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13/03/2018 | FRANCE | N°16MA03318

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 13 mars 2018, 16MA03318


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... E...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 23 avril 2015, par laquelle l'administrateur provisoire de l'institut d'études politiques d'Aix-en-Provence a prononcé son licenciement, de condamner l'institut d'études politiques d'Aix-en-Provence à lui payer les sommes de 13 828,60 euros au titre des salaires dus pour la période du 28 avril 2015 au 31 décembre 2015, de 1 728,60 euros au titre de l'indemnité de préavis de licenciement et de 200 000 euros pour rupture

abusive de contrat, cette dernière somme devant être augmentée des intér...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... E...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 23 avril 2015, par laquelle l'administrateur provisoire de l'institut d'études politiques d'Aix-en-Provence a prononcé son licenciement, de condamner l'institut d'études politiques d'Aix-en-Provence à lui payer les sommes de 13 828,60 euros au titre des salaires dus pour la période du 28 avril 2015 au 31 décembre 2015, de 1 728,60 euros au titre de l'indemnité de préavis de licenciement et de 200 000 euros pour rupture abusive de contrat, cette dernière somme devant être augmentée des intérêts moratoires à compter de la date d'enregistrement de la requête et d'ordonner la publication de la décision à intervenir, dans deux journaux nationaux et deux journaux régionaux, aux frais de l'institut d'études politiques d'Aix-en-Provence.

Par un jugement n° 1504754 du 13 juin 2016, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 10 août 2016, Mme E..., représentée par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 13 juin 2016 ;

2°) d'annuler cette décision du 23 avril 2015 ;

3°) de condamner l'institut d'études politiques d'Aix-en-Provence à lui payer les sommes de 13 828,60 euros au titre des salaires dus pour la période du 28 avril 2015 au 31 décembre 2015, de 1 728,60 euros au titre de l'indemnité de préavis de licenciement et de 200 000 euros pour rupture abusive de contrat, cette dernière somme devant être augmentée des intérêts moratoires à compter de la date d'enregistrement de la requête ;

4°) d'ordonner la publication de la décision à intervenir, dans deux journaux nationaux et deux journaux régionaux, aux frais de l'institut d'études politiques d'Aix-en-Provence ;

5°) de mettre à la charge de l'institut d'études politiques d'Aix-en-Provence le versement de la somme de 15 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont commis des erreurs d'appréciation de sa situation ;

- le signataire de la décision du 23 avril 2015 est incompétent ;

- la procédure disciplinaire est entachée d'irrégularités ;

- les griefs invoqués pour justifier la sanction disciplinaire ne sont pas fondés ;

- cette décision est entachée d'un détournement de pouvoir ;

- elle a subi des préjudices financier, professionnel et moral.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 avril 2017, l'institut d'études politiques d'Aix-en-Provence, représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête de Mme E..., à titre infiniment subsidiaire au rejet de ses conclusions indemnitaires, et à ce que la somme de 6 000 euros soit mise à la charge de Mme E... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- l'appelante n'articule aucun moyen contre le jugement du 13 juin 2016 ;

- les moyens soulevés par Mme E... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'éducation ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;

- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;

- le décret n° 89-902 du 18 décembre 1989 ;

- le décret n° 2007-658 du 2 mai 2007 ;

- l'arrêté du 27 juin 2001 portant délégation de pouvoirs du ministre chargé de l'enseignement supérieur aux présidents des universités et aux présidents ou directeurs des autres établissements publics d'enseignement supérieur en matière de gestion des personnels des bibliothèques, et de certains agents non titulaires de l'État, affectés dans lesdits établissements, modifié par l'arrêté du 16 mai 2008 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la Cour a désigné M. C... d'Izarn de Villefort, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Schaegis,

- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., représentant Mme E..., et de Me B..., représentant l'institut d'études politiques d'Aix-en-Provence.

