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03/04/2018 | FRANCE | N°16MA02428

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre - formation à 3, 03 avril 2018, 16MA02428


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Keyword a demandé au tribunal administratif de Montpellier :

- d'ordonner la désignation d'un expert judiciaire avec mission d'étudier les dossiers techniques justificatifs et pièces de procédure, de convoquer les parties, de les inviter à s'expliquer sur la base d'une expertise intermédiaire et de se prononcer sur l'éligibilité des dépenses engagées au cours des années 2009, 2010 et 2011 au crédit d'impôt prévu par l'article 244 quater B du code général des impôts ;

- de su

rseoir à statuer dans l'attente des conclusions de l'expert ;

- de prononcer le remboursem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Keyword a demandé au tribunal administratif de Montpellier :

- d'ordonner la désignation d'un expert judiciaire avec mission d'étudier les dossiers techniques justificatifs et pièces de procédure, de convoquer les parties, de les inviter à s'expliquer sur la base d'une expertise intermédiaire et de se prononcer sur l'éligibilité des dépenses engagées au cours des années 2009, 2010 et 2011 au crédit d'impôt prévu par l'article 244 quater B du code général des impôts ;

- de surseoir à statuer dans l'attente des conclusions de l'expert ;

- de prononcer le remboursement des crédits d'impôt recherche au titre des années 2009 et 2011 ;

- de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie, qui procède de la reprise partielle de ce même crédit d'impôt qui lui avait été accordé au titre de l'année 2010.

Par un jugement n° 1405099 du 18 avril 2016, le tribunal administratif de Montpellier, a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 20 juin 2016, 17 février 2017, 11 octobre 2017, 20 février 2018, la SARL Keyword, représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 18 avril 2016 ;

2°) d'ordonner la désignation d'un expert judiciaire avec mission de se prononcer sur l'éligibilité des dépenses engagées au cours des années 2009, 2010 et 2011 au crédit d'impôt et de recevoir les parties pour qu'elles puissent échanger sur les projets ;

3°) de prononcer le remboursement du crédit d'impôt recherche au titre des exercices clos en 2009 et 2011 ;

4°) de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie, qui procède de la reprise partielle de ce même crédit d'impôt qui lui avait été accordé au titre de l'exercice clos en 2010 ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a été privée d'un débat contradictoire avec les agents chargés du contrôle du crédit d'impôt recherche prévu par le décret n° 2013-116 du 5 février 2013 ;

- il y a lieu d'écarter les conclusions de l'expert, dont l'identité n'est pas révélée et d'ordonner une nouvelle expertise ;

- elle n'a pu s'assurer de l'impartialité de l'agent chargé de l'expertise ;

- il existe un doute sur l'indépendance et l'impartialité de l'expert M. A... qui aurait dû conduire ce dernier à ne pas mener l'expertise et a minima à en informer le ministère de la recherche et de la technologie ;

- l'avis de l'expert est entaché de diverses anomalies ;

- ses dépenses de recherche et de développement sont éligibles au crédit d'impôt recherche.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 19 décembre 2016 et le 9 mars 2018, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SARL Keyword ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Chevalier-Aubert,

- et les conclusions de M. Ringeval, rapporteur public.

1. Considérant que la SARL Keyword entreprise éditrice de logiciels, relève appel du jugement du 18 avril 2016 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant au remboursement des crédits d'impôt recherche qu'elle avait obtenus au titre des exercices 2009 et 2011 et à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2010 ;

