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19/04/2018 | FRANCE | N°16MA01615

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre - formation à 3, 19 avril 2018, 16MA01615


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Cedauto Import a demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été notifiés au titre de la période du 1er octobre 2008 au 28 février 2011, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1403864 du 4 mars 2016, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 avril 2016, la SARL Cedauto Import, représentée par Me

A... et Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nîmes ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Cedauto Import a demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été notifiés au titre de la période du 1er octobre 2008 au 28 février 2011, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1403864 du 4 mars 2016, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 avril 2016, la SARL Cedauto Import, représentée par Me A... et Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 4 mars 2016 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a respecté les mentions portées sur les factures de ses fournisseurs et ignorait l'existence d'une double facturation ;

- la comptabilisation des opérations sous le régime des acquisitions intracommunautaires procède d'une simple erreur comptable ;

- la seule connaissance par le contribuable de la qualité des précédents propriétaires des véhicules ne suffit pas à exclure l'application de la marge et n'implique pas qu'elle ne pouvait ignorer que ce régime n'était pas applicable ;

- si elle connaissait la provenance géographique des véhicules, elle ignorait leur régime fiscal ;

- elle a effectué toutes les diligences nécessaires pour s'assurer de la fiabilité de ses fournisseurs et n'a nullement voulu masquer l'origine et le régime fiscal antérieur des véhicules ;

- l'administration fiscale lui a délivré des quitus fiscaux.

Par mémoire en défense, enregistré le 28 octobre 2016, le ministre chargé du budget conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné Mme Évelyne Paix, président assesseur, pour présider par intérim la 3ème chambre de la cour administrative d'appel de Marseille.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Haïli, rapporteur,

- et les conclusions de M. Ouillon, rapporteur public.

1. Considérant que la SARL Cedauto Import, qui a pour activité le négoce intracommunautaire de véhicules automobiles d'occasion, a fait l'objet, au cours des années 2011 et 2012, d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration fiscale a remis en cause l'application du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge et a adressé à la société, en conséquence, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée portant sur la période allant du 1er octobre 2008 au 28 février 2011, majorés des intérêts de retard et de pénalités de 40 % pour manquement délibéré ; que la SARL Cedauto Import relève appel du jugement du 4 mars 2016 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande de décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été notifiés au titre de la période du 1er octobre 2008 au 28 février 2011 ;

Sur les conclusions à fin de décharge :

2. Considérant qu'aux termes du I de l'article 256 bis du code général des impôts dans sa rédaction applicable en l'espèce : " 1° Sont également soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les acquisitions intracommunautaires de biens meubles corporels effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ou par une personne morale non assujettie lorsque le vendeur est un assujetti agissant en tant que tel et qui ne bénéficie pas dans son Etat du régime particulier de franchise des petites entreprises (...) / 2° bis Les acquisitions intracommunautaires de biens d'occasion (...) effectuées à titre onéreux par un assujetti (...) ne sont pas soumises à la taxe sur la valeur ajoutée lorsque le vendeur ou l'assujetti est un assujetti revendeur qui a appliqué dans l'Etat membre de départ de l'expédition ou du transport du bien les dispositions de la législation de cet Etat prises pour la mise en oeuvre des articles 312 à 325 ou 333 à 341 de la directive 2006/112/ CE du Conseil du 28 novembre 2006 (...) " ; qu'aux termes du I de l'article 297 A du même code : " 1° La base d'imposition des livraisons par un assujetti revendeur de biens d'occasion (...) qui lui ont été livrés par un non redevable de la taxe sur la valeur ajoutée ou par une personne qui n'est pas autorisée à facturer la taxe sur la valeur ajoutée au titre de cette livraison est constituée de la différence entre le prix de vente et le prix d'achat (...) " ; qu'aux termes de l'article 297 E du même code, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Les assujettis qui appliquent les dispositions de l'article 297 A ne peuvent pas faire apparaître la taxe sur la valeur ajoutée sur leurs factures ou tous autres documents en tenant lieu " ;

3. Considérant, d'une part, qu'il résulte de ces dispositions qu'une entreprise française assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée a la qualité d'assujetti revendeur et peut appliquer le régime de taxation sur la marge prévu par l'article 297 A du code général des impôts, lorsqu'elle revend un bien d'occasion acquis auprès d'un fournisseur situé en France ou dans un autre Etat membre qui, en sa qualité d'assujetti revendeur, lui a délivré une facture conforme aux dispositions précitées de l'article 297 E du code général des impôts, et dont le fournisseur, situé quant à lui dans un autre Etat membre, a aussi cette qualité ou n'est pas assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée ; que l'administration peut toutefois remettre en cause l'application de ce régime lorsque l'entreprise française connaissait ou ne pouvait ignorer la circonstance que son fournisseur n'avait pas la qualité d'assujetti revendeur et n'était pas autorisé à appliquer lui-même le régime de taxation sur la marge ;