1. Considérant qu'aux termes de l'article 25 de la loi du 13 juillet 1983 dans sa version applicable au litige : " I.- Les fonctionnaires et agents non titulaires de droit public consacrent l'intégralité de leur activité professionnelle aux tâches qui leur sont confiées. Ils ne peuvent exercer à titre professionnel une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit. /Sont interdites, y compris si elles sont à but non lucratif, les activités privées suivantes : /1° La participation aux organes de direction de sociétés ou d'associations ne satisfaisant pas aux conditions fixées au b du 1° du 7 de l'article 261 du code général des impôts ; /2° Le fait de donner des consultations, de procéder à des expertises et de plaider en justice dans les litiges intéressant toute personne publique, le cas échéant devant une juridiction étrangère ou internationale, sauf si cette prestation s'exerce au profit d'une personne publique ; /3° La prise, par eux-mêmes ou par personnes interposées, dans une entreprise soumise au contrôle de l'administration à laquelle ils appartiennent ou en relation avec cette dernière, d'intérêts de nature à compromettre leur indépendance. /Les fonctionnaires et agents non titulaires de droit public peuvent toutefois être autorisés à exercer, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État, à titre accessoire, une activité, lucrative ou non, auprès d'une personne ou d'un organisme public ou privé, dès lors que cette activité est compatible avec les fonctions qui leur sont confiées et n'affecte pas leur exercice. " ; qu'aux termes de l'article 43-2 du décret du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'État : " Les sanctions disciplinaires susceptibles d'être appliquées aux agents contractuels sont les suivantes : 1° L'avertissement ; 2° Le blâme ; 3° L'exclusion temporaire des fonctions avec retenue de traitement pour une durée maximale de six mois pour les agents recrutés pour une durée déterminée et d'un an pour les agents sous contrat à durée indéterminée ; 4° Le licenciement, sans préavis ni indemnité de licenciement. " ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par un contrat du 1er janvier 2012, Mme E... a été recrutée par l'institut d'études politiques d'Aix-en-Provence pour assurer à temps plein une mission d'assistance au directeur du développement ; qu'outre ce contrat de travail, elle était titulaire d'un second contrat de travail conclu à durée indéterminée, à compter du 1er octobre 2012, avec la société institut international du commerce et du développement (ICD), filiale du groupe IGS, en qualité d'enseignant-chercheur, pour une durée de 28,80 heures par semaine ; qu'elle ne conteste pas qu'elle était dépourvue d'autorisation de cumul écrite pour ces activités ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret du 2 mai 2007 pris pour l'application des dispositions de l'article 25 de la loi du 13 juillet 1983 précité : " Dans les conditions fixées au dernier alinéa du I de l'article 25 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée et celles prévues par le présent décret, les fonctionnaires, les agents non titulaires de droit public et les ouvriers régis par le régime des pensions des établissements industriels de l'État peuvent être autorisés à cumuler une activité accessoire à leur activité principale, sous réserve que cette activité ne porte pas atteinte au fonctionnement normal, à l'indépendance ou à la neutralité du service. Cette activité peut être exercée auprès d'une personne publique ou privée. Un même agent peut être autorisé à exercer plusieurs activités accessoires. " ; qu'aux termes de l'article 4 du même décret : " Le cumul d'une activité exercée à titre accessoire mentionnée aux articles 2 et 3 avec une activité exercée à titre principal est subordonné à la délivrance d'une autorisation par l'autorité dont relève l'agent intéressé. " ; qu'aux termes de son article 5 : " Préalablement à l'exercice de toute activité soumise à autorisation, l'intéressé adresse à l'autorité dont il relève qui lui en accuse réception, une demande écrite qui comprend les informations suivantes : 1° Identité de l'employeur ou nature de l'organisme pour le compte duquel s'exercera l'activité envisagée ; 2° Nature, durée, périodicité et conditions de rémunération de cette activité. /Toute autre information de nature à éclairer l'autorité mentionnée au premier alinéa sur l'activité accessoire envisagée peut figurer dans cette demande à l'initiative de l'agent. /L'autorité peut lui demander des informations complémentaires. " ; qu'il ressort des termes mêmes de ces dispositions qu'une autorisation de cumul ne peut pas revêtir un caractère tacite puisqu'elle fait suite à une demande écrite de l'agent, comprenant des informations précises ; qu'il ne ressort d'aucune de ces dispositions qu'une convention passée entre les différents employeurs d'un agent dispenserait celui-ci de cette formalité ; que Mme E..., qui n'établit pas s'être conformée à cette obligation, qui lui incombait, n'est donc pas fondée à soutenir qu'elle était bénéficiaire d'une autorisation de cumul d'activités implicite, quels que soient les liens ayant existé entre ses deux employeurs ;

