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07/05/2018 | FRANCE | N°17MA02615

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 07 mai 2018, 17MA02615


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Le Thor et autres ont demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la nullité du contrat passé entre le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de la commune et du CCAS du Thor et la société Elios et de lui enjoindre de conclure ledit marché conformément au code des marchés publics.

Par une ordonnance n° 1700983 du 24 avril 2017, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Nîmes a rejeté pour incompétence de la juridictio

n administrative la demande de la commune.

Procédure devant la Cour :

Par une requête...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Le Thor et autres ont demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la nullité du contrat passé entre le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de la commune et du CCAS du Thor et la société Elios et de lui enjoindre de conclure ledit marché conformément au code des marchés publics.

Par une ordonnance n° 1700983 du 24 avril 2017, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Nîmes a rejeté pour incompétence de la juridiction administrative la demande de la commune.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 23 juin 2017, la commune de Le Thor, Mme N... C..., M. L... E..., M. H... G..., M. P... I..., M. J... A..., M. H... B..., le CCAS de Le Thor, représentés par Me F..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Nîmes ;

2°) de prononcer la nullité du contrat conclu par le CHSCT avec la société Elios ;

3°) d'enjoindre au CHSCT de conclure le marché en cause conformément à l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics et le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics.

Ils soutiennent que :

- le juge administratif est compétent pour connaître du litige relatif à la procédure de passation du contrat conclu entre le CHSCT et la société Elios, qui relève du droit de la commande publique, et le premier juge n'a pas répondu à ce moyen ;

- ils sont recevables à contester le contrat conclu dès lors que les délais de recours n'ont jamais commencé à courir faute de mesures de publicité ;

- ils ont intérêt à agir en tant que tiers au contrat dont les intérêts sont lésés ;

- la délibération du 13 juin 2016 du CHSCT n'a pas été précédée de la consultation des représentants de l'administration ;

- la désignation de la société Elios est irrégulière et méconnaît les règles de la commande publique ;

- le contrat conclu entre le CHSCT et la société Elios n'est pas valide.

Par un mémoire enregistré le 20 février 2018, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), représenté par Me K..., conclut :

- au rejet de la requête ;

- et à ce que les frais de procédure engagés par le secrétaire du CHSCT soient mis à la charge du maire de la commune de Le Thor, en tant que président du CHSCT ;

Il soutient que :

- la juridiction administrative n'est pas compétente ;

- les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 20 février 2018, la société Elios, représentée par MeD..., conclut :

- au sursis à exécution dans l'attente des arrêts de la cour d'appel de Nîmes et de la cour de Cassation ;

- au rejet de la requête ;

- à la condamnation de la commune de Le Thor à lui verser la somme de 40 127,35 euros toutes taxes comprises ;

- à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le contrat a été entièrement exécuté ;

- le contrat n'avait pas à être soumis aux règles de la commande publique ;

- aucun des manquements allégués n'est de nature à entraîner la nullité du contrat ;

- elle a droit au paiement des prestations réalisées.

Par une ordonnance du 7 février 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 6 mars 2018.

Un mémoire présenté pour la commune de Le Thor et autres, enregistré le 6 mars 2018, n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 ;

- l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 ;

- le décret n° 2012-170 du 3 février 2012 ;

- le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné, par arrêté du 29 mars 2018, Mme O... Steinmetz-Schies, président assesseur, pour présider par intérim la 6ème chambre de la cour administrative d'appel de Marseille, à compter du 1er avril 2018.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme O... Steinmetz-Schies, président ;

- les conclusions de M. Renaud Thiele, rapporteur public ;

- et les observations de Me M... représentant la commune de Le Thor et autres.

Une note en délibéré présentée pour la société Elios a été enregistrée le 18 avril 2018.

Considérant ce qui suit :

1. Le conseil municipal de la commune de Le Thor a décidé de réhabiliter les locaux accueillant la crèche municipale. Durant les travaux, de novembre 2015 à août 2016, celle-ci a été transférée dans un centre de loisirs, et le 2 février 2016, le comité d'hygiène et de sécurité des conditions de travail (CHSCT) s'est rendu sur place à la demande du personnel. Lors d'une réunion du CHSCT, le 1er juin 2016, le collège des représentants du personnel a décidé, sur le fondement des dispositions de l'article L. 4614-12 du code du travail, de faire appel à un expert agréé pour réaliser une expertise sur les risques psychosociaux encourus par les personnels de la crèche municipale. Ils ont désigné à cette fin la société Elios. Le maire de la commune de Le Thor, président du CHSCT, a demandé, le 8 novembre 2016, au tribunal de grande instance d'Avignon, de déclarer cette délibération nulle. Par ordonnance du 23 janvier 2017, cette demande a été rejetée. Toutefois, par un arrêt du 16 novembre 2017, la cour d'appel de Nîmes a déclaré nulle la délibération du 1er juin 2016 au motif que l'avis des représentants de la collectivité n'a pas été recueilli, et l'a annulé. Parallèlement, la commune a saisi le tribunal administratif de Nîmes d'une demande d'annulation du contrat conclu entre le CHSCT et la société Elios. Par une ordonnance du 24 avril 2017, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif a rejeté la demande de la commune sur le fondement de l'article R. 222-1 2° du code de justice administrative.