Sur la régularité de la procédure :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose aux agents du ministère de la recherche habilités par les dispositions de l'article R. 45 B-1 du livre des procédures fiscales de vérifier la réalité de l'affectation à la recherche des dépenses prises en compte pour la détermination du crédit d'impôt recherche d'engager un débat oral et contradictoire avec l'entreprise faisant l'objet de ce contrôle ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 45 B du livre des procédures fiscales : " La réalité de l'affectation à la recherche des dépenses prises en compte pour la détermination du crédit d'impôt défini à l'article 244 quater B du code général des impôts peut, sans préjudice des pouvoirs de contrôle de l'administration des impôts qui demeure seule compétente pour l'application des procédures de rectification, être vérifiée par les agents du ministère chargé de la recherche et de la technologie. / Un décret fixe les conditions d'application du présent article. " ; qu'aux termes de l'article R. 45 B-1 du même livre dans sa rédaction alors applicable : " La réalité de l'affectation à la recherche des dépenses prises en compte pour la détermination du crédit d'impôt mentionné à l'article L. 45 B peut être vérifiée soit par des agents dûment mandatés par le directeur de la technologie, soit par les délégués régionaux à la recherche et à la technologie ou par des agents dûment mandatés par ces derniers. A cet effet, ils peuvent se rendre dans les entreprises après envoi d'un avis de visite pour, notamment : / a. Prendre connaissance de la déclaration spéciale si elle ne leur a pas été communiquée précédemment ; / b. Consulter les documents comptables prévus par les articles L. 123-12 à L. 123-28 du code du commerce, ainsi que tous les documents annexes ou justificatifs, en vue de s'assurer de la réalité des dépenses affectées à la recherche ; / c. Consulter tous les documents techniques, effectuer toutes constatations matérielles, procéder à des vérifications techniques, en vue de s'assurer de la réalité de l'activité de recherche à laquelle les dépenses ont été affectées. Les résultats de ce contrôle sont notifiés à l'entreprise et sont communiqués à l'administration des impôts. " ;

4. Considérant, que, comme à toute autorité administrative, le principe d'impartialité s'impose aux agents mandatés par le ministère chargé de la recherche et de la technologie pour vérifier, à la demande de l'administration fiscale, la réalité de l'affectation à la recherche des dépenses prises en compte pour la détermination du crédit d'impôt recherche ; que pour pouvoir s'assurer du respect de ce principe général du droit, le contribuable doit avoir connaissance du nom de l'agent mandaté pour procéder à ces vérifications concernant ses projets de recherche, quand bien même cet agent aurait rempli une déclaration d'absence de conflit d'intérêts ;

5. Considérant que la demande de remboursement d'un crédit d'impôt recherche présentée sur le fondement du II de l'article 199 ter B du code général des impôts constitue une réclamation préalable au sens de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales ; que la décision par laquelle l'administration fiscale rejette tout ou partie d'une telle réclamation n'a pas le caractère d'une procédure de reprise ou de redressement ; qu'ainsi, les irrégularités susceptibles d'avoir entaché la procédure d'instruction d'une telle réclamation sont sans incidence sur le bien-fondé de la décision de refus de rembourser un crédit d'impôt recherche ;

6. Considérant, toutefois, d'une part, que si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ; que, d'autre part, il appartient au juge administratif, dans l'exercice de ses pouvoirs généraux de direction de la procédure, d'ordonner toutes les mesures d'instruction qu'il estime nécessaires à la solution des litiges qui lui sont soumis, et notamment de requérir des parties ainsi que, le cas échéant, de tiers, en particulier des administrations compétentes, la communication des documents qui lui permettent de vérifier les allégations des requérants et d'établir sa conviction ; qu'il lui incombe ainsi de mettre en oeuvre ses pouvoirs d'instruction pour apprécier le bien fondé d'un moyen tiré de l'absence d'impartialité alléguée de l'agent mandaté par le délégué régional à la recherche et à la technologie pour apprécier la réalité de l'affectation à la recherche de dépenses prises en compte pour la détermination du crédit d'impôt recherche ; que, s'il est conduit à écarter le rapport établi par cet agent en raison du défaut d'impartialité de ce dernier, il doit lui-même déterminer s'il y a lieu ou non de faire droit à la demande de remboursement de crédit d'impôt recherche, le cas échéant après avoir prescrit une expertise en application de l'article R. 621-1 du code de justice administrative ;

