Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... C...a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge des cotisations aux contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2013.
Par un jugement n° 1501708 du 28 février 2017, le tribunal administratif de Nice a déchargé Mme A... C...des impositions contestées et a condamné l'Etat à lui verser la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la Cour :
Par un recours, enregistré le 28 juin 2017, le ministre de l'action et des comptes publics, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 28 février 2017 ;
2°) de remettre à la charge de Mme A... C...les impositions dégrevées en exécution de ce jugement soit la somme de 23 141 euros.
Il soutient que :
- le tribunal s'est prononcé sur la contribution de 1,1 % additionnelle au prélèvement social auquel Mme A... C...n'a pas été assujettie ;
- les cotisations sociales ne sont pas constitutives d'une restriction à la liberté de circulation des capitaux qui serait contraire aux stipulations du Traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne en raison de l'absence d'extranéité ;
- les restrictions découlant de l'application différenciée des prélèvements sociaux selon le régime légal d'affiliation à la sécurité sociale ne sont pas applicables, l'intéressée ne relevant pas d'un système de sécurité sociale d'un Etat membre ;
- le prélèvement de solidarité de 2 % n'entre pas dans le champ d'application du règlement 1408/71 en raison de l'affectation de son produit à la solidarité nationale et non au financement du régime de sécurité sociale.
Par des mémoires, enregistrés le 5 septembre 2017 et le 7 mars 2018 Mme B... C... représentée par Me D... conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros pour l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens présentés par le ministre ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention générale du 28 février 1952 conclue entre la France et la principauté de Monaco sur la sécurité sociale ;
- le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- le règlement (CE) n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 ;
- le règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;
- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 26 février 2015, Ministre de l'économie et des finances contre de Ruyter (C-623/13) ;
- l'arrêt n° C-45/17 du 18 janvier 2018 de la Cour de justice de l'Union européenne ;
- l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996, modifiée ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Boyer,
- et les conclusions de M. Ringeval, rapporteur public.
1. Considérant que Mme A...C..., ressortissante française résidant à Monaco, a été assujettie à l'impôt sur le revenu en France, conformément à la déclaration de revenu souscrite au titre de l'année 2013 ainsi qu'aux contributions sociales établies au titre de la même année ; que le tribunal administratif de Nice l'a déchargée des contributions sociales qui lui ont été assignées au titre de l'année 2013 à raison des revenus de capitaux mobiliers déclarés ; que le ministre de l'action et des comptes publics relève appel de ce jugement ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement entrepris ;
2. Considérant, en premier lieu, que d'une part aux termes de l'article 1600-0 C du code général des impôts : " La contribution sociale généralisée sur le revenu du patrimoine est établie conformément aux dispositions de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale. " ; qu'aux termes de ce dernier article, dans sa version issue de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 : " Les personnes physiques fiscalement domiciliées en France au sens de l'article 4 B du code général des impôts sont assujetties à une contribution sur les revenus du patrimoine assise sur le montant net retenu pour l'établissement de l'impôt sur le revenu, à l'exception de ceux ayant déjà supporté la contribution au titre des articles L. 136-3, L. 136-4 et L. 136-7 : a) Des revenus fonciers (...) c) Des revenus de capitaux mobiliers (...). " ; qu'aux termes de l'article 1600-0 F bis du même code : " I Le prélèvement social sur les revenus du patrimoine est établi conformément aux dispositions de l'article L. 245-14 du code de la sécurité sociale. " ; qu'aux termes de cet article L. 245-14 dans sa version issue de la loi du 16 août 2012 : " Les personnes physiques fiscalement domiciliées en France au sens de l'article 4 B du code général des impôts sont assujetties à un prélèvement sur les revenus et les sommes mentionnés aux I et II de l'article L. 136-6. Sont également soumises à ce prélèvement, à raison des revenus mentionnés au I bis de l'article L. 136-6 du présent code, les personnes physiques qui ne sont pas fiscalement domiciliées en France au sens de l'article 4 B du code général des impôts. " ; qu'aux termes de l'article 15 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 dans sa version applicable à l'espèce : " I. - Il est institué une contribution perçue à compter de 1996 et assise sur les revenus du patrimoine définis au I de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale perçus par les personnes physiques fiscalement