Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B...a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision du 2 juin 2014 par laquelle le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Draguignan a refusé de procéder à l'effacement des données à caractère personnel le concernant inscrites dans le fichier du traitement des antécédents judiciaires.
Par un jugement n° 1402841 du 26 mai 2016, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 11 juillet 2016, le 17 novembre 2016 et le 1er février 2018, M. B..., représenté par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 26 mai 2016 ;
2°) d'annuler la décision du 19 mars 2013 de la délégation territoriale sud du conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) et la décision du 2 juin 2014 du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Draguignan ;
3°) d'enjoindre à l'autorité compétente de procéder à l'effacement des données à caractère personnel le concernant inscrites dans le fichier du traitement des antécédents judiciaires ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision du procureur de la République est insuffisamment motivée ;
- le délai prévu à l'article 230-8 du code de procédure pénale a été méconnu ;
- les décisions contestées portent atteinte au principe du respect de la dignité de la personne humaine ;
- les données enregistrées au fichier le concernant étaient périmées et devaient donc être effacées ;
- la décision du procureur de la République est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée à la garde des sceaux, ministre de la justice, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Par un mémoire, enregistré le 15 décembre 2016, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Draguignan a présenté des observations.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur les moyens relevés d'office, tirés de ce que :
- les conclusions tendant à l'annulation de la " décision " du 19 mars 2013 de la délégation territoriale sud du conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) sont irrecevables dès lors qu'elles sont nouvelles en appel ;
- les moyens de légalité externe invoqués devant la Cour contre la décision contestée sont fondés sur une cause juridique distincte des moyens de légalité interne soulevés contre cette même décision devant le tribunal administratif, et constituent une demande nouvelle irrecevable en appel.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 octobre 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de procédure pénale ;
- le code de la sécurité intérieure ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 2012-652 du 4 mai 2012 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Guidal, président,
- et les conclusions de M. Chanon, rapporteur public.
1. Considérant que, par une décision du 2 juin 2014, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Draguignan a rejeté la demande présentée par M. B... tendant à l'effacement des données à caractère personnel le concernant inscrites dans le fichier du traitement des antécédents judiciaires au motif que les différentes procédures dont il avait fait l'objet avaient abouti à des mesures de rappel à la loi et de compositions pénales auxquelles il s'était soumis ; que M. B... relève appel du jugement du tribunal administratif de Toulon du 26 mai 2016 rejetant sa demande dirigée contre cette décision ; qu'il demande, en outre, l'annulation de la " décision " du 19 mars 2013 par laquelle la délégation territoriale sud du conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) lui a indiqué qu'elle était susceptible de refuser de lui délivrer la carte professionnelle pour l'exercice d'une activité privée de sécurité au regard des informations inscrites dans ce fichier ;
Sur les conclusions à fin d'annulation de la " décision " du 19 mars 2013 de la délégation territoriale sud du conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) :
2. Considérant que M. B... avait seulement sollicité, devant le tribunal administratif de Toulon, l'annulation de la décision du 2 juin 2014 du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Draguignan ; qu'il s'ensuit que ses conclusions tendant à l'annulation de la " décision " du 19 mars 2013 par laquelle la délégation territoriale sud du conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) lui a indiqué qu'elle était susceptible de refuser de lui délivrer la carte professionnelle pour l'exercice d'une activité privée de sécurité sont nouvelles en appel et par suite irrecevables ;
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 2 juin 2014 du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Draguignan :
En ce qui concerne la légalité externe :