7. Considérant que l'identité de l'agent ayant réalisé les rapports d'expertise pour la délégation régionale à la recherche et à la technologie a été mentionnée dans le rapport du 20 mai 2012 relatif à l'année 2010 et dans celui du 26 mars 2013 concernant l'année 2011 ; que s'agissant de l'expertise pour 2009 et la contre-expertise pour 2010 et 2011, en date du 6 juillet 2014, l'identité de l'agent a été révélée en cours d'instruction par l'administration ; que la seule circonstance que cet expert, M. A... ait signé quatre articles avec Mme C... expert mandaté pour les précédents avis émis les 22 mai 2012 et 27 mars 2013, ne suffit pas à démontrer que cet agent ne serait pas impartial et indépendant ; que, dès lors, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le principe d'impartialité aurait été méconnu par l'administration fiscale ;

Sur l'éligibilité des projets :

8. Considérant qu'aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts : " I. Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d'après leur bénéfice réel ou exonérées en application des articles 44 sexies, 44 sexies A, 44 septies, 44 octies, 44 octies A, 44 decies, 44 undecies et 44 duodecies peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année (...) " ; qu'aux termes de l'article 49 septies de l'annexe III au même code : " Pour l'application des dispositions de l'article 244 quater B du code général des impôts, sont considérées comme opérations de recherche scientifique ou technique : / (...) / c. Les activités ayant le caractère d'opérations de développement expérimental effectuées, au moyen de prototypes ou d'installations pilotes, dans le but de réunir toutes les informations nécessaires pour fournir les éléments techniques des décisions, en vue de la production de nouveaux matériaux, dispositifs, produits, procédés, systèmes, services ou en vue de leur amélioration substantielle. Par amélioration substantielle, on entend les modifications qui ne découlent pas d'une simple utilisation de l'état des techniques existantes et qui présentent un caractère de nouveauté. " ; que ne peuvent être prises en compte pour le bénéfice du crédit d'impôt recherche que les dépenses exposées pour le développement ou l'amélioration substantielle de matériaux, dispositifs, produits, procédés, systèmes, services, dont la conception ne pouvait être envisagée, eu égard à l'état des connaissances techniques à l'époque du projet de recherche, par un professionnel averti, par simple développement ou adaptation de ces techniques ;

9. Considérant que, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si les opérations réalisées par le contribuable entrent dans le champ d'application du crédit d'impôt recherche eu égard aux conditions dans lesquelles sont effectuées ces opérations, et, notamment, d'examiner si les opérations de développement expérimental en cause présentent un caractère de nouveauté au sens de l'article 49 septies F de l'annexe III au code général des impôts ;

10. Considérant que la société Keyword en se bornant à faire valoir que l'expert n'aurait pas appréhendé le contexte de l'entreprise et aurait commis une erreur sur l'utilisation de programme " open source " ne démontre pas le caractère erroné des conclusions du rapport d'expertise ;

11. Considérant que, pour contester l'éligibilité des dépenses au crédit d'impôt recherche et la réintégration de ces dépenses dans les résultats imposables des exercices clos en 2009, 2010 et en 2011, la société Keyword, ne développe pas de moyens autres que ceux déjà écartés à bon droit par les premiers juges ; qu'il y a lieu, par suite, d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par le tribunal ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de prescrire l'expertise demandée, la société Keyword n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal de Montpellier a rejeté sa demande ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL Keyword est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Keyword et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.

Délibéré après l'audience du 20 mars 2018, où siégeaient :

- M. Antonetti, président,

- Mme Chevalier-Aubert, président assesseur,

- Mme Boyer, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 avril 2018.

2

N° 16MA02428

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA02428
Date de la décision : 03/04/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-08-01-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Calcul de l'impôt.


Composition du Tribunal
Président : M. ANTONETTI
Rapporteur ?: Mme Virginie CHEVALIER-AUBERT
Rapporteur public ?: M. RINGEVAL
Avocat(s) : SCP ONELAW

Origine de la décision
Date de l'import : 22/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-04-03;16ma02428 ?
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