4. Considérant, d'autre part, que, lorsqu'une entreprise produit des factures émanant de ses fournisseurs qui mentionnent que les ventes de véhicules s'effectuaient sous le régime de la taxe sur la marge, il incombe à l'administration, si elle s'y croit fondée, de démontrer, d'une part que les mentions portées sur ces factures sont erronées, d'autre part, que le bénéficiaire de ces achats de véhicules savait ou aurait dû savoir que les opérations présentaient le caractère d'acquisitions intracommunautaires taxables sur l'intégralité du prix de revente à ses propres clients, et sans que pèse sur le contribuable l'obligation de vérifier la qualité d'assujetti revendeur de ses fournisseurs ;

S'agissant des factures mentionnant la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge :

5. Considérant que la SARL Cedauto Import a acquis des véhicules en provenance d'Allemagne ou de Belgique auprès de fournisseurs situés principalement en Espagne, mais également en Roumanie et en Slovénie ; que ces fournisseurs établissaient des factures mentionnant l'application du régime de la marge ;

6. Considérant, d'une part, que pour remettre en cause le régime de taxation sur la marge, sous lequel la société requérante a revendu à des clients français cent quarante-quatre véhicules automobiles d'occasion acquis auprès de sept fournisseurs établis en Espagne, cinq fournisseurs roumains et un fournisseur slovène, l'administration fiscale s'est notamment fondée sur des informations obtenues auprès des autorités espagnoles et slovènes dans le cadre de la procédure d'assistance administrative internationale ; qu'il résulte ainsi de la proposition de rectification du 14 mai 2012 que ces autorités ont, par les informations et des pièces fournies, indiqué que les relevés contenant des factures de ventes émises par les fournisseurs espagnols et slovènes mentionnent l'application du régime d'acquisition intracommunautaire exonérée ; que ces mêmes informations établissent que les fournisseurs espagnols Eurocluster Sl, Import Export Calas SL, Motorway machines SL, Ferjavics SL, GCI Grupo SL, Cobar consulting SL et Talleres Hidalcan et le fournisseur slovène Ekspres plus Doo ne pouvaient pas appliquer le régime de la marge ; qu'un système de double facturation a d'ailleurs été découvert lors du contrôle de certains de ces fournisseurs ; que le contenu de ces informations et documents n'est pas sérieusement contredit par la société requérante ; qu'ainsi, les véhicules en cause devaient, lors de leur revente, être soumis à la taxe sur l'intégralité de leur prix de cession, et les fournisseurs de la société requérante n'étaient, dès lors, pas autorisés à appliquer le régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge et à délivrer à cette dernière des factures faisant référence à ce régime ; que, par suite, le ministre chargé du budget apporte la preuve que les mentions ainsi portées sur les factures délivrées à la SARL Cedauto Import par les sociétés espagnoles et slovènes étaient erronées ;

7. Considérant, d'autre part, que l'administration fiscale fait valoir, sans être davantage sérieusement démentie, que la SARL Cedauto Import a pris en charge le transport des véhicules qui ont tous été enlevés en Allemagne et convoyés directement vers la France, sans transiter par l'Espagne, la Slovénie ou la Roumanie, en sachant que le circuit d'acheminement des marchandises était différent de celui de leur commercialisation ; qu'alors que les pratiques frauduleuses triangulaires sur la taxe sur la valeur ajoutée à la marge sont désormais bien connues des professionnels du commerce et de la réparation automobile, la SARL Cedauto Import, créée en 2006 et spécialisée dans le négoce automobile de biens d'occasion, qui a acquis à de nombreuses reprises des véhicules après avoir consulté, sur un site internet d'annonces de véhicules d'occasion, les fiches desdits véhicules mentionnant explicitement la possibilité de déduire la taxe sur la valeur ajoutée, n'a pas pris les mesures raisonnablement attendues d'un opérateur professionnel pour prévenir le risque de fraude ; que pour établir que la société requérante ne pouvait ignorer qu'elle n'était pas en droit d'appliquer le régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge, l'administration fait également valoir que la société requérante était en possession des certificats d'immatriculation (" Fahrzeugbrief ") des véhicules achetés auprès des sociétés espagnoles et slovènes, mentionnant l'identité des premiers propriétaires ; qu'ainsi, la SARL Cedauto Import ne pouvait ignorer, en sa qualité de professionnel de l'automobile, que les véhicules avaient été acquis auprès d'assujettis-revendeurs allemands, qui, en tant que sociétés de location de véhicules, ou sociétés de financement de constructeurs automobiles ou encore constructeurs automobiles, avaient initialement affecté ces véhicules à une activité ouvrant droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée compte-tenu de la législation allemande sur la taxe sur la valeur ajoutée applicable aux véhicules de tourisme ; que l'administration fiscale relève en outre que la société a traité sur les plans comptable et fiscal toutes les acquisitions de véhicules d'occasion en litige comme des acquisitions intracommunautaires relevant du régime général, donnant lieu de janvier 2009 à février 2011 à une autoliquidation spontanée de la taxe sur la valeur ajoutée générant une déduction immédiate et intégrale de la taxe sur la valeur ajoutée ainsi liquidée ; que l'erreur de saisie par le cabinet d'expertise comptable, invoquée par la partie appelante, ne peut être admise compte tenu de l'ampleur des acquisitions sur une période de vingt-six mois, représentant une somme globale de 2 086 328 euros ; que, dans ces conditions, l'administration fiscale doit être regardée comme établissant que la SARL Cedauto Import ne pouvait ignorer que le régime de taxation sur la marge n'était pas applicable ;

