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05/04/2018 | FRANCE | N°16MA01806-16MA02721

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre - formation à 3, 05 avril 2018, 16MA01806-16MA02721


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'EURL New Bounty a demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2009, 2010 et 2011 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011 ainsi que des amendes qui lui ont été appliquées sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts.

Par un j

ugement n° 1400947 du 24 mars 2016, le tribunal administratif de Toulon a déchargé la sociét...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'EURL New Bounty a demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2009, 2010 et 2011 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011 ainsi que des amendes qui lui ont été appliquées sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts.

Par un jugement n° 1400947 du 24 mars 2016, le tribunal administratif de Toulon a déchargé la société de l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts à hauteur de 355 206 euros au titre de l'année 2009 et de 195 746 euros au titre de l'année 2010 et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête, enregistrée le 9 mai 2016, sous le numéro 16MA01806, et un mémoire produit le 17 octobre 2016, l'EURL New Bounty représentée par Me C... demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 2 du jugement n° 1400947 du 24 mars 2016 du tribunal administratif de Toulon en tant qu'il rejette le surplus de sa demande ;

2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses en droits et pénalités et de l'amende infligée au titre de l'article 1759 du code général des impôts au titre de l'exercice 2011 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que:

- la procédure d'imposition suivie au titre de l'année 2011 est irrégulière, le service s'étant fondé sur les éléments antérieurs à l'envoi de l'avis de vérification la privant ainsi de la possibilité d'un débat oral et contradictoire ;

- l'enregistrement global des recettes en fin de journées ne suffit pas, à lui seul, compte tenu des dispositions de l'article 286-1-3° du code général des impôts à justifier le rejet de la comptabilité présentée ;

- la reconstitution de recettes ne pouvait être opérée pour les années 2009 et 2010 à partir des prix de vente de la seule période 2011 ;

- le chiffre d'affaire total des liquides doit être déterminé chaque année à partir des prix mentionnés sur les cartes produites ;

- les achats de liquides ont été incorrectement évalués, notamment en ce qui concerne l'utilisation de vin dans la confection des plats cuisinés ;

- la répartition retenue par le vérificateur pour la vente de vins entre pichets de 25 centilitres et de 50 centilitres est incorrecte ;

- les taux des pertes et offerts doivent être majorés pour les vins, la bière et les sirops ;

- le taux de pertes de 3 % retenu pour les cafés est également sous-évalué ;

- s'agissant des revenus distribués, le tribunal qui l'a déchargée des amendes appliquées au visa de l'article 1759 du code général des impôts pour les années 2009 et 2010 a omis de se prononcer sur l'amende appliquée au titre de l'année 2011 pour un montant de 250 942 euros ;

- les pénalités pour manquement délibéré appliquées sont injustifiées.

Par un mémoire enregistré le 23 septembre 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête de L'EURL New Bounty et fait valoir qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.

II. Par un recours enregistré le 6 juillet 2016 sous le n° 16MA02721, et un mémoire produit le 23 septembre 2016, le ministre chargé du budget demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 1er du jugement n° 1400947 en date du 24 mars 2016 du tribunal administratif de Toulon en tant qu'il a déchargé l'EURL New Bounty de l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts à hauteur de 355 206 euros au titre de l'année 2009 et de 195 756 euros au titre de l'année 2010 et de réformer en ce sens le jugement entrepris ;

2°) A titre subsidiaire, de limiter le montant des dégrèvements à celui des amendes mises en recouvrement au titre des année 2009 et 2010 et contestées tant dans la réclamation du 22 août 2013 que dans la requête devant le tribunal enregistrée le 12 mars 2014, soit 226 554 euros au titre de l'année 2009 et 96 034 euros au titre de l'année 2010 et de réformer en ce sens le jugement entrepris.

Il soutient que :

- le tribunal a statué ultra petita en accordant une décharge supérieure au montant des amendes mises en recouvrement ;

- la désignation par la société du bénéficiaire des revenus réputés distribués ne présentait aucun caractère de vraisemblance, justifiant ainsi la mise en oeuvre de l'article 117 du code général des impôts.

