Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SNCM a demandé au tribunal administratif de Bastia de condamner l'office des transports de Corse à lui verser la somme de 16 580 800 euros majorée des intérêts moratoires à compter du 28 février 2011 au titre de la neutralisation financière des conséquences de la grève ayant affecté l'exécution de la délégation de service public du 31 janvier 2011 au 18 mars 2011 et d'annuler les pénalités mises à sa charge par l'office des transports de Corse à raison de cette grève.
Par un jugement n° 1300890 du 23 juin 2016, le tribunal administratif de Bastia a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 24 août 2016 et le 14 décembre 2017, Me A..., agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société nationale Corse Méditerranée, représentée Me E..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bastia du 23 juin 2016 ;
2°) à titre principal, de condamner l'office des transports de Corse à lui verser, sur le fondement du contrat, la somme de 23 980 800 euros majorée des intérêts de droit à compter du 28 février 2011 et capitalisation de ces intérêts ;
3°) à titre subsidiaire, de condamner l'office des transports de Corse, à lui verser, sur le terrain de l'enrichissement sans cause, la somme de 14 814 000 euros et, sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle, la somme de 9 166 800 euros, majorées des intérêts de droit à compter du 28 février 2011 et capitalisation de ces intérêts ;
4°) de mettre une somme de 5 000 euros à la charge de l'office des transports de Corse en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la grève du 31 janvier 2011 au 18 mars 2011 reposait, en fonction de ses motifs et de son contexte, sur une cause externe à l'entreprise ;
- les critères de l'annexe 4 B à la convention de délégation de service public étant remplis, elle est en droit d'obtenir la réparation du préjudice qui en résulte et la décharge des pénalités infligées par l'office des transports de Corse ;
- à titre subsidiaire, elle est en droit d'être indemnisée sur le terrain de l'enrichissement sans cause et de la responsabilité quasi-délictuelle.
Par un mémoire enregistré le 13 novembre 2017, l'office des transports de Corse, représenté par Me D..., demande à la Cour :
1°) à titre principal de rejeter la requête ;
2°) à titre subsidiaire, de désigner un expert afin de déterminer les conséquences de la grève ayant affecté la société nationale Corse Méditerranée entre le 31 janvier 2011 et le 18 mars 2011 ;
3°) de mettre une somme de 3 500 euros à la charge de Me A..., agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société nationale Corse Méditerranée, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les conclusions tendant au versement de la somme de 7 400 000 euros en remboursement des pénalités sont irrecevables faute de demande préalable ;
- la grève constituait un mouvement interne à l'entreprise et les conditions de l'annexe 4 B à la convention de délégation de service public ne sont pas remplies.
Par une ordonnance du 27 septembre 2017, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 novembre 2017.
Par une ordonnance du 14 novembre 2017, la clôture de l'instruction a été reportée au 15 décembre 2017.
Par une ordonnance du 18 décembre 2017, la clôture de l'instruction a été fixéé au 12 janvier 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné, par arrêté du 29 mars 2018, Mme Marie-Pierre Steinmetz-Schies, président assesseur, pour présider par intérim la 6ème chambre de la cour administrative d'appel de Marseille à compter du 1er avril 2018.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C... Grimaud, rapporteur ;
- et les conclusions de M. B... Thiele, rapporteur public.
1. Considérant qu'une grève des personnels de la société nationale Corse Méditerranée a affecté, du 31 janvier au 18 mars 2011, l'exécution des obligations de service public incombant à cette société en application de la délégation de service public l'unissant à la collectivité territoriale de Corse pour la desserte maritime de l'île ; que la société nationale Corse Méditerranée a, le 19 octobre 2011, sollicité auprès de l'office des transports de Corse l'indemnisation des préjudices découlant de ce mouvement social, demande qui a été rejetée implicitement par cet office ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la responsabilité contractuelle :
S'agissant de la neutralisation des conséquences financières de la grève :
2. Considérant qu'aux termes des stipulations du A " analyse et conséquences financières des perturbations " de l'annexe 4 " perturbations pouvant intervenir dans l'exécution des services " du contrat de délégation de service public : " les incidents significatifs dans l'exécution du service feront l'objet d'un rapport établi par le (ou les) délégataire(s) concerné(s) adressé à l'office des transports de Corse. / Ce rapport précisera : / a) les causes de la perturbation / - internes au délégataire (incidents techniques, mouvements sociaux dans l'entreprise, etc.), / - externes au délégataire (obstacles ou difficultés à la libre pratique des ports desservis, mouvements sociaux dépassant le cadre de l'entreprise (...) " ; qu'aux termes du B " perturbations externes importantes et durables " de cette annexe : " en cas de perturbations importantes et durables (plusieurs semaines) dont les causes sont externes au délégataire, ce dernier pourra établir, avec l'accord de l'office des transports de Corse, un rapport particulier pour la période des perturbations. / Le principe retenu est de neutraliser, dans les comptes du délégataire, l'impact sur les recettes et sur les coûts induits par ces perturbations (...) " ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du