domiciliées en France au sens de l'article 4 B du code général des impôts. Sont également soumis à cette contribution les revenus désignés au I bis de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale " ; qu'aux termes de l'article 1600-0S du code général des impôts dans sa version applicable aux revenus du patrimoine perçus à compter du 1er janvier 2012 : " I. - Il est institué : 1° Un prélèvement de solidarité sur les revenus du patrimoine mentionnés à l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale ; 2° Un prélèvement de solidarité sur les produits de placement mentionnés à l'article L. 136-7 du même code. II. - Le prélèvement de solidarité mentionné au 1° du I est assis, contrôlé et recouvré selon les mêmes règles et sous les mêmes sûretés, privilèges et sanctions que la contribution mentionnée à l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale. Le prélèvement de solidarité mentionné au 2° du même I est assis, contrôlé et recouvré selon les mêmes règles et sous les mêmes sûretés, privilèges et sanctions que la contribution mentionnée à l'article L. 136-7 du code de la sécurité sociale. III. - Le taux des prélèvements de solidarité mentionnés au I est fixé à 2 %. IV. - Le produit des prélèvements de solidarité mentionnés au I est affecté à hauteur de : 1° 1,45 point au fonds mentionné à l'article L. 262-24 du code de l'action sociale et des familles ; 2° 0,45 point au fonds mentionné à l'article L. 351-6 du code de la construction et de l'habitation ; 3° 0,1 point au fonds mentionné à l'article L. 5423-24 du code du travail. " ; qu'enfin des contributions additionnelles sont exigibles, assises recouvrées et contrôlées dans les mêmes conditions que le prélèvement social ;
3. Considérant d'autre part, qu'aux termes de l'article 4 B du code général des impôts " 1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : / a. Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; / b. Celles qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu'elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire ; / c. Celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques. " ;
4. Considérant qu'il n'est pas contesté que l'administration fiscale établit que l'essentiel de ses revenus de Mme A... C...sont de source française ; qu'il n'est pas contesté qu'elle doive être regardée comme ayant son domicile fiscal en France au sens de l'article 4 B cité du code général des impôts ; qu'elle est donc redevable, en application des dispositions citées au point 2, des contributions sociales sur les revenus de capitaux mobiliers qui lui ont été versés au cours de l'année 2013 ;
5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du 1 de l'article 2 du règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, applicable depuis le 1er mai 2010 : " Le présent règlement s'applique aux ressortissants de l'un des Etats membres, aux apatrides et aux réfugiés résidant dans un Etat membre qui sont ou ont été soumis à la législation d'un ou de plusieurs Etats membres, ainsi qu'aux membres de leur famille et à leurs survivants " ;
6. Considérant qu'il résulte clairement de ces dispositions que le règlement du 29 avril 2004 ne s'applique qu'à des personnes qui sont ou ont été soumises à la législation de sécurité sociale d'un ou de plusieurs Etats membres de l'Union européenne, sans que le fait d'être un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne suffise à faire entrer dans le champ du règlement ; qu'il résulte également clairement de ces dispositions, qui s'inscrivent dans le cadre de la libre circulation des personnes au sein de l'Union européenne, que le règlement ne s'applique pas à des personnes qui sont affiliées à un régime de sécurité sociale dans un Etat tiers à l'Union européenne, autre que les Etats membres de l'Espace économique européen ou la Suisse, Etats auxquels l'application du règlement a été étendue par voie d'accords internationaux, alors même que ces personnes auraient été, antérieurement à leur affiliation dans cet Etat tiers, affiliées à un régime de sécurité sociale dans un Etat membre de l'Union européenne ;
7. Considérant qu'il découle de ce qu'a jugé la Cour de justice de l'Union européenne dans l'arrêt du 26 février 2015, Ministre de l'économie et des finances contre Gérard de Ruyter, C-623/13, rendu à la suite d'une saisine par le Conseil d'Etat, statuant au contentieux en application de l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, qu'une personne relevant d'un régime de sécurité sociale d'un Etat membre de l'Union européenne autre que la France, d'un Etat membre de l'Espace économique européen ou de la Suisse ne peut être soumise aux prélèvements sur les revenus du capital prévus par la législation française qui entrent dans le champ du règlement du 29 avril 2004 ; qu'en revanche, ce règlement ne fait pas obstacle à ce qu'une personne affiliée à la sécurité sociale dans un Etat tiers à l'Union européenne autre que la Suisse ou les Etats membres de l'Espace économique européen soit soumise à ces mêmes prélèvements ; que, par suite, Mme A... C...ne peut se prévaloir de son affiliation à un régime de sécurité sociale monégasque pour contester son assujettissement aux contributions en litige ;
8. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du 1 de l'article 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les Etats membres et entre les Etats membres et les pays tiers sont interdites " ; qu'aux termes du 1 de l'article 64 du même traité : " L'article 63 ne porte pas atteinte à l'application, aux pays tiers, des restrictions existant le 31 décembre 1993 en vertu du droit national ou du droit de l'Union en ce qui concerne les mouvements de capitaux à destination ou en provenance de pays tiers lorsqu'ils impliquent des investissements directs, y compris les investissements immobiliers, l'établissement, la prestation de services financiers ou l'admission de titres sur les marchés des capitaux (...) " ; qu'aux termes du 1 de l'article 65 du même traité : " L'article 63 ne porte pas atteinte au droit qu'ont les Etats membres : / a) d'appliquer les dispositions pertinentes de leur législation fiscale qui établissent une distinction entre les contribuables qui ne se trouvent pas dans la même situation en ce qui concerne leur résidence ou le lieu où leurs capitaux sont investis (...) " ;
9. Considérant que, par l'arrêt du 18 janvier 2018 Jahin contre Ministre de l'économie et des finances, Ministre des affaires sociales et de la santé, C-45/17, la Cour de justice de l'Union européenne a jugé qu'une législation telle que la législation française relative à la contribution sociale généralisée sur les revenus du patrimoine, au prélèvement social sur les revenus du patrimoine et à la contribution additionnelle à ce prélèvement qui réserve un traitement plus favorable aux ressortissants de l'Union qui sont affiliés à un régime de sécurité sociale d'un autre Etat membre, d'un Etat membre de l'Espace économique européen ou de la Suisse qu'à ceux qui sont affiliés à un régime de sécurité sociale d'un Etat tiers, constitue une restriction à la libre circulation des capitaux entre un Etat membre et un Etat tiers, qui est, en principe, interdite par l'article 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
10. Considérant qu'elle a cependant jugé qu'une telle restriction à la libre circulation des capitaux entre un Etat membre et un Etat tiers était susceptible d'être justifiée, au regard des stipulations précitées de l'article 65, paragraphe 1, sous a), du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, par la différence de situation objective qui existe entre une personne physique, ressortissant d'un Etat membre, mais résidant dans un Etat tiers à l'Union européenne autre qu'un Etat membre de l'Espace économique européen ou la Suisse et qui y est affiliée à un régime de sécurité sociale, et un ressortissant de l'Union résidant et affilié à un régime de sécurité sociale dans un autre Etat membre ;
11. Considérant qu'il s'en suit que la circonstance qu'une personne affiliée à un régime de sécurité sociale d'un Etat tiers à l'Union européenne, autre que les Etats membres de l'Espace économique européen ou la Suisse soit soumise, comme les personnes affiliées à la sécurité sociale en France, aux prélèvements sur les revenus du capital prévus par la législation française entrant dans le champ du règlement du 29 avril 2004, alors qu'une personne relevant d'un régime de sécurité sociale d'un Etat membre autre que la France ne peut, compte tenu des dispositions de ce règlement, y être soumise, ne constitue pas une restriction aux mouvements de capitaux en provenance ou à destination des pays tiers, au sens de l'article 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; que Mme A... C...ressortissante française résidant à Monaco n'est, par suite, pas fondée à soutenir que les contributions en litige ont été mises à sa charge en méconnaissance du principe de libre circulation des capitaux prévu par cet article du traité ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a accordé à Mme A... C...la décharge des contributions sociales mises à sa charge au titre de l'année 2013 ; qu'il est, par voie de conséquence, fondé à demander que soit remise à la charge de Mme C... la somme de 23 141 euros ;
13. Considérant, en ce qui concerne les frais de procédure, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'ils soient mis à la charge de la partie de la partie à laquelle il est donné satisfaction ; que dés lors les conclusions présentées sur ce même fondement par l'intimée doivent être rejetées ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 28 février 2017 est annulé.
Article 2 : La somme de 23 141 euros, correspondant au montant des droits et pénalités dégrevés en exécution de ce jugement, est remise à la charge de Mme A...C....
Article 3 : Les conclusions présentées par la partie intimée et se rapportant aux frais de procédure sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'action et des comptes publics et à Mme E... A...C....
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.
Délibéré après l'audience du 20 mars 2018, où siégeaient :
- M. Antonetti, président,
- Mme Chevalier-Aubert, président assesseur,
- Mme Boyer, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 3 avril 2018.
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N° 17MA02758
mtr