 2017 du préfet des Bouches-du-Rhône ;
4°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ou un titre de séjour et de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier car le tribunal a statué alors qu'il sollicitait un sursis à statuer ;
- l'arrêté est entaché d'incompétence ;
- le préfet a commis une erreur de droit en considérant qu'il n'était pas pourvu d'une autorisation de travail ;
- le refus d'autorisation de travail édicté par le préfet lui a été notifié le 5 avril 2017 et n'était dès lors pas définitif à la date de l'arrêté attaqué ;
- le préfet a commis une erreur de droit en s'estimant en situation de compétence liée pour lui refuser un titre de séjour ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
II. - Par une requête enregistrée le 31 janvier 2018 sous le n° 18MA00440, M. A..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) de suspendre les effets de l'arrêté du 3 avril 2017 du préfet des Bouches-du-Rhône ;
2°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ou un titre de séjour et de réexaminer sa situation dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'exécution de l'arrêté remettrait en cause ses efforts d'insertion professionnelle ;
- les moyens tirés de ce que le préfet a commis une erreur de droit en s'estimant en compétence liée pour lui refuser un titre de séjour et a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales sont sérieux.
Par un mémoire en défense enregistré le 7 février 2018, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la situation de M. A... ne révèle aucune urgence ;
- les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné, par arrêté du 29 mars 2018, Mme Marie-Pierre Steinmetz-Schies, président assesseur, pour présider par intérim la 6ème chambre de la cour administrative d'appel de Marseille à compter du 1er avril 2018.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. E... Grimaud, rapporteur,
- et les observations de Me D..., substituant Me C..., pour M. A....
1. Considérant que les requêtes de M. A..., enregistrées respectivement sous les nos 18MA00306 et 18MA00440, sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt ;
2. Considérant que M. A..., ressortissant vietnamien né le 6 avril 1991, est entré en France le 25 août 2009 ; que, par un arrêté du 3 avril 2017, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer le titre de séjour qu'il avait sollicité sur le fondement de l'article L. 313-10 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il sera renvoyé ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 221-8 du code des relations entre le public et l'administration : " Sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires ou instituant d'autres formalités préalables, une décision individuelle expresse est opposable à la personne qui en fait l'objet au moment où elle est notifiée " ;
4. Considérant que M. A... fait valoir sans être contredit par le préfet des Bouches-du-Rhône que la décision du 6 février 2017 lui refusant le bénéfice d'une autorisation de travail lui a été notifiée le 5 avril 2017 ; qu'il résulte des dispositions précitées que cette décision ne lui était pas opposable à la date du 3 avril 2017 à laquelle a été édictée la décision lui refusant le séjour sur le fondement, notamment, des dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au motif qu'il n'était pas titulaire d'une autorisation de travail à raison de l'intervention le 6 février 2017 de la décision lui refusant une telle autorisation ; que M. A... est dès lors fondé à soutenir que la décision de refus de séjour ne pouvait, de ce fait, légalement intervenir et doit être annulée ainsi que, par voie de conséquence, l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination édictées le 3 avril 2017 ;
5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ; qu'il y a lieu dès lors, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué ni de surseoir à statuer, d'annuler ce jugement et l'arrêté du 3 avril 2017 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office à l'expiration de ce délai ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :
6. Considérant que le présent arrêt statue sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté attaqué ; que, dès lors, la requête de M. A... tendant à ce que la suspension de l'exécution de cet arrêté soit ordonnée sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative est devenue sans objet ; que, par suite, il n'y a pas lieu d'y statuer ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Considérant que l'annulation de l'arrêté contesté implique que la situation de M. A... soit réexaminée ; qu'il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de procéder à ce réexamen dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros demandée par M. A... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 18MA00440.
Article 2 : Le jugement n° 1705863 du tribunal administratif de Marseille du 19 décembre 2017 est annulé.
Article 3 : L'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 3 avril 2017 est annulé.
Article 4 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer la situation de M. A... dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 5 : L'Etat versera à M. A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. Duc B...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 16 avril 2018, où siégeaient :
- Mme Marie-Pierre Steinmetz-Schies, président,
- M. E... Grimaud, premier conseiller,
- M. Allan Gautron, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 7 mai 2018.
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N° 18MA00306, 18MA00440