préavis de grève déposé par les organisations syndicales de la société nationale Corse Méditerranée le 20 janvier 2011 et des déclarations des représentants syndicaux retracées par les coupures de presse produites par les parties, que la grève déclenchée à compter du 31 janvier 2011 découlait quasi-exclusivement de circonstances et revendications relatives à la stratégie de l'entreprise, aux engagements de ses actionnaires, au maintien de sa flotte, de ses lignes et des emplois correspondants ; que si ces documents mentionnent également le milieu concurrentiel où opère l'entreprise, les projets de création d'une compagnie émanant de la collectivité territoriale de Corse et le périmètre de la future délégation de service public alors à conclure pour la période courant de 2013 à 2017, ces faits ne sont invoqués dans les documents émanant des organisations syndicales et les déclarations de leurs représentants que comme des éléments du contexte et non comme des causes du conflit ; qu'enfin, si les documents syndicaux et les parties prenantes au conflit ont fait état à plusieurs reprises de la décision des autorités portuaires de Nice de limiter l'accès de ce port aux navires à passagers et notamment au navire " Liamone " de la société nationale Corse Méditerranée, il ne résulte nullement de l'instruction que cette décision, d'ailleurs postérieure de plusieurs jours au dépôt du préavis de grève du 20 janvier 2011, entretiendrait un lien de causalité avec la décision de la direction de la compagnie de réduire la flotte et de réviser le programme des rotations des navires ; qu'elle n'apparaît pas, dès lors, avoir un lien de causalité quelconque avec le déclenchement de la grève ; qu'il s'ensuit que le conflit social ayant affecté la société nationale Corse Méditerranée du 31 janvier au 18 mars 2011, limité à cette seule entreprise et tenant à des considérations internes, doit être regardé comme une perturbation interne à l'entreprise pour l'application des stipulations précitées ; que, dès lors, les critères posés par le B de l'annexe 4 du contrat n'étant pas remplis, la société nationale Corse Méditerranée n'est pas fondée à solliciter l'indemnisation qu'elles prévoient ;
S'agissant des pénalités :
4. Considérant qu'aux termes des stipulations de l'article 10 de la convention de délégation de service public : " Nonobstant un éventuel recours en dommages et intérêts, toute interruption des services donne lieu à la mise en oeuvre de la procédure définie en annexe, ainsi qu'à une révision du montant de la compensation financière suivant les modalités suivantes et appliquée au(x) délégataire(s) défaillant(s). / Si les interruptions sont liées à des causes externes de l'entreprise assimilables à la force majeure, la compensation financière sera éventuellement diminuée du solde, s'il est positif, des postes définis dans l'annexe susvisée. / Dans les autres cas, la diminution de la compensation financière se fera suivant le principe du service fait, c'est-à-dire au prorata des services effectués. Si le nombre de ces services non effectués (hors force majeure ou causes externes) dépasse, sur l'année civile, 2 % du total des services programmés, il sera appliqué, en sus, une pénalité correspondant à 25 % de la diminution de la compensation financière ainsi calculée " ;
5. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la grève ayant affecté le service du 31 janvier au 18 mars 2011 ne peut être regardée comme externe à l'entreprise ; que celle-ci n'est dès lors pas fondée à demander à être déchargée des pénalités mises à sa charge par l'office des transports de Corse en application des stipulations précitées ;
En ce qui concerne la responsabilité quasi-contractuelle et quasi-délictuelle :
6. Considérant que les parties sont liées par un contrat dont elles n'arguent pas l'absence de validité ; que Me A... ne peut dès lors utilement invoquer la responsabilité quasi-délictuelle de l'office des transports de Corse, non plus que l'enrichissement sans cause de cet établissement ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Me A..., agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société nationale Corse Méditerranée, n'est pas fondé à se plaindre de ce que les premiers juges ont, par leur jugement attaqué, rejeté la demande présentée par cette société devant le tribunal administratif de Bastia ; que sa requête doit dès lors être rejetée ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant que ces dispositions s'opposent à ce que la somme réclamée par Me A..., agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société nationale Corse Méditerranée au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens soit mise à la charge de l'office des transports de Corse qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge du requérant une somme de 2 000 euros à verser à l'office des transports de Corse sur le fondement de ces dispositions ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Me A..., agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société nationale Corse Méditerranée, est rejetée.
Article 2 : Me A..., agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société nationale Corse Méditerranée versera la somme de 2 000 euros à l'office des transports de Corse au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la Me A..., agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société nationale Corse Méditerranée et à l'office des transports de Corse.
Délibéré après l'audience du 16 avril 2018, où siégeaient :
- Mme Marie-Pierre Steinmetz-Schies, président,
- M. C... Grimaud, premier conseiller,
- M. Allan Gautron, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 7 mai 2018.
5
N° 16MA03435