8. Considérant, enfin, que le visa apposé par l'administration fiscale sur le certificat prévu au I. de l'article 242 terdecies de l'annexe II au code général des impôts est délivré sur le fondement d'un contrôle formel des documents présentés, pour les seuls besoins de l'immatriculation ou de la francisation d'un moyen de transport introduit en France, sans avoir pour objet de prendre position sur le régime fiscal applicable au regard de la taxe sur la valeur ajoutée, ainsi d'ailleurs qu'en témoignent les mentions figurant sur ce certificat ; que la société requérante ne saurait se prévaloir des termes de l'instruction 3 L-1-99 du 3 août 1999 portant sur les conditions de délivrance des certificats prévus par les dispositions des articles 242 terdecies et 242 quaterdecies de l'annexe II au code général des impôts, qui ne comportent aucune interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il est fait ici application ;

9. Considérant qu'il suit de ce qui a été dit aux points 6 à 8 que l'administration était fondée à remettre en cause l'application par la SARL Cedauto Import du régime de taxation sur la marge prévu par l'article 297 A du code général des impôts ;

S'agissant de la facture du véhicule de marque Audi :

10. Considérant qu'en ce qui concerne la facture du fournisseur espagnol du véhicule Audi 3 acquis le 16 juin 2009, il est établi et non contesté que ce document mentionne une acquisition soumise au régime général des acquisitions intracommunautaires conformément aux dispositions de l'article 28 quater A de la 6ème directive ; qu'il ne mentionne pas l'application du régime de la marge et n'est donc pas conforme aux exigences de l'article 297 E du code général des impôts ; que, par suite, le véhicule concerné ne pouvait faire l'objet d'une taxation à la marge en France, ce que la société appelante ne pouvait ignorer ; qu'ainsi, c'est à bon droit que l'administration a remis en cause le régime de la marge appliqué par la société pour ce véhicule ;

Sur les pénalités :

11. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du même code dans sa rédaction en vigueur à compter du 1er janvier 2006 : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré " ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la SARL Cedauto Import en sa qualité de professionnel de l'automobile, en recourant, par une suite continue et répétée d'achats sur toute la période, à des fournisseurs intermédiaires espagnols, slovènes et roumains dont elle n'ignorait pas qu'ils ne pouvaient appliquer le régime de taxation sur la marge, était nécessairement consciente de participer de manière active à un circuit organisé de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée dont l'objet était de soustraire la vente en France de ces véhicules importés à l'application de la taxe sur la valeur ajoutée sur le prix de vente total ; que, dans ces conditions, l'administration fiscale apporte la preuve qui lui incombe de l'intention délibérée de la société requérante d'éluder l'impôt justifiant l'application de la pénalité de 40 % prévue par les dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SARL Cedauto Import n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, verse à la société appelante une somme au titre des frais exposés en cours d'instance et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL Cedauto Import est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Cedauto Import et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-Mer.

Délibéré après l'audience du 5 avril 2018, à laquelle siégeaient :

- Mme Paix, président assesseur, président de la formation de jugement par intérim,

- M. Haïli, premier conseiller,

- M. Sauveplane, premier conseiller.

Lu en audience publique le 19 avril 2018.

2

N° 16MA01615


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA01615
Date de la décision : 19/04/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales.


Composition du Tribunal
Président : M. BEDIER
Rapporteur ?: M. Xavier HAILI
Rapporteur public ?: M. OUILLON
Avocat(s) : MBA et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 01/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-04-19;16ma01615 ?
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