Par des mémoires en défense enregistrés le 5 septembre 2016 et le 17 octobre 2016, l'EURL New Bounty, représentée par Me C... demande à la Cour :

1°) de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a accordé à la société la décharge des amendes prévues par l'article 1759 du code général des impôts au titre des années 2009 et 2010 en les limitant aux montants mis en recouvrement ;

2°) de réformer le jugement entrepris en lui accordant la décharge de l'amende visée à l'article 1759 du code général des impôts au titre de l'exercice 2011 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- il n'est pas contestable que le tribunal a déchargé les amendes visées à l'article 1759 du code général des impôts à tort pour les montants notifiés au lieu des montants mis en recouvrement ;

- en revanche, le tribunal a omis de se prononcer sur l'amende mise en recouvrement en 2012 pour un montant de 250 942 euros ;

- les moyens du recours du ministre chargé du budget ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné Mme Évelyne Paix, président assesseur, pour présider par intérim la 3ème chambre de la cour administrative d'appel de Marseille.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Haïli,

- et les conclusions de M. Ouillon, rapporteur public.

1. Considérant que la requête de l'EURL New Bounty, enregistrée sous le n° 16MA01806 et le recours du ministre des finances et des comptes publics, enregistré sous le n° 16MA02721, sont dirigés contre le même jugement du tribunal administratif de Toulon et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

2. Considérant que l'EURL New Bounty, créée en mars 2008, qui exploite un restaurant situé à Six-Fours-Plages a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant initialement sur les exercices clos les 31 décembre 2009 et 31 décembre 2010 en matière d'impôt sur les sociétés et sur la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011 en matière de taxe sur la valeur ajoutée, puis, à la suite d'un second avis de vérification, sur l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2011 ; que par le jugement attaqué du 24 mars 2016 le tribunal administratif de Toulon, saisi par la société des rappels consécutifs à ces vérifications, lui a accordé la décharge de l'amende qui lui avait été infligée sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts à hauteur de 355 206 euros au titre de l'année 2009 et de 195 746 euros au titre de l'année 2010 et a rejeté le surplus de sa demande ; que l'EURL New Bounty demande à la Cour de réformer le même jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ; que le ministre des finances et des comptes publics demande à la Cour d'annuler l'article 1er du jugement en tant qu'il a déchargé l'EURL New Bounty de l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts au titre des années 2009 et 2010, et, à titre subsidiaire, d'en limiter le montant à celui des amendes effectivement mises en recouvrement au titre de ces années ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

3. Considérant que l'EURL New Bounty reprend en appel le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure suivie au titre de l'impôt sur les sociétés de l'année 2011 en estimant qu'elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité occulte et a été privée de la garantie tenant à l'existence d'un débat oral et contradictoire ; qu'il y a lieu toutefois d'écarter ce moyen qui ne comporte en appel aucun développement nouveau, par adoption des motifs retenus, à bon droit, par les premiers juges ;

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne le rejet de la comptabilité et la charge de la preuve :

4. Considérant que la contestation par l'EURL New Bounty des graves irrégularités entachant sa comptabilité ne comporte en appel aucun développement nouveau ; que le moyen tiré par la société requérante de ce que la comptabilité aurait été à tort écartée comme non probante doit être rejeté par adoption des motifs retenus, à bon droit, par les premiers juges ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 193 du même livre : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office, la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition " ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le service a établi les impositions contestées conformément à l'avis émis par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires en sa séance du 12 juillet 2013 et que, ainsi qu'il a été dit au point 4, l'administration fiscale a établi que la comptabilité de la société contribuable était entachée de graves irrégularités ; qu'il suit de là que la charge de la preuve de l'exagération tant des suppléments d'impôt sur les sociétés que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée incombe à l'EURL New Bounty;

En ce qui concerne la méthode de reconstitution de recettes :

