Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E...D...et Mme C...D..., agissant en qualité de représentants légaux de leur fils mineurF..., ont demandé au tribunal administratif de Bastia de condamner in solidum la communauté de communes de la A...Verde, la commune de Taglio Isolaccio et l'Etat à leur payer la somme de 5 000 euros à titre de provision en réparation des préjudices consécutifs à l'accident dont leur fils a été victime le 17 décembre 2012 dans la cour du groupe scolaire de Taglio Isolaccio et d'ordonner une expertise.
Par un jugement avant-dire droit n° 1400601 du 21 juillet 2016, le tribunal administratif de Bastia a déclaré la communauté de communes de la A...Verde responsable à hauteur des trois quarts des conséquences dommageables de l'accident dont le jeune F...a été victime et ordonné une expertise médicale.
Par un jugement n° 1400601 du 13 avril 2017, le tribunal administratif a condamné la communauté de communes à payer à M. et Mme D...la somme de 10 075,50 euros en réparation des préjudices subis et à la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Corse la somme de 502,25 euros au titre des débours exposés.
Procédure devant la Cour :
I. Par une requête, enregistrée le 21 septembre 2016 sous le n° 16MA03728, la communauté de communes de la A...Verde, représentée par MeG..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1400601 du tribunal administratif de Bastia du 21 juillet 2016 ;
2°) de rejeter les demandes présentées par M. et Mme D...devant le tribunal administratif ;
3°) de mettre à la charge de M. et Mme D...la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'ouvrage ne présente aucun défaut de conception dans le cadre d'une utilisation normale ;
- l'ouvrage a été correctement et régulièrement entretenu ;
- aucune signalisation n'avait à être mise en place ;
- l'imprudence de la victime l'exonère totalement de sa responsabilité.
Par un mémoire enregistré le 19 décembre 2016, la commune de Taglio Isolaccio, représentée par MeA..., conclut :
1°) à titre principal au rejet de la requête ;
2°) à titre subsidiaire au rejet de la demande présentée par les époux D...devant le tribunal administratif de Bastia ;
3°) à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de M. et Mme D...en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- elle n'a pas la charge de l'entretien de l'ouvrage public ;
- l'imprudence de la victime est à l'origine de ses dommages.
Par un mémoire enregistré le 2 mars 2017, le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que la communauté de communes ne conteste pas l'article 1er du jugement.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 mars 2017, M. et Mme D...demandent à la Cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) de réformer le jugement du 21 juillet 2016 par lequel le tribunal administratif de Bastia a retenu une faute de la victime à hauteur d'un quart et a rejeté leur demande de provision ;
3°) à titre principal de condamner la communauté de communes et à titre subsidiaire de condamner in solidum la communauté de communes et la commune de Taglio Isolaccio à leur payer la somme de 5 000 euros à titre de provision dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise, et à défaut d'ordonner une expertise technique portant sur les causes de l'accident ;
4°) à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la communauté de communes en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la responsabilité de la communauté de communes est engagée pour vice de construction, défaut d'entretien normal et défaut de signalisation ;
- la responsabilité de la commune de Taglio Isolaccio est également engagée pour défaut de surveillance ;
- la victime n'a commis aucune faute ;
- l'expertise est utile.
Par un mémoire en réplique enregistré le 3 avril 2017, la communauté de communes de la A...Verde conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens et soutient en outre que la demande de provision n'est pas justifiée et son montant devra le cas échéant être sensiblement réduit.
Les époux D...ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 22 mai 2017.
II. Par une requête, enregistrée le 24 mai 2017 sous le n° 17MA02177, la communauté de communes de la A...Verde, représentée par MeG..., demande à la Cour :
1°) à titre principal, d'annuler le jugement n° 1400601 du 13 avril 2017 par lequel le tribunal administratif de Bastia l'a condamnée à payer à M. et Mme D...la somme de 10 075,50 euros et à la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Corse les sommes de 502,25 euros et 167,42 euros au titre des débours exposés et de l'indemnité forfaitaire de gestion ;
2°) à titre subsidiaire, de ramener à la somme de 8 773,50 euros le montant de l'indemnité due aux époux D...et de rejeter la demande présentée par la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Corse devant le tribunal administratif de Bastia.
Elle soutient que :
- l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire et du préjudice esthétique temporaire et permanent est excessive ;
- l'existence d'un préjudice d'agrément n'est pas justifiée ;
- la caisse primaire d'assurance maladie ne justifie pas de la réalité des débours exposés ni de leur imputabilité à l'accident.
Par un mémoire en défense enregistré le 9 novembre 2017, M. et MmeD..., représentés par MeB..., demandent à la Cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) par la voie de l'appel incident :
- de réformer le jugement du 13 avril 2017 par lequel le tribunal administratif de Bastia a limité à la somme de 10 075,50 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné la communauté de communes de la A...Verde en réparation des préjudices subis ;
- de porter à la somme de 33 961,50 euros le montant de l'indemnité due par la communauté de communes ;
3°) de mettre à la charge de la communauté de communes la somme de 3 000 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- l'indemnisation de l'assistance par tierce personne, du déficit fonctionnel temporaire, des souffrances, du déficit fonctionnel permanent, du préjudice d'agrément et du préjudice esthétique permanent est insuffisante ;
- il convient de réparer le préjudice scolaire.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Duran-Gottschalk, rapporteure,
- et les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique.