2. Le président de la 2ème chambre du tribunal administratif n'a pas répondu, ainsi que le font valoir à juste titre la commune de Le Thor et autres, au moyen tiré de ce que le contrat conclu par le CHSCT était soumis au code des marchés publics. Cette omission entache d'irrégularité l'ordonnance attaquée, et la commune de Le Thor et autres sont fondées à en demander l'annulation. Par la voie de l'évocation, il y a lieu de se prononcer sur les conclusions et moyens présentés par la commune de Le Thor et autres devant le tribunal administratif et la Cour.

3. Aux termes de l'article L. 4614-12 du code du travail, alors en vigueur : " Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail peut faire appel à un expert agréé : 1° Lorsqu'un risque grave, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l'établissement ; 2° En cas de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, prévu à l'article L. 4612-8-1 ; (...).". Aux termes de l'article R. 4614-19 du même code, dans sa version alors applicable : " Le président du tribunal de grande instance statue en urgence sur les contestations de l'employeur relatives à la nécessité de l'expertise, la désignation de l'expert, le coût, l'étendue ou le délai de l'expertise ". Aux termes de l'article L. 4614-13 du code du travail : " les frais d'expertise sont à la charge de l'employeur ".

4. En prévoyant que, lorsqu'un risque grave est constaté, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail peut faire appel, aux frais de l'employeur, à un expert agréé, le législateur a entendu régir entièrement la procédure suivie. Il a ainsi exclu le contrat conclu avec l'expert du champ d'application du code des marchés publics, dont les dispositions ont été reprises et modifiées par l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics et du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics. Ne pouvant dès lors être assimilé à un marché passé en application du code des marchés publics, un tel contrat ne revêt pas le caractère d'un contrat administratif par détermination du I de l'article 2 de la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier. Le contrat passé n'a en outre pas pour objet l'exécution de travaux publics. Il ne peut être regardé comme comportant des clauses impliquant dans l'intérêt général qu'il relève d'un régime exorbitant de droit public, et ne fait pas participer l'expert à l'exécution même d'une mission de service public. Ce contrat revêt donc le caractère d'un contrat de droit privé. Les conclusions dirigées contre la lettre de mission adressée à la société Elios par le CHSCT devaient donc être rejetées comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

5. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce de surseoir à statuer et de mettre à la charge des parties une somme quelconque au titre des frais de procédure et des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : L'ordonnance du 24 avril 2017 de la présidente de la 2ème chambre du tribunal administratif de Nîmes est annulée.

Article 2 : La demande présentée par la commune de Le Thor et autres est rejetée comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Article 3 : Les conclusions des parties tendant au versement de sommes au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Le Thor, Mme N... C..., M. L... E..., M. H... G..., M. P... I..., M. J... A..., M. H... B..., le CCAS de Le Thor, au CHSCT de la commune et à la société Elios.

Délibéré après l'audience du 16 avril 2018, où siégeaient :

- Mme O... Steinmetz-Schies, président,

- M. Philippe Grimaud, premier conseiller,

- M. Allan Gautron, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 7 mai 2018.

5

N°17MA02615


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA02615
Date de la décision : 07/05/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

17-03-02-03-01-02 COMPÉTENCE. RÉPARTITION DES COMPÉTENCES ENTRE LES DEUX ORDRES DE JURIDICTION. COMPÉTENCE DÉTERMINÉE PAR UN CRITÈRE JURISPRUDENTIEL. CONTRATS. CONTRATS DE DROIT PRIVÉ. CONTRATS DÉPOURVUS DE CLAUSES EXORBITANTES DU DROIT COMMUN ET DE PARTICIPATION AU SERVICE PUBLIC. - COMPÉTENCE DU JUGE ADMINISTRATIF - ABSENCE- LETTRE DE MISSION ADRESSÉE PAR UN COMITÉ D'HYGIÈNE, DE SÉCURITÉ ET DES CONDITIONS DE TRAVAIL (CHSCT) À UN CABINET D'EXPERTISE CONTRAT ADMINISTRATIF (ABSENCE) EXÉCUTION D'UN SERVICE PUBLIC (ABSENCE) CONTRAT COMPORTANT DES CLAUSES IMPLIQUANT DANS L'INTÉRÊT GÉNÉRAL QU'IL RELÈVE D'UN RÉGIME EXORBITANT DE DROIT PUBLIC (ABSENCE).

17-03-02-03-01-02 En prévoyant que, lorsqu'un risque grave est constaté, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail peut faire appel, aux frais de l'employeur, à un expert agréé, le législateur a entendu régir entièrement la procédure suivie. Il a ainsi exclu le contrat conclu avec l'expert du champ d'application du code des marchés publics, dont les dispositions ont été reprises et modifiées par l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics et du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics. Ne pouvant dès lors être assimilé à un marché passé en application du code des marchés publics, un tel contrat ne revêt pas le caractère d'un contrat administratif par détermination du I de l'article 2 de la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier. Le contrat passé n'a en outre pas pour objet l'exécution de travaux publics. Il ne peut être regardé comme comportant des clauses impliquant dans l'intérêt général qu'il relève d'un régime exorbitant de droit public, et ne fait pas participer l'expert à l'exécution même d'une mission de service public. Ce contrat revêt donc le caractère d'un contrat de droit privé,,[RJ1].


Références :

[RJ1]

(1) Rappr : Cass. soc. 14 décembre 2011, n° 10-20378, publiée au bulletin,,(2) Cass. Soc. 28 mars 2018, n° 16-29106.


Composition du Tribunal
Président : Mme STEINMETZ-SCHIES
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre STEINMETZ-SCHIES
Rapporteur public ?: M. THIELÉ
Avocat(s) : SCP JUNQUA ET ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 29/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-05-07;17ma02615 ?
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