3. Considérant que, devant le tribunal administratif, M. B... n'avait soulevé que des moyens tirés de l'illégalité interne de la décision contestée ; que, si devant la Cour, il soutient en outre que cette décision serait entachée d'un vice de procédure faute pour le procureur de la République de ne pas avoir donné suite à sa demande d'effacement des données dans le délai d'un mois prévu à l'article 230-8 code de procédure pénale et d'un défaut de motivation, ces moyens, fondés sur une cause juridique distincte, constituent une demande nouvelle irrecevable en appel ;
En ce qui concerne la légalité interne :
4. Considérant qu'aux termes de l'article 230-6 du code de procédure pénale, qui autorise sa mise en oeuvre, le fichier dénommé " traitement des antécédents judiciaires " a pour finalité de " faciliter la constatation des infractions à la loi pénale, le rassemblement de preuves de ces infractions et la recherche de leurs auteurs " ; qu'il a également pour finalité, en application des articles L. 234-1 à L. 234-4 du code de la sécurité intérieure, " dans la stricte mesure exigée par la protection de la sécurité des personnes et la défense des intérêts fondamentaux de la Nation ", de contribuer à mettre en oeuvre des mesures de protection ou recueillir des renseignements pour la prise de décisions administratives relatives à des emplois ou activités mentionnés à l'article L. 114-1 du même code, par l'intermédiaire de consultations autorisées, ainsi que, en application de l'article 17-1 de la loi du 21 janvier 1995, de faciliter l'instruction des demandes en matière de nationalité ou de titres de séjour et des propositions de nomination ou de promotion dans les ordres nationaux ;
5. Considérant qu'en vertu de l'article 230-7 du code de procédure pénale, ce traitement peut contenir des informations sur les personnes à l'encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elles aient pu participer, comme auteurs ou complices, à la commission de certaines infractions mentionnées au 1° de l'article 230-6, sur les victimes de ces infractions et sur les personnes faisant l'objet d'une enquête ou d'une instruction pour recherche des causes de la mort ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 230-8 du même code, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision contestée : " Le traitement des données à caractère personnel est opéré sous le contrôle du procureur de la République territorialement compétent qui demande qu'elles soient effacées, complétées ou rectifiées, notamment en cas de requalification judiciaire. La rectification pour requalification judiciaire est de droit. Le procureur de la République se prononce sur les suites qu'il convient de donner aux demandes d'effacement ou de rectification dans un délai d'un mois. En cas de décision de relaxe ou d'acquittement devenue définitive, les données personnelles concernant les personnes mises en cause sont effacées, sauf si le procureur de la République en prescrit le maintien pour des raisons liées à la finalité du fichier, auquel cas elle fait l'objet d'une mention. Lorsque le procureur de la République prescrit le maintien des données personnelles relatives à une personne ayant bénéficié d'une décision d'acquittement ou de relaxe devenue définitive, il en avise la personne concernée. Les décisions de non-lieu et, lorsqu'elles sont motivées par une insuffisance de charges, de classement sans suite font l'objet d'une mention, sauf si le procureur de la République ordonne l'effacement des données personnelles. Les autres décisions de classement sans suite font l'objet d'une mention. Lorsqu'une décision fait l'objet d'une mention, les données relatives à la personne concernée ne peuvent faire l'objet d'une consultation dans le cadre des enquêtes administratives prévues aux articles L. 114-1, L. 234-1 à L. 234-3 du code de la sécurité intérieure et à l'article 17-1 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité " ; que le décret n° 2012-652 du 4 mai 2012, pris sur le fondement de ces dispositions, encadre la mise en oeuvre du traitement des antécédents judiciaires ; que l'article R. 40-27 du code de procédure pénale, qui en est issu, fixe la durée de conservation des données concernant les personnes mises en cause dans le cadre des procédures établies par les services chargés des opérations de police judiciaire ; que cette durée est modulée en fonction de l'âge de la personne mise en cause, de la gravité des infractions et de l'inscription de nouveaux faits dans le fichier ; qu'ainsi, selon le I. de cet article : " Les données concernant la personne mise en cause majeure sont conservées vingt ans. /Par dérogation, elles sont conservées cinq ans lorsque la personne est mise en cause pour l'un des délits prévus par le code de la route ou aux articles 221-6, 221-6-1, 222-19, 222-19-1, 222-20-1, 225-10- , 227-3 à 227-11, 311-3, 314-5, 314-6, 431-1, 431-4 et 434-10 du code pénal et L. 3421-1 du code de la santé publique, ainsi que pour les contraventions énumérées à l'article R. 40-25 (...) " ; que selon le II du même article, sauf exceptions, les données concernant la personne mise en cause mineure sont conservées cinq ans ; que toutefois selon le III dudit article " En cas de mise en cause pour une ou plusieurs nouvelles infractions avant l'expiration de l'une des durées, fixées au I et au II, de conservation des données initiales, le délai de conservation restant le plus long s'applique aux données concernant l'ensemble des infractions pour lesquelles la personne a été mise en cause " ;
6. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le législateur a entendu décrire entièrement les possibilités de radiation, correction ou maintien de données dans le fichier " traitement des antécédents judiciaires ", offertes à l'autorité à laquelle il a confié la responsabilité de contrôler sa mise en oeuvre et qu'il doit être regardé comme n'ayant entendu ouvrir la possibilité d'effacement que dans les cas où les poursuites pénales sont, pour quelque motif que ce soit, demeurées sans suite ; que hors cette hypothèse, les données ne peuvent être effacées qu'à l'issue de la durée de conservation fixée par voie réglementaire et le procureur de la République ne peut alors que refuser une demande d'effacement avant ce terme ;
7. Considérant qu'il est constant que les données inscrites dans le fichier du traitement des antécédents judiciaires relatives aux infractions commises en 2002, 2003 et 2006 par M. B... ont abouti à des mesures de rappel à la loi et de compositions pénales ; qu'ainsi, elles ne sont pas demeurées sans suite et les données correspondantes ne pouvaient être effacées qu'à l'issue de la durée de conservation fixée par l'article R. 40-27 du code de procédure pénale ;
8. Considérant que si l'intéressé, né le 8 décembre 1985, était mineur lorsqu'il a commis les infractions relevées à son encontre le 8 avril 2002 au Cannet-des-Maures et les 25 et 26 juin 2003 à Cabasse, et si les données le concernant à ce titre ne devaient en principe n'être conservées que cinq ans, il ressort des pièces du dossier qu'il a été mis en cause pour deux nouvelles infractions commises le 9 septembre 2004 et le 27 mai 2006 au Luc ; qu'à ces dernières dates, la durée de conservation de cinq ans des données initiales relatives aux premières infractions n'était pas expiré et il était alors majeur ; que selon l'intéressé, il s'agirait d'abord d'un délit de fuite lors d'un contrôle d'identité du 9 septembre 2004 ayant entraîné une amende de 650 euros ; qu'il s'agirait ensuite d'un outrage à agent de la force publique accompagné d'une infraction au code de la route, dans la mesure où M. B... mentionne que son véhicule était garé sur une bande blanche lorsqu'il a été interpelé par un agent de police municipale contre lequel il se serait emporté verbalement en tentant de se justifier, ce qui a engendré, selon ses indications, un mois de suspension du permis de conduire et une amende 150 euros ; que ces faits ne constituent pas seulement des infractions au code de la route et n'entrent pas dans les prévisions des dispositions du code pénal qui prévoient à titre dérogatoire de ne conserver les données que cinq ans au lieu de vingt ans ; que, dès lors, en application des dispositions du III de l'article R. 40-27 du code de procédure pénale le délai de conservation restant le plus long relatif aux dernières infractions en date, soit un délai de vingt ans compte tenu des infractions commises en 2004 et 2006, s'appliquait aux données concernant l'ensemble des infractions pour lesquelles M. B... avait été mise en cause ; que le procureur de la République ne pouvait, par suite, que refuser une demande d'effacement avant ce terme ; que M. B... n'est, par suite, pas fondé à soutenir que les données enregistrées au fichier le concernant auraient du être effacées à la date de la décision contestée ;
9. Considérant, en troisième lieu, que cette décision ne porte nullement atteinte au principe du respect de la dignité de la personne humaine ; qu'elle n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande ; que, par suite, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative doivent être également rejetées ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B...et à la garde des sceaux, ministre de la justice.
Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Draguignan.
Délibéré après l'audience du 16 mars 2018, où siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- M. Guidal, président assesseur,
- Mme A..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 30 mars 2018.
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N° 16MA02755
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