Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A...a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler l'arrêté du 11 mars 2014 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône l'a mis en demeure de faire cesser la mise à disposition de constructions légères et de mobil-home aux fins d'habitation et, d'autre part, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 136 000 euros en réparation du préjudice imputé à cette décision, majorée des intérêts légaux à compter de sa première demande d'indemnisation et de la capitalisation de ces intérêts.
Par un jugement n° 1704796 du 9 novembre 2016, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 24 novembre 2016 et le 24 janvier 2017, M. A..., représenté par Me E..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 9 novembre 2016 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 11 mars 2014 ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 136 000 euros en réparation du préjudice imputé à cette décision, majorée des intérêts légaux à compter de sa première demande d'indemnisation ;
4°) de prononcer la capitalisation des intérêts ;
5°) à titre subsidiaire, de désigner un expert en vue de procéder à l'inspection technique des habitations concernées ;
6°) de mettre une somme de 3 000 euros à la charge de l'Etat en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté est entaché de vice de procédure en l'absence de visite contradictoire sur les lieux ;
- l'arrêté est irrégulier dès lors qu'il ne mentionne pas l'identité de l'agent ayant visité les lieux ;
- le préfet a commis un vice de procédure en s'abstenant de saisir le conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques ;
- l'arrêté est entaché d'erreur de droit car la méconnaissance des règles issues du code de la construction et de l'habitation et du code de l'urbanisme ne peut fonder la déclaration d'insalubrité d'un local ;
- les mobil-homes n'ont pas été modifiés et sont simplement posés au sol ;
- les habitations sont raccordées aux réseaux ou peuvent l'être à brève échéance ;
- les habitations sont aménageables ;
- les constructions ne sont pas impropres à l'habitation au sens de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique et l'arrêté est entaché d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation.
Par un mémoire enregistré le 6 novembre 2017, le ministre des solidarités et de la santé, conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les moyens soulevés par M. A... sont infondés ;
- la réalité et l'étendue du préjudice ne sont pas démontrées.
Par une ordonnance du 27 septembre 2017 la clôture de l'instruction a été fixée au 15 novembre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. F... Grimaud, rapporteur ;
- les conclusions de M. D... Thiele, rapporteur public ;
- et les observations de Me B... pour M. A....
1. Considérant que par un arrêté du 11 mars 2014 faisant suite à une visite des lieux d'un agent de l'agence régionale de santé de Provence-Alpes-Côte d'Azur du 12 février 2014, le préfet des Bouches-du-Rhône a, sur le fondement des dispositions de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique, mis en demeure M. A... de faire cesser la mise à disposition aux fins d'habitation de constructions légères et de mobil-home implantés sur les parcelles référencées sous les numéros AA 20 et 43, sises passage Bricard, route départementale n° 568, sur le territoire de la commune de Gignac-la-Nerthe, dans un délai de six mois à compter de sa notification ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique : " Les caves, sous-sols, combles, pièces dépourvues d'ouverture sur l'extérieur et autres locaux par nature impropres à l'habitation ne peuvent être mis à disposition aux fins d'habitation, à titre gratuit ou onéreux. Le représentant de l'Etat dans le département met en demeure la personne qui a mis les locaux à disposition de faire cesser cette situation dans un délai qu'il fixe. Il peut prescrire, le cas échéant, toutes mesures nécessaires pour empêcher l'accès ou l'usage des locaux aux fins d'habitation, au fur et à mesure de leur évacuation. Les mêmes mesures peuvent être décidées à tout moment par le maire au nom de l'Etat. Ces mesures peuvent faire l'objet d'une exécution d'office. / Les dispositions de l'article L. 521-2 du code de la construction et de l'habitation sont applicables aux locaux visés par la mise en demeure. La personne qui a mis les locaux à disposition est tenue d'assurer le relogement des occupants dans les conditions prévues par l'article L. 521-3-1 du même code ; à défaut, les dispositions de l'article L. 521-3-2 sont applicables " ; qu'aux termes des dispositions de l'article L. 1331-26 du même code : " Lorsqu'un immeuble, bâti ou non, vacant ou non, attenant ou non à la voie publique, un groupe d'immeubles, un îlot ou un groupe d'îlots constitue, soit par lui-même, soit par les conditions dans lesquelles il est occupé ou exploité, un danger pour la santé des occupants ou des voisins, le représentant de l'Etat dans le département (...) invite la commission départementale compétente en matière d'environnement, de risques sanitaires et technologiques à donner son avis dans le délai de deux mois : / 1° Sur la réalité et les causes de l'insalubrité ; / 2° Sur les mesures propres à y remédier. (...) L'insalubrité d'un bâtiment doit être qualifiée d'irrémédiable lorsqu'il n'existe aucun moyen technique d'y mettre fin, ou lorsque les travaux nécessaires à sa résorption seraient plus coûteux que la reconstruction. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 1331-26-1 du même code : " Lorsque le rapport prévu par l'article L. 1331-26 fait apparaître un danger imminent pour la santé ou la sécurité des occupants lié à la situation d'insalubrité de l'immeuble, le représentant de l'Etat dans le département met en demeure le propriétaire, ou l'exploitant s'il s'agit de locaux d'hébergement, de prendre les mesures propres à faire cesser ce danger dans un délai qu'il fixe. Il peut prononcer une interdiction temporaire d'habiter " ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport établi par l'ingénieur d'études sanitaires désigné par l'agence régionale de santé de Provence-Alpes-Côte d'Azur le 12 février 2014, que M. A... loue à titre d'habitations permanentes des mobil-homes qualifiés par ce rapport d'" habitats légers " ; qu'il résulte de ce document que ces équipements sont en majorité vétustes et de taille réduite et font l'objet d'une occupation dense, qu'ils sont dotés d'extensions construites à l'aide de matériaux légers et combustibles qui encombrent le terrain d'assiette, qu'ils présentent de mauvaises caractéristiques thermiques contraignant leurs occupants à recourir à des dispositifs de chauffage dangereux et que l'évacuation des eaux usées et la fourniture d'électricité sont défaillantes ; que, toutefois, ces faits, s'ils peuvent le cas échéant justifier l'édiction d'un arrêté d'insalubrité sur le fondement des dispositions de l'article L. 1331-26-1 du code de la santé publique, ne révèlent pas une impropriété structurelle et irrémédiable des mobil-homes en cause à l'habitation, fonction à laquelle ils sont destinés ; que M. A... est par suite fondé à soutenir que le préfet des Bouches-du-Rhône a commis une erreur de droit en les déclarant impropres à l'habitation sur le fondement des dispositions de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont, par le jugement attaqué, rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 mars 2014 ; qu'il est également fondé à demander l'annulation de cet arrêté ;
Sur les conclusions indemnitaires :
5. Considérant que si le ministre des solidarités et de la santé fait valoir que le requérant ne démontre pas suffisamment, par les pièces qu'il produit, la réalité et l'étendue de son préjudice, il résulte des comptes de résultat de l'activité de loueur de meublé de M. A..., produits pour les années 2013, 2014 et 2015, que les recettes de cette activité ont fortement diminué à compter de 2014, année où est intervenu l'arrêté litigieux ; que l'administration ne soutient ni n'établit que M. A... n'aurait pas exécuté l'arrêté du 11 mars 2014 et continuerait de percevoir les loyers des habitations en cause ; qu'il s'ensuit que, faute de tout élément de fait de nature à remettre en question le lien de causalité entre l'intervention de la décision litigieuse et les pertes de recettes subies par M. A... et démontrées par lui, ce lien de causalité doit être regardé comme établi par l'instruction ; que le ministre des solidarités et de la santé ne peut utilement soutenir que le niveau des loyers pratiqués par M. A... serait supérieur à ceux du marché ; qu'en l'absence de quittances de loyers, d'état précis des entrées et sorties de locataires et de comptabilisation précise des recettes encaissées par M. A..., il sera fait une juste évaluation du préjudice subi par M. A... pour les années 2014 et 2015 en le fixant à 45 000 euros ;
Sur les intérêts et la capitalisation :
6. Considérant qu'en vertu de l'article 1153 du code civil, les intérêts au taux légal courront sur les sommes mentionnées ci-dessus à compter du 21 mars 2016, date à laquelle M. A... a présenté pour la première fois ses conclusions indemnitaires devant les premiers juges, faute de preuve de la réception de sa demande indemnitaire préalable ; qu'en vertu de l'article 1154 du même code, lesdits intérêts seront capitalisés au 21 mars 2017, date à laquelle était due une année d'intérêts, puis à chaque échéance anniversaire pour produire eux-mêmes intérêts ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que M. A... est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A... de la somme de 3 000 euros qu'il demande sur le fondement de ces dispositions ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1704796 du tribunal administratif de Marseille du 9 novembre 2016 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 11 mars 2014 est annulé.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 45 000 euros à M. A.... Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 21 mars 2016. Les intérêts échus le 21 mars 2017 seront capitalisés à cette date et à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... et au ministre des solidarités et de la santé.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 26 février 2018, où siégeaient :
- Mme Isabelle Carthé Mazères, président,
- M. F... Grimaud, premier conseiller,
- M. Allan Gautron, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 19 mars 2018.
2
N° 16MA04436