4. Considérant que pour les mêmes motifs, Mme E..., qui ne conteste pas avoir facturé des prestations, pour un montant de 1 500 euros, en juillet 2013, en qualité d'auto-entrepreneur, ne saurait justifier l'absence d'autorisation d'exercer cette activité libérale par le fait qu'il s'agit d'une pratique répandue, ou encore qu'elle agissait à la demande de l'institut ;

5. Considérant que pour la même période, l'intéressée était employée, d'une part par l'institut d'études politiques d'Aix-en-Provence en qualité d'assistante du directeur du développement, qui lui avait confié la mission d'assurer le suivi pédagogique de l'ensemble des programmes menés avec le groupe IGS, et d'autre part par la société ICD, filiale de ce groupe, notamment pour l'action commerciale interne et l'ingénierie pédagogique, sur lesquelles s'appliquait d'ailleurs une clause de confidentialité ; que cette situation était de nature à générer un conflit d'intérêts, ces deux structures étant liées par une convention ;

6. Considérant enfin que Mme E..., qui reconnaît avoir organisé des soutenances de mémoires du Master MIS à l'école IEAM en décembre 2014, n'était pas autorisée à exercer ses fonctions du fait qu'elle avait été placée en congé pour cause de maladie ; que la circonstance qu'elle ait apporté son soutien au bon déroulement des examens est sans incidence sur la portée de cette obligation ; qu'elle n'est pas fondée à invoquer la circonstance qu'une responsable pédagogique l'aurait incitée à travailler durant son congé, elle-même occupant des fonctions qui, aux termes mêmes de son contrat de travail en cours, relevaient de la direction de l'établissement ;

7. Considérant qu'il résulte des motifs énoncés ci-dessus que les faits retenus par l'administrateur provisoire de l'institut d'études politiques d'Aix-en-Provence pour prononcer, par la décision attaquée du 23 avril 2015, le licenciement pour motif disciplinaire de Mme E... sont établis et constituent des fautes de nature à justifier une sanction ; qu'eu égard à la gravité de ces faits et aux fonctions de directrice des partenariats qu'elle occupait, la sanction du licenciement sans préavis ni indemnité de licenciement n'est pas disproportionnée ;

8. Considérant que Mme E... soutient encore que le signataire de la décision du 23 avril 2015 serait incompétent, que la procédure disciplinaire serait entachée d'irrégularités et que la décision de la licencier procèderait d'un détournement de pouvoir ; qu'elle reprend ainsi en appel des moyens invoqués en première instance ; qu'en l'absence de toute circonstance de droit ou de fait nouvelle présentée à l'appui de ces moyens, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif de Marseille, de les écarter ;

9. Considérant que Mme E... n'établissant pas que la décision attaquée du 23 avril 2015 est entachée d'illégalité, elle n'est pas fondée à soutenir que la responsabilité de l'institut d'études politiques d'Aix-en-Provence est engagée pour faute pour obtenir réparation des préjudices financier, professionnel et moral qu'elle allègue avoir subis ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par l'institut d'études politiques et d'ordonner la publication du présent arrêt dans la presse, Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ;

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'institut d'études politiques d'Aix-en-Provence, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme E... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme E... une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par l'institut d'études politiques d'Aix-en-Provence et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.

Article 2 : Mme E... versera à l'institut d'études politiques d'Aix-en-Provence la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... E... et à l'institut d'études politiques d'Aix-en-Provence.

Délibéré après l'audience du 20 février 2018, où siégeaient :

- M. d'Izarn de Villefort, président,

- Mme Schaegis, première conseillère,

- M. Jorda, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 mars 2018.

N° 16MA03318 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA03318
Date de la décision : 13/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-09-03-01 Fonctionnaires et agents publics. Discipline. Motifs. Faits de nature à justifier une sanction.


Composition du Tribunal
Président : M. D'IZARN DE VILLEFORT
Rapporteur ?: Mme Chrystelle SCHAEGIS
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : SCP ASDIGHIKIAN et OLIVIER

Origine de la décision
Date de l'import : 10/04/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-03-13;16ma03318 ?
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