7. Considérant que pour reconstituer les recettes de l'exploitation, le service a utilisé la méthode dite des " liquides " ; que le chiffre d'affaire des boissons a été établi à partir des factures d'achats fournies par l'EURL New Bounty ; qu'ensuite le gérant a été invité à tenir un inventaire détaillé de ses ventes entre le 10 avril 2012 et le 10 mai 2012 ; que les recettes détaillées, par nature, prix et quantités relatifs aux boissons et autres articles vendus sur cette période ont permis au vérificateur de reconstituer le chiffre d'affaires réalisé uniquement sur les ventes de liquides puis d'établir le rapport entre ce chiffre d'affaires " liquides " et le chiffre d'affaires total réalisé, qui s'est établi à 19,5 % ; que l'administration fiscale a ensuite appliqué ce pourcentage pour reconstituer l'ensemble du chiffre d'affaires réalisé sur la période vérifiée en partant des achats de liquides revendus et valorisés selon le relevé de prix de vente communiqué par le gérant ; qu'à la suite de l'avis de la commission départementale des impôts en date du 12 juillet2013, et pour se conformer à ce dernier, le chiffre d'affaire des liquides a été fixé à 23 % du chiffre d'affaire total réalisé ; que par ailleurs, l'administration fiscale a finalement s'agissant des quantités servies par produits, pertes et offerts, retenu une dose de sirops de 2 centilitre, une perte et une consommation du personnel évaluée à 3 % appliquée à l'ensemble des produits, un abattement de 12 % pour les bières et de 15 % pour les sirops ;

8. Considérant, en premier lieu, qu'au cours de la vérification le gérant de l'EURL New Bounty n'a pas été en mesure de produire la carte des prix des années 2009 et 2010 ; qu'il a remis les tarifs des années 2011 et 2012 et indiqué dans une attestation manuscrite du 16 mai 2012 que ceux-ci n'avaient pas augmenté entre 2009 et 2011 ; que les tarifs 2011 ont été utilisés par le vérificateur ; qu'en se bornant à produire, au contentieux, des photocopies de cartes non millésimées, dont elle soutient qu'il s'agirait des tarifs appliqués au cours des années 2009 et 2010 l'EURL New Bounty ne conteste pas les tarifs retenus par le service ;

9. Considérant, en deuxième lieu, que la société requérante demande la prise en compte supplémentaire de cent vingt litres de vin blanc " Le pas du loup " en 2010 et de cent vingt litres de vin " Côte de Provence Jazz blanc " en 2009, dont elle soutient qu'ils ont été utilisés pour la confection de moules marinières ; que toutefois, l'administration fiscale fait valoir sans être démentie que le gérant a attesté le 4 juin 2012 que seul le vin Chardonnay avait été utilisé pour la préparation des plats ; que faute pour la société de produire des éléments circonstanciés issus des données propres à l'entreprise, ce chef de contestation ne peut être qu'écarté ;

10. Considérant, en troisième lieu, que la société réclame que les doses de sirop soient retenues à hauteur de 7 centilitres de sirop au lieu de 2 centilitres pour la confection des boissons, compte tenu de la vente de ce type de boisson par verre de 50 centilitres ; que toutefois, pas davantage en appel que devant les premiers juges, elle ne justifie de la quantité ainsi revendiquée, alors que le dosage retenu résulte des déclarations du gérant lors d'une intervention du vérificateur et correspond aux doses admises dans la profession ;

11. Considérant, en quatrième lieu, que se fondant sur l'état détaillé des ventes établi pendant un mois à la demande du vérificateur, document qui a servi de base à la reconstitution effectuée, l'EURL New Bounty demande l'application d'une clé de répartition pour la revente des vins en pichet à concurrence d'un tiers pour les pichets de 25 centilitres et de deux tiers pour ceux de 50 centilitres ; que l'offre de pichets de 25 et de 50 centilitres figure sur la carte du restaurant ; que la répartition proposée par la contribuable conformément aux éléments figurant sur l'état détaillé des ventes, est plus précise que celle proposée par l'administration fiscale, qui n'a retenu que des reventes en pichets d'une contenance de 25 centilitres ; que l'administration fiscale n'est pas fondée à soutenir que cette prise en compte ne serait pas possible et ne conteste pas les calculs chiffrés de l'EURL New Bounty suivant cette répartition ; qu'il y a lieu, par suite, de fixer le chiffre d'affaires " liquides " des vins vendus en pichet sur place conformément à cette clé, s'agissant des vins Bertoulet, cubi rosé et Fontaine Pays Pichet au titre de l'exercice 2009, Escarcelle et Pas du loup en fut au titre de l'exercice 2010, et Escarcelle et Terrebonne en fut au titre de l'exercice 2011 ; que le montant du chiffre d'affaire des vins ainsi commercialisés doit être fixé à 21 105,26 euros TTC, pour l'exercice 2009, à 16 063,2 euros TTC pour l'exercice 2010 et à 13 051,35 euros TTC au titre de l'exercice 2011 ; que par suite, la minoration de recettes imputable à la société requérante pour ces trois exercices qui résulte de la différence entre les chiffres d'affaires reconstitués et ceux qui ont été déclarés doit être réduite à due concurrence ;