Sur l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
1. Considérant qu'aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président " ;
2. Considérant qu'eu égard aux circonstances de l'espèce, il y a lieu de prononcer, en application des dispositions précitées, l'admission provisoire de M. et Mme D...au bénéfice de l'aide juridictionnelle dans l'instance n° 17MA02177 ;
Sur la jonction :
3. Considérant que les requêtes visées ci-dessus n° 16MA03728 et n° 17MA02177, présentées pour la communauté de communes de la A...Verde présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Sur l'utilité de l'expertise :
4. Considérant qu'il appartient à l'usager d'un ouvrage public victime d'un dommage de rapporter la preuve du lien de cause à effet entre l'ouvrage public et le dommage dont il se plaint ; que la collectivité en charge de l'ouvrage public doit alors pour que sa responsabilité ne soit pas retenue, établir que l'ouvrage public faisait l'objet d'un entretien normal ou que le dommage est imputable à la faute de la victime ou à un cas de force majeure ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment de la déclaration du maire de Taglio Isolaccio rédigée le jour de l'accident, que le 17 décembre 2012, à 11 h 40, le jeune F...D..., alors âgé de huit ans, s'est coincé le genou gauche dans l'espace compris entre le sol et les pointes du grillage séparant la cour de récréation du groupe scolaire de la commune d'un plateau sportif dont la communauté de communes de la A...Verde est maître d'ouvrage ; que la blessure a nécessité la réalisation de neuf points de suture et entraîné une incapacité totale de travail de 60 jours ; qu'il résulte de l'instruction, notamment des photographies produites, que la clôture séparant la cour de récréation du plateau sportif, constituée d'un grillage dont les picots du bas s'arrêtent pour certains à une hauteur maximale de 4 cm au-dessus du sol, ne présente pas en elle-même un caractère dangereux ; que de plus, la communauté de communes démontre, par un rapport du 14 novembre 2012, qu'elle a contrôlé l'état de cet ouvrage et qu'aucune défectuosité n'a été notée ; qu'ainsi, la communauté de communes rapporte la preuve qui lui incombe de l'entretien normal de l'ouvrage ;
6. Considérant que le défaut de surveillance des agents de la commune allégué par les épouxD..., qui n'est pas la cause du dommage, n'est pas établi ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'expertise ordonnée par le jugement du tribunal administratif de Bastia du 21 juillet 2016 aux fins d'évaluer les préjudices subis par F...D...en raison de l'accident survenu le 17 décembre 2012 était dépourvue d'utilité ; qu'ainsi, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise technique, la communauté de communes de la A...Verde est fondée à soutenir que c'est à tort que, par son jugement, le tribunal administratif de Bastia a ordonné une expertise ; que, par suite, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité des conclusions présentées en appel par M. et Mme D..., les articles 3 à 8 du jugement du 21 juillet 2016 doivent être annulés ; que par voie de conséquence de l'annulation de ce jugement avant-dire droit, il y a lieu d'annuler le jugement du 13 avril 2017 pris sur son fondement ;
8. Considérant qu'ainsi qu'il a été indiqué au point 5, la communauté de communes rapporte la preuve qui lui incombe de l'entretien normal de l'ouvrage public ; qu'il suit de là que, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise médicale, les conclusions présentées par M. et Mme D...et par la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Corse ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les dépens :
9. Considérant qu'il y a lieu de mettre les frais de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif de Bastia, liquidés et taxés à la somme de 600 euros, à la charge définitive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;
Sur les frais liés au litige :
10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la communauté de communes de la A...Verde, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. et Mme D... demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la communauté de communes de la A...Verde et de la commune de Taglio Isolaccio présentées sur le fondement des mêmes dispositions ;
D É C I D E :
Article 1er : M. et Mme D...sont admis, à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle dans l'instance n° 17MA02177.
Article 2 : Les articles 3 à 8 du jugement du tribunal administratif de Bastia du 21 juillet 2016 et le jugement du tribunal administratif de Bastia du 13 avril 2017 sont annulés.
Article 3 : Les demandes de M. et Mme D...et de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Corse présentées devant le tribunal administratif de Bastia sont rejetées.
Article 4 : Les frais de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif de Bastia, liquidés et taxés à la somme de 600 euros, sont mis à la charge définitive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 5 : Les conclusions présentées par la communauté de communes de la A...Verde et la commune de Taglio Isolaccio au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. E...D..., à Mme C...D..., à la communauté de communes de la A...Verde, à la commune de Taglio Isolaccio, au ministre de l'éducation nationale et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Corse.
Délibéré après l'audience du 12 avril 2018, où siégeaient :
- M. Vanhullebus, président,
- M. Barthez, président assesseur,
- Mme Duran-Gottschalk, première conseillère.
Lu en audience publique, le 3 mai 2018.
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N° 16MA03728, 17MA02177
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