12. Considérant enfin que la société requérante critique la reconstitution des recettes liquides en soutenant que le taux de perte et offerts des vins et alcools sous-estimé doit être porté à 10 % ; que toutefois, elle ne produit aucun élément précis qui justifierait ses demandes, alors que le gérant a indiqué par courrier du 4 juin 2012 que son personnel n'était pas autorisé à consommer de l'alcool ; qu'au demeurant, l'administration fiscale a déjà tenu compte tenu de ces caractéristiques d'exploitation en portant le taux de sirop en pertes et consommation du personnel à 15 % ; que si la société fait valoir que le taux des pertes et offerts de café fixé à 3 % est sous-évalué et que devraient être décomptés mille neuf cent vingts cafés par an sur la base moyenne de sept employés, elle ne produit aucun élément circonstancié à l'appui de ce quantum supplémentaire ;

13. Considérant qu'il suit de là que l'EURL New Bounty est seulement fondée à demander la réduction pour les exercices 2009, 2010 et 2011 des montants des chiffres d'affaires reconstitués " liquide - vins vendus au pichet sur place" conformément au point n° 11 et par voie de conséquence, la réduction de ses bases imposables à l'impôt sur les sociétés et à la taxe sur la valeur ajoutée ;

Sur les pénalités :

En ce qui concerne la majoration prévue par l'article 1729 du code général des impôts :

14. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts dans sa rédaction applicable à l'espèce : " 1. Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 p. 100 si la mauvaise foi de l'intéressé est établie... " ;

15. Considérant qu'il résulte de l'instruction et de ce qui a été dit aux points 4 et 6 que l'EURL New Bounty, contrairement à ce qu'elle soutient, a entaché sa comptabilité d'insuffisances graves, et qu'elle a volontairement minoré son chiffre d'affaires de façon importante au cours des exercices vérifiés; qu'ainsi, l'administration, qui établit en l'espèce l'existence délibérée de la société requérante d'éluder l'impôt, a pu, à bon droit, faire application de la majoration exclusive de bonne foi pour les impositions supplémentaires en litige ;

En ce qui concerne l'amende infligée sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts :

S'agissant de régularité du jugement attaqué :

16. Considérant d'une part qu'ainsi que le relève l'EURL New Bounty, le tribunal administratif de Toulon, qui en était saisi, n'a pas statué sur l'amende infligée à la société requérante sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts au titre de l'année 2011 ; que le jugement est, par suite, entaché d'omission à statuer sur les conclusions tendant à la décharge de l'amende réclamée à l'EURL New Bounty sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts au titre de l'année 2011 ;

17. Considérant, d'autre part, qu'ainsi que le soutient le ministre des finances et des comptes publics, le tribunal administratif de Toulon a accordé à l'EURL New Bounty une décharge de l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts à hauteur de 355 206 euros au titre de l'année 2009 et de 195 746 euros au titre de l'année 2010 alors que le montant mis en recouvrement était chiffré à 226 554 euros au titre de l'exercice 2009 et à 96 034 euros au titre de l'exercice 2010 ; que le tribunal administratif de Toulon a par suite, statué ultra petita ; que ministre chargé du budget est fondé à demander l'annulation de l'article 1er du jugement du 24 mars 2016, en tant qu'il a accordé la décharge de l'amende prévue à l'article 1759 pour des sommes supérieures aux montants de 226 554 euros au titre de l'exercice 2009 et de 96 034 euros au titre de l'exercice 2010 ;

18. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 16 et 17 qu'il y a lieu de statuer par la voie de l'évocation sur les conclusions présentées par l'EURL New Bounty tendant à la décharge de l'amende qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts au titre de l'année 2011, par la voie de l'effet dévolutif de l'appel en ce qui concerne les conclusions présentées sur le même fondement au titre des exercices 2009 et 2010 à hauteur des montants respectifs de 226 554 euros pour 2009 et de 96 034 euros pour 2010 et d'annuler le jugement en ce qu'il a accordé une décharge supérieure à ces montants ;

S'agissant du bien fondé des majorations appliquées :

19. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 117 du code général des impôts : " Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution. / En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l'application de la pénalité prévue à l'article 1759 " ; qu'aux termes de l'article 1759 du même code : " Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité, sont soumises à une amende égale à 100 % des sommes versées ou distribuées (...) " ;

20. Considérant qu'invitée, sur le fondement de l'article 117 précité du code général des impôts, à faire connaître les bénéficiaires desdites distributions et leur modalité de distribution dans un délai de trente jours, l'EURL New Bounty a par lettre du 21 septembre 2012 désigné M. B... A...comme bénéficiaire des distributions et mentionné son adresse exacte ; que cette réponse même si elle ne mentionnait pas les parts détenues par M. A... ainsi que les modalités de versements, ne pouvait être considérée comme insuffisante et équivalant à un refus justifiant l'application de l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts ; qu'elle ne présente pas davantage un caractère d'invraisemblance comme le fait valoir en cours d'instance l'administration fiscale, dès lors que M. B...A...est le père du gérant de l'EURL New Bounty, JulienA..., et qu'il était lui-même actionnaire à 50,20 % des parts de la société Le Bounty dissoute le 31 mars 2008 pour laisser place à l'EURL requérante ; que, par suite, l'EURL New Bounty est fondée à demander la décharge de l'amende à laquelle elle a été assujettie sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts au titre de l'exercice 2011 ; que s'agissant des exercices 2009 et 2010, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Toulon a jugé que l'administration fiscale ne pouvait faire application de la même amende ;

21. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'EURL New Bounty est seulement fondée d'une part à demander la décharge, en droits et pénalités, des droits supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre des exercices 2009, 2010 et 2011, correspondant à la réduction de ses bases imposables conformément au point n° 11, d'autre part à demander la décharge de l'amende qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts au titre de l'exercice 2011 ; que le ministre des finances et des comptes publics est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a accordé à l'EURL New Bounty la décharge de l'amende qui lui a été réclamée sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts au titre des exercices clos en 2009 et 2010 à hauteur de montants excédant les sommes de 226 554 euros pour 2009 et de 96 034 euros pour 2010 ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

22. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

23. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme réclamée au titre des frais exposés par l'EURL New Bounty et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1400947 du 24 mars 2016 du tribunal administratif de Toulon est annulé en tant qu'il a omis de statuer sur la demande de l'EURL New Bounty tendant à la décharge de l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts au titre de l'année 2011 et en tant qu'il a déchargé l'EURL New Bounty de l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts au titre des année 2009 et 2010 pour des montants supérieurs respectivement à 226 554 euros et à 96 034 euros.

Article 2 : Les bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés et à la taxe sur la valeur ajoutée de l'EURL New Bounty au titre des exercices clos en 2009, 2010 et 2011 sont réduites à concurrence de la diminution des montants des chiffres d'affaires reconstitués " liquide - vins vendus au pichet sur place " énoncés au point n° 11.

Article 3 : L'EURL New Bounty est déchargée des droits supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée s'y rapportant, ainsi que des pénalités correspondantes correspondant à la réduction des bases imposables définie à l'article 2 ci-dessus.

Article 4 : L'EURL New Bounty est déchargée de l'amende à laquelle elle a été assujettie sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts au titre de l'exercice 2011.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête d'appel n° 16MA01806 de l'EURL New Bounty et le surplus du recours n° 16MA02721 du ministre chargé du budget sont rejetés.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à l'EURL New Bounty et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée au directeur de contrôle fiscal Sud-Est Outre-Mer.

Délibéré après l'audience du 22 mars 2018, à laquelle siégeaient :

- Mme Paix, président assesseur, président de la formation de jugement par intérim,

- M. Haili, premier conseiller,

- M. Sauveplane, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 avril 2018.

2

N° 16MA01806, 16MA02721


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA01806-16MA02721
Date de la décision : 05/04/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu.


Composition du Tribunal
Président : M. BEDIER
Rapporteur ?: M. Xavier HAILI
Rapporteur public ?: M. OUILLON
Avocat(s) : LUCIANI ; LUCIANI ; LUCIANI

Origine de la décision
Date de l'import : 10/04/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-04-05;16ma01806.16ma02721 ?
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